Sherlock Holmes, le mythe dépoussiéré par Guy Ritchie

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Guy Ritchie dépoussière le mythe Sherlock Holmes et lui redonne une légitimité contemporaine dans un blockbuster exubérant, mais tout en noirceur, cadencé par une réalisation vertigineuse.

L’argument : Lord Blackwood, adepte de magie noire et de rituels sataniques sanglants, a été capturé par Sherlock Holmes et, une fois pendu, déclaré mort par le fidèle ami du détective, le médecin John Watson. Ressuscité d’entre les morts, le meurtrier mégalomane fomente un complot démoniaque visant rien de moins que la destruction de l’Angleterre. Les assassinats qui s’accumulent au sein des membres de sa secte sèment la panique à Londres et mettent la pression sur Holmes. L’attention du détective est du reste divisée entre son enquête et sa traque d’Irene Adler, une criminelle américaine surdouée qui a volé son coeur.

Notre avis : Après quelques bides et bien des dérives, Guy Ritchie s’est finalement remis sur pieds. Il aura fallu à peine plus d’un an pour que le cinéaste redonne un sens à sa carrière. Après le semi-échec de Rocknrolla, détruit par son propre distributeur (Warner) aux USA, il se voit tout de même confier les rênes d’un blockbuster de 60M$ par Joel Silver (déjà producteur de RocknRolla) qui voit visiblement les choses en plus grand pour son poulain britannique. Exit donc les romances madonnesques (A la dérive), les nanars spirituels aux relents de Kabbale (Revolver) ou ses énièmes pompages de Tarantino (RocknRolla justement), l’enfant terrible du cinéma britannique revient puiser son énergie dans le Londres mythique de l’ère victorienne pour un hommage courageux au héros de Sir Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes.

Du courage, il en fallait à Guy Ritchie, après tant d’échecs, pour s’atteler à un film en costume autour du détective de Baker Street à l’image aujourd’hui quelque peu poussiéreuse. Le héros avait tristement été délaissé par les producteurs de longs métrages depuis les années 80 et quelques faux pas irrécupérables (le Young Sherlock Holmes / Le secret de la pyramide produit par Spielberg, pour n’en citer qu’un). Pourtant, force est d’admettre que le pari est réussi et, commercialement, le film fait l’effet d’une bombe au box-office américain avec un démarrage parmi les plus élevés jamais réalisé pour une sortie de décembre !
La raison de la réussite du Guy Ritchie réside principalement dans l’appropriation contemporaine du personnage de Holmes qui s’inscrit avec cohérence dans l’œuvre du cinéaste tout en préservant l’identité originelle d’une personnalité trouble, accro au boulot, aux combats de rue et également aux substances illicites. Bref, le cinéaste de Arnaques, crimes et botaniques avait matière pour enrôler Holmes dans son bestiaire de bad boys. Incarnée avec une certaine jubilation par le très hype Robert Downey Jr. (Iron man) qui offre un humour et une carrure matures aux excentricités du personnage, sa vision du détective atomise tous les clichés poussiéreux et terriblement télévisuels de l’homme à la pipe, affublé d’un immuable costume de tweed. Ici, Holmes blague, se retrouve dans son plus simple appareil menotté à un lit ou combat violemment à mains nues et le torse tout aussi exposé, dans la fange de Londres de cette fin d’ère victorienne, alors en proie à une révolution industrielle brillamment retranscrite par le cinéaste.
Cet aspect urbain auquel les spectateurs de 2010 sauront particulièrement être sensibles correspond miraculeusement aux romans et nouvelles de Conan Doyle. Sherlock œuvrait alors dans une cité emblématique de déliquescence dont la tourbe fascinait l’auteur, tout comme elle a toujours attiré le turbulent Guy Ritchie. Dans une volonté de grandiose, le réalisateur reconstruit une ville fourmilière, jonchée de travaux publics historiques (la vertigineuse séquence finale se déroule au sommet d’un Tower Bridge naissant) où la pauvreté et l’opulence s’opposent dans un contraste magnifiquement cinématographique. Si les images de synthèse limitent la beauté de cette vision récréative d’un Londres passé, les quartiers et les intérieurs sont souvent magnifiés par des décors somptueux où le détail opère un exercice de séduction gagnant. On est souvent bluffé par l’extravagance de cette cité de conte de fées modernes où, dans la lie, sévissait Jack l’éventreur. Guy Ritchie y trouve l’inspiration pour mettre en scène un récit faussement surnaturel (comme toujours chez Doyle), baignant dans l’occulte et la magie noire, où l’ambiance éminemment surnaturelle est contrebalancée par un recours quasi systématique à l’action. Outre le combat de haute volée sur Tower Bridge, on notera une séquence titanesque aux abords de la Tamise, qui mérite bien à elle seule le grand écran et une bonne exposition au meilleur système sonore.

Eternel adolescent dans l’âme, Guy Ritchie s’amuse et n’en oublie pas son style visuel ; sa caméra, véritable joujou dans les mains d’un technicien surdoué, s’agite avec dextérité, tout en trouvant ses limites dans l’overdose de gratuité. Après tout, c’est son cinéma à lui, un cinéma de mec pour petits mecs ; on n’est donc nullement surpris de trouver derrière ses courses poursuites l’amitié fondatrice entre Holmes et le Docteur Watson. L’imminent mariage de celui-ci semble inquiéter beaucoup plus Sherlock que les agissements macabres de Lord Blackwood, le grand méchant qui traumatise Londres et notamment le Parlement. Dans le rôle du rationnel docteur au secours salvateur, Jude Law, fait un come-back improbable mais réussi. Mûri physiquement, le comédien britannique semble moins fluet et plus consistant que dans ses dernières compositions (Closer, My blueberry nights, Irrésistible Alfie et The holiday). Bref une association de malfaiteurs au service du bien providentielle dans la carrière de Guy Ritchie alors que la fin de cette trépidante résurrection annonce déjà un second volet.

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