Hôtel Woodstock – La critique

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Les coulisses de Woodstock. Une odyssée passionnante au coeur de l’un des événements les plus importants du XXe siècle. Peace !
L’argument : 1969. Elliot, décorateur d’intérieur à Greenwich Village, traverse une mauvaise passe et doit retourner vivre chez ses parents, dans le nord de l’État de New York, où il tente de reprendre en mains la gestion de leur motel délabré. Menacé de saisie, le père d’Elliot veut incendier le bâtiment sans même en avoir payé l’assurance alors qu’Elliot se demande encore comment il va enfin pouvoir annoncer qu’il est gay… Alors que la situation est tout simplement catastrophique, il apprend qu’une bourgade voisine refuse finalement d’accueillir un festival de musique hippie. Voyant là une opportunité inespérée, Elliot appelle les producteurs. Trois semaines plus tard, 500 000 personnes envahissent le champ de son voisin et Elliot se retrouve embarqué dans l’aventure qui va changer pour toujours sa vie et celle de toute une génération.
Notre avis : Pour fêter les 40 ans de Woodstock, il fallait bien un film en plus des livres, DVD et autres rééditions CD qui fleurissent depuis le début de l’année. La récupération commerciale d’un événement gratuit prônant des valeurs libertaires peut sembler cynique pour certains mais, au final, il se dégage de toutes ces opérations un profond sentiment de respect envers ces trois jours éternels qui marquèrent à la fois l’avènement, l’aboutissement et la fin des idéaux hippies. Pendant trois jours, Woodstock fut le catalyseur de l’énergie du Flower Power avant la terrible gueule de bois des années 70 et le brusque retour aux « réalités ».
Ce long-métrage, adapté des mémoires d’Elliot Tiber et confié aux mains expertes d’Ang Lee, propose une reconstitution minutieuse des coulisses du festival, de l’effervescence des débuts à la mélancolie terminale. Disons-le immédiatement afin d’éviter tout malentendu, le parti pris du film est de se limiter à ces coulisses. Pas d’extrait de concert donc et surtout pas de Jamie Foxx en Jimi Hendrix ou de Philip Seymour Hoffman en Joe Cocker ! Nous n’apercevrons la scène que de très loin et n’entendrons la musique live qu’en sourdine. On peut le regretter mais on peut aussi très bien s’en accommoder car l’enjeu du film est ailleurs. Ce que Lee s’évertue à reproduire, avec un savoir-faire et une efficacité remarquable, c’est le calme avant la tempête, la montée en puissance, l’ébullition enivrante, le chaos acide et finalement la descente neurasthénique qui ont caractérisé l’organisation titanesque de ces concerts historiques. Le titre original, Taking Woodstock (Envahir Woodstock), illustre parfaitement le déroulement des événements. Pour nous faire ressentir cette invasion de plus de 500 000 personnes, le cinéaste utilise des procédés judicieux, notamment quelques plans séquences très réussis qui nous permettent de déambuler dans ce joyeux foutoir, et le fameux split screen, qui émaillait déjà le documentaire mythique Woodstock, et qui ici met en avant les tâches logistiques laborieuses mais plus que nécessaires.
Faire un film sur Woodstock c’est aussi prendre le risque d’affronter les lieux communs inhérents à la mythologie hippie tels que les partouzes dans la boue, les jeunes abrutis par les drogues, la naïveté béate de l’esprit peace and love, autant de tartes à la crème qu’il faut savoir esquiver afin de traiter le sujet avec pertinence, sans céder à la tentation caricaturale. De ce point de vue, Ang Lee s’en sort très bien et jongle habilement avec les poncifs. Le meilleur exemple reste cette scène admirable du trip expérimental aux acides dans un van, scène initiatique touchante exempte de tout cynisme qui aurait pu facilement basculer dans le grand guignol.
Mais, si le film parvient effectivement à capter le souffle générationnel qui anima un demi-million de personnes, il peine en revanche à représenter l’implosion familiale du personnage principal. Les scènes domestiques sont convenues et frisent parfois inutilement l’hystérie. En revanche l’homosexualité d’Elliot est traitée de manière délicate, sans être soulignée malgré son évidente importance aux yeux du cinéaste. Une importance accrue par le fait que la cause gay ne soit étonnamment pas systématiquement citée lorsque l’on parle des différents tabous brisés par la révolution hippie…
Enfin Lee a l’intelligence de refermer cette parenthèse enchantée par l’évocation du tristement célèbre concert gratuit des Stones à Altamont quelques temps après Woodstock. Bilan : un mort et des millions d’illusions perdues. Mais ça, c’est une autre histoire.
Stéphane Mauge
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