Les bonnes révolutions

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Chaque année c’est le même rituel. La rentrée littéraire, télévisuelle, scolaire etc…

En cette « rentrée littéraire », j’ai consulté, relu mon article de l’année dernière en tentant de voir quelles étaient les modifications qui sont apparues en un an. Peu de choses en fait. Plus de 600 publications, comme l’année dernière. Des noms différents en première ligne ? Pas vraiment. On prend presque les mêmes et on recommence, telle une « révolution » au sens propre du terme : on part d’un point pour en venir…au même point.
Ce que nous pouvons constater c’est la similitude qui existe entre la rentré littéraire et les passages télévisés. On reconnaît désormais le visage d’un écrivain, on le voit parler, il est une sorte de « marque » déposée à lui tout seul. Son visage est sur la couverture, il ne vend pas un livre, il « se » vend (parfois au détriment de la qualité). Il faut qu’il écrive un, voire deux livres par an. Un pour la « rentrée » l’autre avant l’été.
Chose curieuse, la rentrée littéraire se fait en septembre mais les ouvrages sont parfois disponibles dès les mois de juin, juillet, août. La rentrée littéraire se fait en définitive toute l’année.
Les inévitables
Difficile de passer à côté des noms déjà présents un peu partout. Il y a ceux dont vous allez entendre parler sur toutes les ondes, dans tous les journaux. Ces couvertures vont envahir toutes les librairies, ces « noms » plus que ces « livres » vont devenir à vos yeux des produits à acheter au titre du « dernier » roman de X ou de Y et vous seront vendus comme tels. Sont-ils bons ou mauvais, peu importe. Je ne suis pas critique littéraire, et je ne considère pas qu’il existe de mauvais romans, ou de mauvais essais, mais qu’il existe bien plutôt des affinités, des thèmes, des styles que chacun affectionne plus ou moins. Car il s’agit de cela, c’est à dire de « l’affect » que nous pouvons avoir pour un auteur, un thème, une tonalité d’écriture.
En dehors de tout jugement, les inévitables de cette rentrée sont (tels des nominés) : Un roman français de F. Beigbeder (Grasset), Fragments d’une femme perdue de PPD’A (Grasset), Le voyage d’hiver d’A. Nothomb (Albin Michel), Le premier jour de M. Lévy (Robert Laffont), Le club des incorrigibles optimistes de J-M Guenassia (Albin Michel). Voilà les noms de ces incontournables qui ne vous rateront pas lors de vos pérégrinations télévisuelles ou autres.
Une révolution littéraire ? Au sens actuel du terme, pas vraiment, rien de transcendant. Au sens propre, oui. On part d’un point et… Seul Guenassia avec son roman fleuve tiré d’une « réalité romanesque » et historique (références à Kessel et à Sartre) semble vraiment piquer la curiosité.
L’Amérique à l’honneur
Ceux qui ont l’habitude de me lire connaissent mon amour de la littérature américaine. New York est à l’honneur en cette rentrée. Il est de bon conseil de se pencher sur des romans qui parlent tous de personnages plus surprenants les uns que les autres. Vous pourrez ainsi voyager avec Souvenez-vous de moi de Richard Price (Presses de la Cité), Et que le vaste monde poursuive sa course folle de Collum MC Cann (Belfond), Netherland de Joseph O’Neill (Ed. De L’Olivier) et enfin, le premier roman de Oliver Jacquemond New York Fantasy (Mercure de France). Pour ceux qui aime Los Angeles, autre lieu mythique de la littérature et de la musique, vous pourrez vous délecter de LA Story de James Frey (Flammarion). Afin de compléter ce reflet du « jeune » continent et pour tous ceux qui aime le Beat de Kerouac et le jazz, il est urgent de lire Slumberland de Paul Beatty (Seuil).
Après toutes ces lectures il ne vous restera d’autre choix que de prendre un billet d’avion et de découvrir enfin cette Amérique lointaine comme une proximité que l’on n’arrive pas à définir.
Le monde selon Mattéi
Cette rubrique « philosophie », loin d’être toujours très académique par ses thèmes, ne peut se terminer sans l’évocation d’un ouvrage en droite lignée avec la matière qu’elle défend.
Les Éditions Sulliver, dont le catalogue est impressionnant par sa qualité et le choix qu’il propose, défendent à la fois la littérature mais également les Sciences Humaines.
Dans la collection Archéologie de la modernité, nous pouvons découvrir le dernier ouvrage de Jean-François Mattéi, Le sens de la démesure. Ce dernier titre d’une longue liste reflète à souhait ce personnage, grand spécialiste de Platon et de la « philosophie du choc ». Pour l’avoir connu comme professeur, il n’existe pas une conférence au cours de laquelle il ne « réveille » pas son auditoire par un « choc » bruyant sur son pupitre. Il s’agit certainement de sa démesure qui s’exprime. Cette dé-mesure est cette « rupture » d’harmonie, ce choc qui fait tressaillir le rythme ronronnant de la mesure.
En dehors du texte lui-même, le paratexte, l’épitexte nous laisse entrevoir que l’histoire de ce philosophe est intimement liée à ce thème. Il vécu lui-même la dé-mesure de l’exode, le « choc » dans l’harmonie, celui qui vous fait découvrir que « toute chose existe que par l’existence même de son contraire ». Le sens de la démesure réside dans notre condition humaine, cette condition qui nous pousse à trouver le sens de cette disharmonie, à tenter de redonner une « métronimie » à ce qui nous semble incompréhensible. Tout au long de son ouvrage, Jean-François Mattéi convoque les philosophes, l’histoire, les écrivains et même le cinéma afin de donner du sens et de nous rendre « mondain ». « Être au monde », c’est lui donner un sens et le voir tel qu’il est, c’est reconnaître en lui la belle mesure du progrès et sa dévastatrice démesure. Telle est l’invitation de l’auteur-philosophe.
Coup de chapeau donc aux Éditions Sulliver qui publie également le controversé Noam Chomsky dans la Collection Idées Libres.
S’il fallait conclure
Une pincée de gens (déjà) très connus, une bonne rasade de romans enlevés, un bon zeste de philosophie et cette rentrée littéraire sera une révolution. Quelle que soit votre définition du mot, je vous la souhaite excellente.

Par Sophie Sendra

* Élections 2000, suivi de Les Schémas du vote et de l’abstention.

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