Valérie Bettencourt : une Mostra et un nouveau roman

Partagez l'article !

Partagez l'article !Par Elisabeth Guillaud – bscnews.fr / Dans un monde ravagé par des catastrophes naturelles de plus en plus violentes, Venise commence à sombrer dans sa lagune. Toute la ville est évacuée en urgence. Mais d’étranges personnages sont restés cachés dans un sublime palais gothique au cœur du labyrinthe vénitien: ils ont décidé de […]

propos recueillis par

Partagez l'article !

Par Elisabeth Guillaud – bscnews.fr / Dans un monde ravagé par des catastrophes naturelles de plus en plus violentes, Venise commence à sombrer dans sa lagune. Toute la ville est évacuée en urgence. Mais d’étranges personnages sont restés cachés dans un sublime palais gothique au cœur du labyrinthe vénitien: ils ont décidé de se laisser engloutir avec la cité et organisent des bals costumés dont le thème change de siècle chaque soir.
Dans cette atmosphère baroque et onirique, Marie retrouve Laurent. Ils se sont croisés dix ans plus tôt et toute la vie de Marie en a été bouleversée. Laurent, lui, a totalement oublié cette brève rencontre.
Chaque jour, Marie et les autres personnages sombrent un peu plus profondément dans leur sensuel univers d’amour et de mort. De bal en bal, elle donne à Laurent des indices pour qu’il se souvienne d’elle. Et s’il ne retrouve pas la mémoire, elle laissera Venise les emporter tous les deux…

BSCNEWS / Sombre Lagune se situe à Venise. Que symbolise Venise pour vous? Pourquoi avoir choisi d’y dérouler votre intrigue?
Valérie Bettencourt : J’ai écrit la première version de cette histoire en 1994, sous forme de scénario. A cette époque, je n’étais jamais allée à Venise, mais elle m’attirait d’une manière irrationnelle. Plus tard, quand j’y suis allée, j’ai réalisé qu’elle était encore bien plus magique que tout ce que j’avais pu imaginer. Pour moi Venise est le sommet de ce que l’humanité a pu créer (et Dieu sait au contraire toutes les horreurs dont elle est capable!). Non seulement elle abrite un nombre incalculable de chefs d’œuvre artistiques, mais elle est à elle seule un chef d’œuvre tout entier (d’autant plus fragile qu’il tient sur des millions de pieux de bois enfoncés dans un sol argileux instable!). C’est la raison pour laquelle il est si important de la préserver et d’aider à restaurer ses bâtiments, qui se dégradent d’une manière inquiétante. Et puis dans Venise il n’y a ni voiture, ni bruit, ni agression. C’est un hâvre de paix, un monde à part…

Comment qualifieriez-vous l’intrigue de votre roman?

Une introspection. Un homme doit retrouver le souvenir d’une femme qu’il a brièvement croisée dix ans auparavant. Sinon elle ne lui pardonnera pas cet oubli et, par désespoir, folie et orgueil, elle laissera Venise s’effondrer sur eux deux.

Quelle ambiance avez-vous voulu recréer?

Je n’ai pas vraiment cherché à recréer quoi que ce soit. C’est une histoire qui est subitement arrivée dans ma tête par un beau jour de février 1994, et je l’ai écrite très vite, d’une manière presque automatique, sans beaucoup réfléchir. Voila, c’est tout simple…
Mais s’il fallait mettre des images, j’imaginerais un univers plutôt onirique, à mi-chemin entre Jean Cocteau et Tim Burton, avec des personnages extrêmes, plus ou moins extravagants, dansant chaque soir lors de bal costumés dans des décors somptueux et des lumières diffuses, jouant sensuellement avec l’amour et la mort, en attendant d’être engloutis avec Venise…

Les souvenirs, la mémoire, les flashbacks… peut-on dire que ce sont des éléments clés de votre roman?
Oui. Je suis fascinée par tout ce que peut contenir notre inconscient, qui représente quatre-vingt dix pour cent de notre esprit. Tous nos souvenirs personnels, mais aussi la mémoire collective. A un niveau individuel, c’est apprendre à nous connaître nous-mêmes, avec nos bons et nos moins bons aspects, savoir qui on est vraiment, retrouver ce qu’on a occulté volontairement ou pas, un peu comme en psychanalyse. A un niveau plus général, c’est une quête spirituelle pour tenter d’accéder à la connaissance universelle enfouie en nous, les grands secrets de la vie et de la mort.
Il y a aussi un autre thème : les traces qu’on laisse dans la vie des gens qu’on croise, et qui sont parfois bien plus profondes qu’on ne pourrait le soupçonner. Comment une existence peut basculer, comment un destin peut parfois être totalement bouleversé en quelques heures, sur un événement complètement inattendu, ou une rencontre.

De nombreux personnages peuplent votre récit. Comment sont-ils nés?

Ils sont tous nés d’un seul coup, avec l’histoire, et je me suis bien demandé d’où sortaient ces gens! En un quart d’heure, je les ai tous eus dans la tête, avec leurs caractéristiques et leurs histoires approximatives, et leurs noms. Ca c’est encore ce qui m’étonne le plus, car j’ai toujours du mal à trouver les noms des personnages… Après, bien sûr, il a fallu les construire. Mais dans le roman, il y a encore des bribes de dialogues de la version scénario de 94, que je n’ai pas changées…
Ce genre de flash très bizarre me laisse à penser que ces personnages sont peut-être des aspects de moi qui se sont révélés d’un coup, d’ailleurs il y a des choses très personnelles disséminées dans presque chacun d’entre eux : ma fascination pour Venise, pour Alfred de Musset et George Sand, pour les pyramides d’Egypte, pour le tarot initiatique, pour Bénarès, pour la mort et l’éventualité d’une forme d’existence après… et aussi ma phobie de l’eau stagnante, ce qui est très paradoxal lorsqu’on est une grande amoureuse de Venise!

Ce roman à travers les siècles vous a demandé de nombreuses années de mise en forme et d’écriture! Racontez-nous!
Bien évidemment, en 94, aucun producteur de cinéma n’a voulu de cette histoire de fou. Le scénario n’était pas au point, et puis faire s’écrouler Venise, à l’époque, ce n’était pas si évident, on n’avait pas les effets spéciaux qu’on a maintenant. Et même maintenant, c’est faisable mais ça reste tout de même un film à très gros budget…
Alors j’ai abandonné l’histoire pendant des années, mais elle restait dans un coin de ma tête. Je suis allée à Venise plusieurs fois, mais aussi au Caire à l’intérieur de la pyramide de Kheops, à Bénarès, à Katmandou, bref dans tous les lieux qui étaient au départ dans cette histoire, et qui m’attiraient.
Puis j’ai décidé d’écrire Sombre Lagune sous forme de roman, et j’ai fait l’erreur du débutant : j’ai envoyé le manuscrit à toutes les grandes maisons d’édition, car je ne connaissais pas les autres. Elles me l’ont toutes refusé, et je l’ai de nouveau laissé tomber.
Ensuite, j’ai écrit un autre roman, « les femmes de mes vies » (d’après un vieux synopsis de film que j’ai ressorti des tiroirs!), une comédie fantastique qui a facilement trouvé un éditeur. Alors j’ai repris Sombre Lagune, qui a aussi enfin trouvé son éditeur.
Il se sera donc écoulé seize ans entre la première version scénario et sa concrétisation, finalement sous forme de roman.
Maintenant il va falloir relancer l’idée d’un film… d’ailleurs, je viens de passer trois semaines à Venise pour La Mostra car il me semblait que ce n’était pas un mauvais endroit pour trouver un producteur. J’y ai pris quelques contacts… j’ai même eu une conversation d’au moins trente-deux secondes avec Quentin Tarantino! Mais j’ai aussi passé beaucoup de temps en belles rencontres et en promo pour le roman : j’ai fait deux signatures, le livre va être distribué dans toutes les librairies de Venise aux rayons des livres français, j’ai rencontré un éditeur italien intéressé par l’histoire… et j’y retourne le 18 décembre pour une présentation du roman à l’Alliance Française dans ses petits salons du 18ème siècle, avec musiciens, costumes d’époque, chanteuse d’opéra… une belle soirée en perspective! Bref, je ne perds plus une occasion de retourner vers l’envoûtante Venise…

Qu’aimeriez-vous que l’on dise de votre roman?
Qu’il fait voyager, qu’il transporte, et aussi qu’il pose des questions. Qu’il est à différents niveaux : une histoire d’amour bien sûr (et même plusieurs), mais aussi une réflexion sur la mort. Et puis une quête, un chemin initiatique tortueux dans une ville labyrinthe très symbolique. Et peut-être, aussi, par sa traversée des siècles, une métaphore de la réincarnation, de la vie éternelle
Site de l’auteur: http://valeriebettencourt.fr
Site de l’éditeur: http://leseditionsdupreau.fr/
Les Editions du Préau. 370 pages. 18 euros. ( Photo Davide Capelli)

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à