De la démocratie dans la littérature, un combat quotidien
Sa présence dans nos pages caractérise l’identité suprême du livre en tant que vecteur indispensable de la pensée dans le paysage culturel français. Force est de constater qu’aujourd’hui, le livre se décline de plus en plus comme un objet culturel un peu fourre-tout lorsqu’il n’est pas le faire-valoir médiatique pour son auteur.
Pour s’en persuader, il vous suffit de déambuler dans les librairies pour considérer d’un seul coup d’oeil la teneur de notre production éditoriale. Par là, les confidences d’une personnalité en chute de notoriété. Plus loin, la biographie d’une star ou les pensées d’un footballeur à la retraite. Sur l’étagère, un ouvrage politique publié à la va-vite pour coller à la polémique de la décade à venir. De plus, vous ne pourrez éviter à l’entrée l’imposante pile de livres des auteurs qui publient annuellement en kilo-tonnes de pages. Sans oublier, le livre comme facteur de promotion qui prolonge bien trop souvent la sortie d’un album ou d’un film. Et la boucle médiatique est bouclée.
Il n’est pas question ici de hiérarchiser la valeur intrinsèque d’une littérature en fonction d’une autre, ou d’énoncer arbitrairement un classement des littératures. Par contre, nous pouvons nous interroger sur la place du livre au sein du paysage culturel et pousser jusqu’au rôle de l’écrivain et sa place dans notre société. Récemment, lors d’une émission radio, je débattais avec un éditeur sur l’avenir de l’édition. Celui-ci jugeait avec une grande perspicacité la statut de l’écrivain : «Lorsque des écrivains célèbres passaient dans l’émission «Bouillon de Culture» de Bernard Pivot, il y a avait quelque chose qui tenait de l’admiration en faveur de la stature de ces hommes ou de ces femmes…»
Aujourd’hui, la littérature se pare de toutes ces déclinaisons précitées. Et lorsque nous nous intéressons au travail et à l’écriture d’Eric-Emmanuel Schmitt, et cela est applicable à bien d’autres écrivains de sa trempe, il est aisé d’estimer à sa juste valeur le travail considérable et préalable pour « commettre un livre». C’est un savant dosage de philosophie, de réflexion et d’intelligence merveilleusement incorporé au coeur d’une histoire donc d’une fiction. Et son talent réside dans le fait de la rendre accessible au plus grand nombre. Car tous les livres ne sont pas des oeuvres. Toutes les oeuvres ne sont pas élitistes. Et tous les bons livres ne sont pas uniquement le fait d’écrivains connus et réputés.
Ainsi, la démocratisation de la littérature doit être un combat quotidien.
Cependant, écrire un livre n’est pas une mince affaire. Et cela ne l’a jamais été. Cette quête demande du courage, de l’abnégation, de la passion, de la réflexion, une bonne dose d’humilité et un petit quelque chose d’intemporel.
L’actualité du livre n’est pas toujours en mesure de nous fournir ces ingrédients alors qu’Eric-Emmanuel Schmitt incarne l’équation résolue de ces écrivains de talent.
Déplorer ce mélange des genres qui submerge la littérature n’est pas la résurgence d’un élitisme abscons mais bien au contraire une volonté profonde de démocratisation de la littérature pour tous.
Car la démocratie ne se bâtit pas sur un marché d’idées et encore moins sur le degré de notoriété de son auteur mais bien sur l’intensité de son écriture et de son originalité artistique.
Nicolas Vidal