Montréal : la rentrée littéraire 2010

par
Partagez l'article !

Par Aline Apostolska – bscnews.fr / Comme chaque année, c’est la saison des ouragans, des orages, du début de l’été indien et, bien sûr, celle de l’envolée des bonnes feuilles, celles écrites par les écrivains et qui sont enfin offertes. Traditionnellement, au lendemain de la Fête du Travail (attention, il s’agit du Labour’s Day et non du 1er mai de chez nous !) qui tombe toujours le premier lundi de septembre, donc cette année le 6 septembre, les étudiants rejoignent leurs classes et les éditeurs débutent le ballet des lancements et autres cocktails de retrouvailles et de convivialité.Grosse rentrée littéraire cette année à Montréal. De plus en plus d’éditeurs, donc de plus en plus de livres, plus de diversité et de noms de jeunes auteurs qui circulent. Malgré une crise qui s’est fait sentir et a souvent obligé la plupart des éditeurs à réduire leur volume de production, parfois jusqu’à 35 à 40 % (!), la saison se veut optimiste. L’équation est simple : retours attendus de valeurs sûres + juste portion de jeunes auteurs typés et atypiques, plusieurs pertinents essais ( au Canada, il se publie presque 4 fois plus d’essais du côté anglophone que francophone, la situation étant proportionnellement inverse en matière de littérature jeunesse… hum, ouais, ça mériterait un papier plus approfondi… ) + des traductions de best-sellers avec en cerise sur le gâteau, une flambée de premiers romans très prometteurs (et dont je me demande si ce n’est pas ce que l’on attend le plus…)
Les valeurs sûres : Vedette incontestable et incontestée, bien connue en France aussi où sa trilogie est publiée chez Anne Carrière, Marie Laberge publie Revenir de loin chez Boréal. Le roman raconte l’histoire d’une femme amnésique qui noue une relation avec un jeune voyou. Toujours chez Boréal, on retrouvera Louis Hamelin et La constellation du lynx, « volumineuse fresque sur la crise d’octobre (NB : 1970) », Un dé en bois de chêne recueil de nouvelles de Suzanne Jacob (publiée au Seuil depuis longtemps), Espèces, de la sino-montréalaise Ying Chen, finaliste du Fémina en 95 et anciennement publiée chez Actes Sud, et Tiroir No 24, de Michael Delisle, ces deux auteurs ayant migré, l’une depuis longtemps et l’autre récemment, de Leméac chez Boréal.
Chez Québec Amérique, le bel et sensible auteur Jean-François Beauchemin revient (il écrit plus de deux romans par an alors leur publication suit lentement la production ce qui, avouons-le, est assez rare… ) avec Le temps qui m’est donné récit sur la vie de six enfants baignant dans une atmosphère intellectuelle.
Victor-Lévy Beaulieu, monument de la littérature québécoise (en même temps que du militantisme pour l’indépendance du Québec, ce qui, souvent, allait de pair jusqu’à récemment) et éditeur de sa maison d’édition Trois-Pistoles (du nom du village du bas du fleuve Saint-Laurent qu’il habite et a rendu célèbre), publie son «autoroman» Bibi chez Grasset en même temps qu’il lance au Québec Ma vie avec ces animaux qui guérissent, un étonnant récit sur le rapport qu’il entretient depuis l’enfance avec sa ménagerie. De toutes façons, VLB (comme on l’appelle) constitue une espèce en soi et à part.
N’oublions pas chez Leméac, Michel Tremblay, bien connu du lectorat français grâce à une co-édition d’Actes Sud, qui publie Le passage obligé, la suite de sa série des Traversées et point final de la diaspora des Desrosiers. Il finit par le début, l’enfance de sa mère devenue d’une œuvre à l’autre depuis plus de cinquante ans, un célèbre personnage romanesque Nana.
À surveiller, des écrivains dont les précédents livres avaient marqué et que l’on attend de retrouver.
Chez Leméac, Mathyas Lefebure, publicitaire devenu berger, revient avec Le grand livre des fous : dans les années 70, un gamin grandi avec sa grand-mère laquelle héberge des SDF et autres marginaux. Tiens tiens, une autre version d’un thème également traité par Jean-François Beauchemin… et pas très éloigné de celui de la jeune Anaïs Barbeau-Lavalette, cinéaste socialement engagée, qui livre son premier roman, Je voudrais qu’on m’efface chez Hurtubise, qui nous plonge dans le quotidien de trois enfants négligés du quartier Hochelaga. Un thème qu’elle connaît bien et qu’elle a déjà traité autrement. Chez Hurtubise toujours, mon ex-confrère du quotidien La Presse, le journaliste Nicolas Langelier, avec Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles, tout un titre pour un roman de facture psycho-pop pour raconter la mort du père et les rêves qui s’effilochent.Michale DelisleChez XYZ, Bertrand Gervais avec Comme dans un film des frères Coen, et Emilie Andrewes avec Les cages humaines. Chez Fides, l’acteur Jean-François Casabonne publie L’homme errata, sur les thèmes de la liberté, du désir, de l’amour et de la paternité. Enfin, le journaliste, romancier, formidable organisateur de cabarets littéraires Litt.& Dub (dub = bibine) et fondateur de la maison Coups de tête (dernier éditeur de Nelly Arcan) Michel Vézina, publie Zone 5, la suite de son roman d’anticipation Élise.
(Not) in translations. Éventail intéressant d’auteurs canadiens et étrangers. Chez XYZ, le super best seller international Yann Martel, traduit en 90 langues avec Life of Pi après l’obtention du Man Booker Price anglais 2002, avec la version française de Béatrice et Virgile, une fable sur l’Holocauste à nouveau à travers des personnages d’animaux. Et aussi, La montagne d’or, de Wayson Choy, l’histoire d’un jeune immigré chinois dans le Chinatown de Vancouver dans les années 40.
Chez Leméac, retour de David Homel avec Le droit chemin et L’école des films, ou l’éducation cinématographique d’un jeune homme par son père, de David Gilmour. Ayant vendu une participation à Leméac, Les Allusifs, maison bien positionnée en France, misent cet automne sur Sous un ciel qui s’écaille, de Goran Petrovic.
Chez l’excellente Alto, maison d’édition entre autres de Rawi Hadje (Parfum de poussière, repris chez Denoël) et Dominique Fortier (Du bon usage des étoiles à paraître en France et déjà traduit), L’indésirable, de Sarah Waters et Le soldat de verre de Steven Galloway.
Ah et attention, best-seller ! Flammarion Québec sort enfin En plein coeur, premier polar de Louise Penny auteur canadien qui a connu un immense succès en anglais avant de nous être enfin disponible.

Découvertes et premiers romans
La jeune littérature québécoise est très effervescente et réserve chaque année de belles surprises. Rappelons entre autres Kim Thuy, qui après un beau succès québécois avec Ru, a reçu le Prix RTL-Live lors du dernier Salon du livre à Paris.
Cet automne, découvrons Épique, de William S. Messier chez Marchand de feuilles, récit d’un été de déluge, en pick-up dans les Cantons de l’Est, Si la tendance se maintient, de Pierre-Marc Drouin chez Québec Amérique, qui raconte l’apprentissage d’un jeune homme qui «incarne ni plus ni moins un Québec qui ne se choisit pas».
Les Éditions du Sémaphore proposent Une nouvelle chasse l’autre, d’Hélène Ferland, hey, je suis si fière ! c’est le premier recueil de nouvelles d’une de mes anciennes élèves en littérature, partie vivre avec sa famille à Amsterdam… Enfin, au Quartanier, jeune maison dynamique qui publie aussi l’excellente revue O.V.N.I le premier roman de mon amie Perrine Leblanc, L’homme blanc, odorante et poignante histoire d’un serial killer russe…

La vie en vrai… Essais, récits, bios.
Dans cette catégorie de plus en prisée par les lecteurs qui aiment à se faire raconter un récit vraie ou donner à réfléchir à partir de et sur la réalité, signalons chez Varia Promets-moi que tu reviendras vivant de la journaliste littéraire Danielle Laurin, série d’entretiens avec des reporters de guerre, sujet qu’elle connaît bien en tant qu’épouse de l’un d’eux. Aux Éditions de l’Homme, Mia Dumont, rassemble L’apprenti-sage, Tome 2 une sélection des meilleures entrevues radiophoniques de Gilles Vigneault.

Et surtout, un délice de lucidité et d’introspection intime qui n’en est pas moins aussi une chronique historico-sociale de 2008 à aujourd’hui, L’éternité en accéléré, chez Héliotrope, le blogue de Catherine Mavrikakis, dont le roman Le ciel de Bay City (Sabine Wespieser en France) a enthousiasmé la critique française en 2009.

Oui, beaucoup de choses… et je souhaite une belle rentrée à toutes et tous. Au plaisir de vous retrouver le mois prochain dans ces pages !

Nota bene /
La Constellation du lynx de Louis Hamelin (date de parution au Québec : 21 septembre – date de parution en France : non déterminée ) Copyright photo auteur : © Martine Doyon
Un dé en bois de chêne de Suzanne Jacob ( date de parution au Québec : 5 octobre – date de parution en France : 13 janvier 2011) ) Copyright photo auteur : © Guillaume Barbes
Espèces de Ying Chen (paru au Québec au Éditions du Boréal – parution en France aux Éditions du Seuil) Copyright photo auteur : © Tie-Ting Su
Tiroir N°24 de Michael Delisle (paru au Québec – sera disponible en France au début du mois d’octobre)
Copyright photo auteur : © Martine Doyon

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à