Printemps des comédiens 2010: SOSIE et Amphitryon

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr / Ambieuse résolution que de monter Amphitryon de Molière: le texte en vers heurte en effet l’oreille novice – et contemporaine !- et le sujet nécessite une connaissance minimale de la mythologie grecque.
Rappelons donc qu’Amphitryon est marié à Alcmène et qu’un jour, le volage Jupiter, dieu de l’olympe et de la foudre, tombe amoureux des charmes de cette jeune mortelle. Aussi, comme les dieux grecs sont capricieux et égoïstes, décide-t-il de descendre sur terre sous l’apparence du mari Amphitryon pour abuser d’elle. Il est aidé par Mercure qui, lui, prend l’apparence de Sosie, le valet du roi.
L’histoire est passionnante et ne manque pas de provoquer des situations dramatiques délicieuses; le quiproquo est ainsi au centre d’un imbroglio de « je » qui s’entremêlent. Sosie et Amphitryon sont malmenés par Jupiter et Mercure, bien décidés à passer un bon moment aux frais du palais.
Amphitryon parle d’amour et de dieux perfides qui s’amusent avec les hommes: c’est un fait. Mais il aborde aussi la question de l’identité et de notre fragilité humaine vis à vis du destin décidé par les dieux.
Dans la création de la compagnie La Ricotta, on apprécie d’abord la justesse du jeu de l’ensemble des comédiens. Olivier Balazuc accomplit une prouesse théâtrale et le spectateur voit son coeur onduler au rythme de ses émotions. On rit de bon coeur avec lui, on est saisi de pitié, on soupire de soulagement. Audrey Bonnet et Sophie Neveu interprétent les deux rôles féminins principaux avec autant d’élégance royale ( Alcmène) que de légèreté meurtrie ( Cléanthis).
Bérangère Jannelle est à complimenter car sa mise en scène moderne réussit à simplifier la complexité de cette pièce. Le choix d’un fond sonore tantôt entêtant – entre battements de coeur, souffle divin et éclairs (qui accompagnent les acmés de tension), tantôt sensible – où les portées
Amphitryon - Sosie et Cléanthis - Marie Clauzade
Sosie et Cléanthis
musicales escortent avec délicatesse les trémolos du coeur – est judicieux , même si l’on peut déplorer la quasi omniprésence de cette ambiance sonore qui finit par fatiguer le tympan concentré. La scénographie de Stéphane Pauvret séduit par son originalité -les personnages déambulent sur le devant de scène, lorsqu’ils sont exclus du palais ou bien jouent sur une scène inclinée amovible qui représente l’intérieur- et soutenue par le travail corporel des comédiens, l’évanescente beauté des costumes, l’utilisation de la vidéo et du son, transporte plus haut le spectateur dans cette tragi-comédie.
Et lorsque le dernier vers se meurt, qu’ Hercule est attendu et ses malheurs futurs ,l’on quitte le théâtre plein de la grandeur mystique des mythes ancestraux et l’on est ravi que l’on ait su habilement nous faire profiter de l’agrément de ce texte mythique.

Crédit photo: Stéphane Pauvret / Marie Clauzade

« Sosie: N’importe, je ne puis m’anéantir pour toi,
Et souffrir un discours si loin de l’apparence.
Être ce que je suis est-il en ta puissance?
Et puis-je cesser d’être moi?
S’avisa-t-on jamais d’une chose pareille?
Et peut-on démentir cent indices pressants?
Rêvais-je? est-ce que je sommeille?
Ai-je l’esprit troublé par des transports puissants?
Ne sens-je pas bien que je veille?
Ne suis-je pas dans mon bon sens?
Mon maître Amphitryon ne m’a-t-il pas commis
À venir en ces lieux vers Alcmène sa femme? » ( Molière)
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