La classe politique française entre discordes et coups bas

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Beaucoup d’hommes politiques se doivent de méditer aujourd’hui l’aphorisme d’un roi de Macédoine repris par Voltaire. La République tremble, la République a peur… Quelle drôle de période tout de même que celle-ci où l’on doit craindre ses proches !

Le week-end dernier nous a en a encore été témoin. Vincent Peillon organisait à Dijon sous la bannière de son courant, l’Espoir à gauche, un Rassemblement social, écologique et démocrate. Cette réunion est censée préfigurer la gauche de demain, avec à la tribune le Modem, Europe Ecologie et Robert Hue. Mais voilà que l’arrivée de Ségolène Royal bouscule les plans de Vincent Peillon, qui se sent obligé de préciser qu’il ne l’avait pas invitée. S’en suit un échange d’amabilités surréaliste…
Notons deux étrangetés. D’abord Vincent Peillon explique sa colère par son souhait de ne pas voir de présidentiables à ce rassemblement. Est-ce à dire que Ségolène Royal est de facto candidate en 2012 ou est-ce le souhait du député européen ? Ensuite, Vincent Peillon souhaite dessiner la gauche de demain en excluant celle qui en est une figure clé, ce qui en soit constitue un paradoxe. Et puis quelle tristesse, enfin, de voir qu’au Parti Socialiste, on peut non seulement se déchirer entre camarades, mais on peut également se taper dessus entre membres d’un même courant…
De ce point de vue, les petits meurtres entre amis ne sont pas seulement l’apanage du PS. A la gauche de la gauche, l’entente est cordiale( sourire) entre le Front de Gauche et le NPA. A l’extrême-droite, le Front National doit se dépêtrer des ligues, blocs et autres clubs crypto-facho qui lui reprochent sa modération (re sourirel).
Au sein de la majorité, c’est la guerre larvée au Sénat entre Jean-Pierre Raffarin, Gérard Longuet qui dirige le groupe UMP et Gérard Larcher qui préside la Chambre Haute. Le modus vivendi : la taxe professionnelle que le gouvernement souhaite voir entrer en application le 1er janvier 2010. Jean-Pierre Raffarin qui par ailleurs tape allègrement sur François Fillon, dont les critiques sur les gouvernements passés ne sont pas du goût de l’ex-Premier ministre. Et comme si cela ne suffisait pas, François Fillon doit également faire face au mécontentement d’Henri Guaino, conseiller spécial du président, qui lui savonne la planche dans la joie et la bonne humeur. A côté de tout cela, les tacles inamicaux sur les chevilles de Rama Yade seraient presque anecdotiques.
Oui mais, me direz-vous, Vincent Peillon n’est pas le frère de Ségolène Royal. Et si Henri Guaino et François Fillon n’ont a priori aucun lien de parenté, il en va de même pour les sénateurs UMP.
Car figurez-vous que ces dernières semaines, il a fallu craindre jusqu’à ses frères et sœurs, ses enfants, ses neveux, … Bref, ceux qui jamais, ô grand jamais, n’auraient dû vous trahir.
Premier acte de la tragédie avec ce qui est devenu « l’affaire Mitterrand ». Sans revenir sur le fond, observons tout de même que les extraits de la « Mauvaise Vie » sont exhumés par une « fille de » (Marine Le Pen), dont le but n’est autre que celui de déstabiliser un ministre « neveu de » (Frédéric Mitterrand) qui représentait une prise de guerre pour Nicolas Sarkozy.
Loin de moi l’idée de donner des leçons ou de montrer du doigt une classe politique qui fonctionne en vase clos : je n’en ai ni la prétention, ni l’envie. Et enfoncer des portes ouvertes n’est pas mon loisir préféré.
Mais il faut bien garder à l’esprit que la semaine d’après, c’est d’un « fils de » que naît le trouble : Jean Sarkozy, cadet du chef de l’Etat. Rappel des faits pour ceux qui auraient été séquestrés à la même période : Jean Sarkozy, conseiller général des Hauts-de-Seine, se voit offrir l’opportunité de devenir administrateur de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense suite à la démission de l’un de ses membres. Le fiston se précipite sur cette opportunité et dévoile son intention de diriger cet organisme, du haut de ses 23 ans et de ses deux ans de droit, en accord avec papa, bien sûr. En quelques jours, la France est la risée du monde, l’affaire est relayée par les médias tous pays et nombre d’entre eux titrent sur le népotisme, rappelant au passage que la France a cette fâcheuse manie de donner des leçons à l’ensemble de la communauté internationale. In fine, père et fils reculent devant la pression.
Il est intéressant de constater que les deux crises politiques majeures traversées par le pouvoir en cette rentrée ne sont pas de l’ordre du politique stricto sensu. Il ne s’agit pas là directement de la façon dont fonctionnent les institutions ou de décisions, de réformes, de textes de lois prônés par le gouvernement. Non, les deux points de crispation politique de cette rentrée sont le fait de polémiques stupides et inutiles.
À noter qu’un mini-buzz concernant un autre fils du président est né sur le web avant de mourir de sa belle mort : celui d’une aide de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) accordée après intervention de l’Elysée à Pierre Sarkozy, l’aîné cette fois-ci.
Chez les Verts, c’est une « fille de » qui a créé la polémique, après que Noël Mamère ait proposé que Marie Bové, une militante « hors père » (copyright Libération) conduise la liste Europe Ecologie pour les élections régionales en Aquitaine. Le premier qui parle de consanguinité gagne un abonnement (gratuit) d’un an au BSC news !

Dans un autre registre, la charge contre Eric Besson est venue de son ex-épouse, Sylvie Brunel. Abandonnée après trente ans de vie commune pour une femme plus jeune, elle dresse dans son « Manuel De Guérilla A l’Usage Des Femmes » un portrait au vitriol de son ancien mari. Un homme qui le jour du mariage, devant le maire, avait déjà refusé de jurer fidélité. Un homme qui ce jour là encore quitte la table des invités à peine les entrées achevées pour aller regarder un grand prix de Formule 1.
Rachida Dati, elle, sera trahie par son frère, Jamal. Dans « A l’ombre de Rachida », il raconte ses relations tumultueuses avec sa sœur, son caractère autoritaire et égocentrique et lâche cette terrible confidence : à sa sortie de la maternité, Rachida Dati aurait posé devant les photographes avec un couffin… vide ! « Pourquoi ce cinéma ? Pourquoi dissimuler le visage de Zohra ? » s’interroge alors son frère.

Dieu merci (ou peut-être pas), si la félonie familiale se répand dans nos contrées, elle a également cours dans le reste du monde. Notamment dans de grandes démocraties comme Cuba et l’Afghanistan. Le frère d’Hamid Karzaï par exemple cumule toutes les casseroles. Soupçonné d’être impliqué dans un vaste trafic d’opium, voilà que le New York Times vient de révéler qu’Ahmed Wali Karzaï pourrait également avoir collaboré avec la CIA pendant huit ans, bénéficiant ainsi d’une immunité totale pour ses activités illicites.
Plus cocasse : Juanita Castro, l’une des sœurs de Fidel et Raul, a elle aussi travaillé pour l’agence de renseignement américaine ! Celle qui a été « l’agent Donna » pendant trois ans était chargée de combattre la révolution cubaine, avec une seule exigence : ne participer à aucune conspiration visant à éliminer ses frères. Ouf, l’honneur est sauf !

D’où viendra le prochain scandale ? De quel secret familial ne sommes-nous pas informés ? Il est à se demander s’il faut en rire ou en pleurer, de ces petits meurtres entre amis, de ces morceaux d’intimité qui nous parviennent sans aucun filtre, de ces dynasties politiques qui se lèguent un poste, une fonction, un mandat. Faut-il se méfier de tout et de tout le monde ? Ou récolte-t-on seulement ce que l’on a semé ? Il ne m’appartient pas de trancher. Mais reconnaissons-le : tirer à bout de portant quand on nous tourne le dos, c’est un peu lâche, non ?

Neila Latrous

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