Mathieu Boogaerts: I love you, un album expérimental

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INTERVIEW MATHIEU BOOGAERTS – Propos recueillis par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/ Crédit-photo: Thibault Montamat

I love you…c’est une déclaration à qui? Etait-ce une volonté de provoquer avec un titre un peu kitsch ? Déjà, trouver un titre d’album n’est pas évident parce qu’à l’intérieur, il y a plusieurs chansons traitant de sujets différents alors trouver un titre qui résumerait le propos de chacune des chansons, a priori, c’est impossible. A chaque fois, c’est donc très instinctif, y’a un mot qui vient et on se dit soudain  » ça y est, c’est ça! » . C’est difficile d’expliquer comment est né « I love you » car le choix est assez irrationnel. Essayer de l’expliquer quand même?….la première raison? c’est la première fois que j’assume d’écrire tant de chansons en anglais donc j’avais envie que mon album ait un titre anglais puisque c’est un peu « mon album en anglais ». Ensuite? je voulais exprimer cet anglais un peu gauche, un peu naïf, un peu con qu’utilisent les non-anglophones. I love you, c’est un peu le premier truc qu’on apprend en anglais. L’anglais que j’ai employé dans ce disque est un anglais digéré,un anglais universel plutôt qu’un anglais académique.
Pourquoi cette envie de chanter en anglais, est-ce parce que la langue de Shakespeare permet mieux d’explorer les troubles de l’amour? – Non, je crois pas. Un de mes précédents albums, qui s’appelait Michel, était volontairement très introspectif, très sérieux, très nostalgique donc suite à ce disque j’ai commencé à me confier sur le suivant..puis naturellement j’ai voulu changer de méthode ..plutôt que la guitare, j’ai commencé par des rimes avec des mots courts, un peu rythmés, puis des mots en anglais. C’est la méthode que j’ai employé pour écrire qui a influencé ce choix de l’anglais. Il y a un parti pris radical, une sorte de dogme, je me suis dit que j’allais aller au bout de cette expérience et je suis tombé sur des chansons un peu en français, un peu en anglais, très répétitives …avec des expressions comme  » Do you feel ok? »qui sont…..un peu kitsch effectivement.
Cet album semble chercher à s’asservir de la morosité: il y a du pétillant dans le phrasé et la mélodie…c’était donc pour emporter l’auditeur dans une impression joyeuse? Je n’ai jamais la prétention d’amener mon auditeur quelque part; je ne sais jamais où je veux l’amener. Il y a toujours une distorsion entre ce que je comprends et ce que je propose et la façon dont ça va être interprété…donc je ne fais pas un disque pour les gens. Je fais un disque parce que naît un désir profond d’exprimer des choses et les gens les reçoivent ou pas….
Dans vos chansons, les mots se disent presque comme des onomatopées : on a l’impression que vous malaxez longtemps les mots en bouche avant de les choisir. Cela fait parti du postulat d’écrire des chansons: chaque mot est pesé, s’intègre dans une musique..je suis très perfectionniste et je mélange longtemps la sauce avant d’estimer qu’elle prend. Dans un couplet de la première chanson du disque,il est dit « Come to me, come to moi » : pour trouver cette formule-là j’ai passé beaucoup de temps à chercher. Avant de trouver la formule « magique », j’ai contorsionné longtemps le « me », le »moi »…
Dans cet album le texte paraît second par rapport à la musique: le sens semble naître plutôt des sens que du propos tenu… Pour moi, ça, c’est le propre de la chanson justement. Une chanson est le mariage entre la musique et les mots…Quant à la mélodie, en fonction qu’elle monte ou descende, qu’elle soit courte ou longue, que ce soit lent, triste, gai, rythmé, mou , les mots vont avoir un sens différent et c’est cela qui est intéressant. Aussi quand j’écris une chanson, en aucun cas je n’attache plus d’importance à la musique qu’aux mots; ce serait un non-sens puisque ce qui m’intéresse, c’est le mélange des deux.
Votre album donne l’impression, à l’instar du travail de beaucoup de poètes, d’un jeu sur les répétitions, les allitérations…l’impression d’un travail « musical » sur la phrase que vous auriez entrepris …et l' »histoire » de chaque chanson semble secondaire… Oui, c’est ça… il n’y a pas de « il était une fois » etc..après, dans d’autres albums, j’ai déjà fait des chansons comme ça. C’est vrai, dans « I love you », mon travail a plutôt été de faire répéter un mot plusieurs fois, d’en travailler la « musique »…
Il y avait donc une volonté marquée de faire dans cet album quelque chose de foncièrement différent de ce que vous faisiez avant? Tout à fait. Chaque fois que j’ai fait un album , il y a toujours un peu d’expérimental. Cela fait parti de ma vocation d’expérimenter les choses : ce disque pousse plus loin cette habitude et est le reflet d’une envie d’aller jusqu’au bout…sachant que dans les quatre disques précédents, le premier acteur de la chanson, c’était la mélodie… puis de la mélodie venait des mots…et là j’ai changé de méthode; je ne voulais pas que ce soit spécialement mélodique puisque le précédent l’était beaucoup; je préférais faire un album rythmique. C’était la première brique, les rythmes, et après j’ai rebondi dessus.
Quelles ont été les réactions de vos auditeurs habituels face à cette expérimentation? Je n’ai jamais eu d’avis aussi différents que sur ce disque! et c’est vraiment assez drôle…il y a ceux qui n’aimaient pas avant et qui n’aiment toujours pas, ceux qui n’aimaient pas avant et qui aiment bien maintenant, ceux qui aimaient avant et qui n’aiment plus maintenant et ceux qui aimaient avant et qui aiment toujours…je ne dis pas ça pour plaisanter, c’est VRAIMENT ça! Il y a des gens qui m’ont dit « j’adore le début, je n’aime pas après », d’autres  » j’aime pas le début, je préfère la fin », d’autres  » la meilleure, c’est vraiment celle-là »…donc je ne peux pas répondre à votre question parce que je ne sais pas.
I love youLe thème principal de l’album au départ, c’était l’amour et ses troubles? Je ne peux pas dire au départ parce que je ne commence pas une chanson en me disant  » je veux parler de ça »: c’est la forme qui précède tout. Au départ il y a un rythme et je commence à improviser des mots qui se collent assez naturellement sur le rythme et puis ces mots m’inspirent un sujet que je vais développer. Donc ce n’est qu’a posteriori que je me suis dit  » ah oui, ce disque parle d’amour… ». Je ne l’ai pas décidé, je me laisse aller à l’inspiration et je m’aperçois qu’effectivement, 9 fois sur 10, ça parle de ça dans mon disque comme dans les précédents.
Vous partagez souvent des scènes avec Albin de la Simone et vos deux derniers albums résonnent d’une manière étonnamment commune vis à vis de l’énergie très positive qui en ressort… Je suis très peu connecté à l’actualité musicale; il y a toujours des tendances et même si on essaie de lutter contre, on se laisse sans doute imprégné…par exemple, lorsqu’on observe des photographies d’archives des années vingt, trente, on voit que tous les hommes portaient des chapeaux ou des vestes, on a l’impression que tout le monde est pareil et des fois je me suis dit  » alala, moi, si j’avais vécu à cette époque, j’aurais été l’original et je n’aurais pas porté de chapeau » et puis après, dans la rue, je m’aperçois que tout le monde a des tennis et que je porte des tennis (rires)…et donc, même sans le vouloir, je suis dans une tendance et peut-être qu’inconsciemment j’ai fait quelque chose d’un peu pétillant…
Comment est Mathieu Boogaerts sur scène? Ce disque est sorti il y a deux ans et suite à ce disque, j’ai fait une tournée dans toute la France, un peu sophistiquée, on était quatre sur scène; il y avait des partis pris scénographiques, bref c’était un gros spectacle. Cette tournée est terminée depuis quelques mois et avec mon bassiste « adoré », Zaf Zapha, on a continué à tourner informellement, à Paris en l’occurrence. On pensait faire 4 dates, on en a fait 30. Pour moi donc, je ne suis plus du tout en tournée et pour moi ce disque est déjà ancien et là le concert à Montpellier, on n’est que deux, basse et guitare, et je fais des chansons du dernier disque mais aussi des précédents. C’est un peu un pot pourri de toutes mes chansons.
Un nouveau disque en projet? Oui, oui, il est en projet…entre ma tête et mes cassettes dictaphones….

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