Un buzz peut en cacher un autre par Emmanuelle de Boysson

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RENTRE LITTERAIRE

Un buzz peut en cacher un autre,
par Emmanuelle de Boysson

Les buzz de la rentrée sont souvent trompeurs. On parlera beaucoup du PPDA, de son superbe portrait d’une courtisane vénéneuse (Fragments d’une femme perdue), du Beigbeder, (Un roman français), tous deux chez Grasset et d’un futur Beigbeder, Sacha Sperling, 18 ans, fils de Diane Kurys et d’Alexandre Arcady, auteur d’un premier roman, Mes illusions donnent sur la cour, (chez Fayard, dont Olivier Nora, le patron de Grasset a pris les commandes). La presse suivra, syndrome mouton de panurge oblige. Remarquez au passage qu’il s’agit de trois hommes, reflet d’une rentrée masculine : pas de romancières françaises ni chez Grasset ni chez Flammarion. En contre point, Trois femmes puissantes, de Marie Ndiaye (Gallimard) s’imposeront, mais aussi Heureux parmi les morts, (Gallimard), d’Elisabeth Barillé qui s’intéresse aux rapports entre la mode et la mort. Ses personnages : une thanatopractrice par vocation, un créateur de mode à la Wharol, son ami tétraplégique, une gothique, sont tous fascinés par la mort qu’ils tentent d’apprivoiser. Laurence Plazenet pourrait bien créer l’événement avec La blessure et la soif. Dans une langue magnifique, elle raconte une passion platonique au XIIIe. Tous trois sortent chez Gallimard, qui, comme l’an dernier, se surpasse et innove avec sept premiers romans.
En dehors de la ville de Berlin (J-M Guenassia, Le club des incorrigibles optimistes, chez Albin par exemple), les thèmes qui se dégagent tournent, comme d’habitude, autour des liens de famille : histoire de ses parents pour Anne Wiazemski ; Eliette Abécassis publie la saga de sa famille issue du Maroc et de l’Alsace, (Albin Michel ) ; Sorj Chalandon évoque son père (Grasset) ; Marie-Odile Beauvais part à la recherche du Secret de Gretl à travers l’Allemagne et reconstitue la saga familiale (Fayard), comme Camille de Villeneuve qui, à l’histoire d’une famille d’aristos, s’interroge sur le poids du passé, des privilèges, du nom (Les insomniaques ( Philippe Rey). On trouvera des sujets actuels, comme l’Arabe, d’Antoine Audouard, dans le genre de l’Etranger ; Delphine de Vigan décrit la descente aux enfers d’une femme placardisée dans son entreprise (Les heures souterraines, Lattès). Dans Le prisonnier, (Stock), Anne de Plantagenet crée un huis clos fiévreux où Julia, une institutrice de campagne, ravagée par une rupture, est forcée de nourrir et de soigner dans sa classe un meurtrier en cavale crasseux. Une tragédie intemporelle qui m’a fait penser à celle des groupes dissidents comme l’ETA. Gérard Pussey s’attaque à retraite verte et coquine (Les succursales du ciel, Fayard). Les écrivains aiment toujours autant raconter leur vie… d’écrivain. Après L’auteur (1995), Vincent Ravallec remet le couvert avec Le retour de l’auteur, (Le dilettante) : le Prix de Flore, les salons, ses émissions télé, tout y repasse. Julie Jézéquel publie un roman scénario où une femme nègre va de surprises en surprises (Retour à la ligne, La Table ronde). Le couple, sujet fétiche de David Foenkinos, (La délicatesse, Gallimard) se décline sur tous les tons : couple en butte à la dépression, chez José Alvarez ( Anna la nuit, Grasset), couple au bord de la crise de nerfs (on attend le nouveau cru de Queffelec) ; couple face à la passion, chez Hervé Le Tellier, (Assez parlé d’amour, JC Lattès)
Coup de cœur pour des auteurs qui ne se la jouent pas. Une respiration. Philippe Delerm fait l’éloge de la paresse, de la lenteur : (Quelque chose en lui Bartleby, Mercure), Serge Joncourt est L’homme qui ne savait pas dire non, (Flammarion).
Que lire cet été ? Pour les romantiques : Une vie et 3 semaines, de Catherine Salez (J-P Bertrand). Après la mort de son mari, une grande bourgeoise, délaissée par ses fils, se souvient d’une rencontre initiatique de trois semaines qui a bouleversé son existence. Jeune fille romantique, passionnée de poésie, elle venait de se fiancer à Marc. Francisco était peintre, Luna posa dans son atelier : « C’est là-haut que j’ai commencé à vivre et là-haut que je suis morte ». Comme dans Tristan et Iseult, Marc sépara les amants, mais Francisco garda le portrait de Luna… D’une écriture sensuelle et ardente, Catherine Sallez réussit l’autopsie d’une passion. Une réflexion passionnante sur l’art.
Pour éviter d’avoir le blues : Un été chez les fous, de Sabine Davion-Marin (Presses de la renaissance). Le témoignage au ton décalé de cette animatrice radio sur sa dépression, son séjour à l’HP qui s’apparente à un voyage dans la quatrième dimension. Un message d’espoir, une façon de se déculpabiliser si ça vous arrive, car la dépression reste une maladie dont on peut sortir plus fort.
Pour se détendre : Je n’irai pas chez le psy pour ce con, d’Isabelle Alexis, (Albin Michel) : entre chick lit haut de gamme et comédie policière, Isabelle nous propulse dans un univers déjanté où les hommes se conduisent comme des lâches et les filles se comportent comme des hommes, en plus imaginatif.

Emmanuelle de Boysson
Journaliste VSD Marie-Claire, Femmes, auteur de dix livres.
* Dernier livre paru, Ami Amie pour la vie, aux éditions du Rocher.

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