Le temps n’existe pas par Sophie Sendra

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Si vous dites à une personne que le temps n’existe pas, il est certain que sa réaction ne sera pas des plus positive. Elle vous dira sans doute que le jour où vous aurez son âge vous comprendrez aisément votre ignorance en la matière.
Je vous parle en fait d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… je m’égare. Non, je vous parle d’un temps qu’il est difficile de connaître, celui qui n’existe pas, ou plutôt que nous faisons exister par nous-mêmes, pour nous-mêmes et qui, objectivement, n’est pas.

Le temps et l’éternité
Si nous regardons la notion de temps de plus près nous pouvons dire en substance, que le temps s’oppose très largement à la notion d’éternité.
En effet, contrairement à ce que l’on croit d’ordinaire, l’éternité est l’absence de temps. Elle n’est pas un temps sans fin, elle est en dehors du temps. Or, la paradoxe est dans cette idée que nous cherchons une éternité possible alors que nous avons créé de toutes pièces ce temps qui nous échappe parfois, sans cesse et que nous voudrions tour à tour suspendre, accélérer ou encore remonter.
De plus, nous avons en nous la possibilité de conceptualiser l’éternité sans jamais la connaître et dans le même temps nous avons créé un « objet temps » qui ne nous donne pas accès à cette éternité.
Le temps nous indique à la fois la finitude des choses qui nous entoure mais également notre propre finitude, angoissante et dérangeante. Nous combattons ce temps tout en admettant qu’il est une des caractéristiques de la conscience humaine. Nous avons conscience de « notre durée », tout en vivant dans un monde où le temps est imposé. Il est quantitatif, quantifiable. Il est décomposé, mais l’est-il pour tout le monde ?
Le problème est que pour la petite fourmi qui gravira votre jambe cet été, il n’est pas certain qu’elle se pose la question de savoir si elle la gravira en une heure et sept minutes ou si elle doit diviser ce temps en sept jours de la semaine, si elle parcourt cette distance à raison de un centimètre par seconde. Est-il possible d’ailleurs qu’elle se pose une question ? Bonne question.

Mythologie
A ce « sentiment intérieur de la durée » (Bergson), nous opposons donc ce temps objectif, créé par l’homme et qui n’existe a priori pour personne, à une mythologie du temps. Celle qui concerne ce désir de remonter le temps (H.G. Wells) afin d’en changer le cours mais également cette mythologie angoissante de la fin des temps. Bizarrement cette angoisse existentielle est au pluriel afin d’ajouter sans doute un peu plus à cette question difficile : malgré notre disparition, si nous laissons quelque chose, ce « quelque chose » a-t-il une chance, lui, d’être de toute éternité ? C’est cette idée qui parfois nous tiraille : idée d’ Être au-delà de nous, de tous temps.
Cette fin des temps suggère de fait l’Origine des temps, en tous cas, le notre. Cette Origine serait le début de l’Histoire, voire de notre histoire. Mais une question se pose. Est-ce l’origine du Temps que nous cherchons où l’ Événement lui-même ?

Le Temps et l’ Événement
Le passé n’est plus, le futur n’est pas encore et le présent, à peine nommé n’est déjà plus. Même si ces trois notions temporelles sont connues de tous et font preuve de notre raisonnement et de notre capacité à nous situer, il n’est pas difficile de constater qu’il s’agit là de notions très particulière à envisager tant elles sont à la fois connues et méconnues.
Qu’existe-t-il donc alors ? Ce qui existe vous dirait Albert Jacquard, c’est l’Événement. Ce qui caractérise le rythme de notre vie, l’existence elle-même, celle de notre monde, n’est pas le Temps, puisque créé de toute(s) pièce(s), c’est bien plus l’Événement.
Tout comme le tempo en musique, l’événement est le rythme d’un temps qui existe seulement parce que nous le faisons exister. Ce qui est de tous temps, c’est l’événement. Ce que nous retenons de notre vie ce sont les événements qui l’ont jalonné et non, en premier lieu, une heure, une date, une année.
C’est l’événement que nous cherchons à élucider dans cette mythologie et non le temps lui-même. Pour preuve, nous ne cherchons pas le temps 0 mais bel et bien l’événement nommé Big Bang.

S’il fallait conclure
Déjà un an et demi que nous nous connaissons. Que le temps passe vite. Mais je pense que vous venez de comprendre maintenant que ce temps, si rapide, si insaisissable, n’existe pas entre nous. Pour preuve, vous aurez à peine terminé ce magazine que je serai à nouveau là. Le temps suspendra ainsi son vol, vous serez, tout comme maintenant, à vous remémorer cet article déjà passé.

Sophie Sendra
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