Une Immersion dans la lutte contre les cyberprédateurs

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« Regardez bien autour de vous. Tous ces visages qui se fondent dans la foule, dans la pure banalité. Derrière les portes closes d’une modeste maison de la banlieue, sur un chemin de campagne perdu, dans un appartement d’un quartier branché ou dans le sous-sol d’une résidence cossue, l’anonymat prend toute sa force par une connexion Internet et un disque dur. Fantasmes et perversions s’éveillent devant l’écran qui débouche sur le monde.
Ils ont tant de points communs. Un visage dont on arrive à peine à se souvenir. Des mains moites, une voix faible, une démarche nonchalante. C’est le nouveau conjoint de maman, ou le bénévole tant recherché, ou le quinquagénaire qui se fait passer pour un ado ; bref, c’est l’homme dont la jouissance passe par les enfants. »
Jessica, 6 ans, est nue dans une cage, à la merci d’un homme qui l’humilie, l’agresse, la viole, armé de sa perversion et d’un appareil-photo pour pouvoir en faire profiter les « amis ». Jessica n’a pas eu de conduite à risque, elle n’a pas fait confiance à un inconnu, cet homme c’est son père, un ingénieur en logiciel dans une société de haute technologie en Caroline du nord. Il a fait d’elle sa « marchandise », son « matériel », son esclave.
C’est alors une course contre la montre qui débute pour les policiers qui s’emparent de l’affaire. Retrouver et sauver cette fillette, l’arracher des griffes de son prédateur de père : c’est désormais tout ce qui compte. Et c’est au terme de 33h de travail acharné aux quatre coins des Etats-Unis, grâce à l’analyse minutieuse de plus de 400 photos, la collaboration de nombreux spécialistes, et une pointe de chance, que le calvaire de la fillette prendra fin et que son tortionnaire écopera de 100 ans d’emprisonnement.Ce cas n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres… Et bien souvent, le dénouement n’est pas si rapide, quand dénouement il y a.

« La violence, la perversion, la manipulation et le sadisme n’ont pas de bornes », se désole Paul Arcand dans son préface. « La police commence à peine à se réveiller, presque toujours en retard sur l’agresseur. »

Le plus insupportable, c’est sans doute de s’imaginer qu’en ce moment, dans le monde, des dizaines de milliers d’enfants subissent le même sort que cette petite fille innocente, et que tous ne pourront pas être sauvés, une poignée seulement d’entre eux étant répertoriés dans les fichiers des services spéciaux concernés…
D’autres chiffres tout aussi accablants révèlent l’ampleur de ce phénomène et la difficulté à le maîtriser : chaque semaine, 24 000 images d’agressions contre des enfants viendraient s’ajouter au contenu de 14 millions de sites Web ! Des chiffres qui ne cessent d’augmenter… De quoi donner le vertige, tout comme les 3 milliards de dollars que rapporterait chaque année la pornographie juvénile selon l’étude d’un site web américain d’analyse commerciale.
« Loin d’être des solitaires désœuvrés ou des maniaques d’informatique isolés, les créateurs et consommateurs de ces images sont enseignants, prêtres, médecins, politiciens, policiers et chefs scouts. Ce sont vos parents, vos voisins, les dirigeants de votre collectivité. »
Internet n’a certainement pas donné naissance à la pédophilie infantile. Mais il est évident qu’il a permis son essor en donnant aux délinquants sexuels un terrain idéal et d’accès facile pour leur permettre d’échanger et de banaliser leurs fantasmes en toute liberté, de normaliser des comportements au demeurant inacceptables et déviants. Internet, notamment avec l’augmentation des vitesses de connexion et de la capacité des supports de stockage, est devenu l’outil indispensable du cyberprédateur, qui est devenu par la même occasion plus difficile à traquer.

Prédisposition génétique ? Problèmes hormonaux ? Sévices sexuels subis durant l’enfance ? Les psychiatres ignorent toujours, à l’heure actuelle, ce qui mène des individus à commettre de tels crimes.
Et si leur nombre a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, l’âge des victimes, lui, ne cesse de baisser. Des mots difficiles à écrire, et pourtant tristement réalistes.

Ce livre retrace les efforts et le dévouement des polices et des procureurs du monde entier qui traquent sans relâche ces prédateurs sexuel, au prix parfois d’une souffrance personnelle intense et indélébile. Il relate également les opérations menées par les services de police pour parvenir à des arrestations, telles que la création de faux sites Web de pornographie juvénile, l’investissement de salons de discussion par des agents secrets se faisant passer pour des enfants, ou encore la mise en place de banques de données détaillées…
Enfin, il nous emmène sur la piste d’entrepreneurs peu scrupuleux qui ont fait de la pornographie juvénile leur mine d’or, profitant de l’attitude bien souvent trop délétère des banques et sociétés de cartes de crédit.
Un ouvrage réalisé dans le respect des victimes, et dont les informations proviennent en grande partie de rapports d’enquêtes et dossiers de police. L’auteur précise d’ailleurs qu’ « aucune image pornographique d’enfant n’a été achetée ni téléchargée. Aucune n’a été visionnée, sauf en présence de l’agent de police affecté au dossier. »
La plus grande difficulté, pour les victimes qui s’en sont sorties, est d’ailleurs de vivre en sachant que les photos de leurs sévices circulent toujours librement sur Internet, et que l’on ne peut rien faire pour empêcher ça. Une condamnation à vie pour ces enfants innocents qui tentent de se reconstruire tant bien que mal…

L’un des messages que transmet l’auteur, et qui mérite d’être largement diffusé, est que le « simple » fait de regarder, télécharger ou échanger des photographies d’enfants agressés est un crime qui fait de ses acteurs des agresseurs actifs. Regarder ces images, se les approprier, contribue à alimenter la demande et donc les actes d’agressions. Derrière chacune de ces photos se cache un enfant qui souffre, victime des pires atrocités.

Des experts expliquent aux parents comment responsabiliser leurs enfants face à ce vaste espace de liberté qu’est Internet, en faire des utilisateurs prudents et avertis. Cela ne suffira malheureusement pas à mettre un terme à ce phénomène, mais il contribuera peut-être à épargner au moins un enfant. Votre enfant.

Mélina Hoffmann

« Un enfant à la fois »- Protéger nos enfants des cyberprédateurs

De Julian Sher – Préface de Paul Arcand

Editions de l’Homme

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