Entretien avec Josiane Balasko

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Le Hérisson est l’histoire d’une rencontre inattendue : celle de Paloma Josse, petite fille de 11 ans, redoutablement intelligente et suicidaire, de renée Michel, concierge parisienne discrète et solitaire, et de l’énigmatique Monsieur Kakuro ozu.

Vous voilà transformée en hérisson !

J’ai quitté mes habits de hérisson, je suis redevenue un peu moi-même, mais j’ai été transformé en ce hérisson remarquable, tiré du livre de Muriel Barbery.

Est-ce que vous aviez lu le livre, qui fut un grand best seller ?

J’ai lu le scénario avant d’avoir lu le livre. J’avais bien sûr entendu parler de ce phénomène d’édition et j’avais lu de très bonnes critiques. Après avoir lu le scénario, j’ai dit à Mona que j’allais lire le livre avant de commencer le film, pour m’en
imprégner. Dans un livre, il y a toujours des détails qui peuvent intéresser les acteurs et les enrichir.

On va parler après de la façon dont vous vous êtes emparée de ce personnage de concierge. Est-ce que quand on s’attaque à une adaptation de roman, ça fait peur ? Les gens y mettent beaucoup de leur imaginaire.

Non, ça ne fait pas plus peur que pour un autre personnage. Je savais que le livre avait été beaucoup lu. On a toujours peur de ne pas réussir à jouer, à donner ce que le metteur en scène demande, ce que le scénario raconte. Mais je n’avais pas une peur particulière en me disant qu’à la sortie les gens allaient me jeter des pierres parce que je n’étais pas ce qu’ils imaginaient. C’est trop loin. Quand on tourne un film la sortie est loin. Je n’allais pas me mettre une pression inutile.

Comment vous êtes vous emparée de ce personnage de concierge ?

Quand un metteur en scène vous choisit et dit « j’ai envie que ça soit vous », pour jouer un personnage qui n’est pas évident, on se dit qu’on peut y arriver ! Le personnage de Renée ne m’est pas si éloigné, j’ai un côté Renée, comme tout le monde, c’est ce qui a fait le succès du livre. On a tous un côté Renée, un dehors un peu abrupt et un intérieur très intéressant si on se donne la peine de le connaitre.

Vous vous êtes appuyée sur une transformation physique ?

J’aime bien faire des personnages qui sont moi mais qui ne me ressemblent pas forcément, c’est ça le plaisir du métier d’acteur. Si je suis Renée, je vais être différente d’un autre personnage que j’aurais pu incarner. Je m’aide des artifices du théâtre et du cinéma qui sont des postiches, un maquillage, des costumes. Parce-que dans la vie, on est reçu par ce qu’on porte. Renée n’est pas très élégante, elle est habillée d’une certaine façon, il faut dire qu’elle s’en fiche de son aspect physique, elle a décidé de l’oublier. Elle a été une femme dans le temps mais là elle n’est plus qu’une concierge. D’où les couleurs ternes, les costumes informes, les cheveux qu’elle peigne à peine et qui sont grisonnants parce qu’elle ne va jamais chez le coiffeur, ces sourcils qu’elle n’épile pas, tous ces aspects rugueux du personnage.

Quand on vous voit à l’affiche et dans le film, on a du mal à vous reconnaitre. Expliquez nous vos petits secrets de transformation.

Je crois que les sourcils est une partie du visage qui transforme le plus les gens. Ça change l’expression du regard, ça m’abaissait le regard, l’éteignait un peu, ça le rendait plus dur. Comme le regard a beaucoup d’importance dans le visage et quand on joue, c’était évident et facile.

C’est facile de jouer avec ce nouvel aspect de soi même ?

Dans beaucoup de mes films je ne suis pas moi-même. Dans « Un crime au paradis », j’étais une mégère aux cheveux gras qui voulait tuer son mari. Dans « Gazon maudit » j’avais les cheveux gris et la coupe au rasoir. C’était aussi des déguisements. Ça me plait beaucoup, comme dans « Grand public », où je suis une dame à la retraite avec
des pulls nouveaux Léonard.


On sent que vous avez aimé incarné ce personnage. Un mot sur ce qui vous touche dans ce personnage ?

C’est quelqu’un qui est méprise. Les propriétaires qui composent cet immeuble sont des grands bourgeois, des gens riches, la considèrent comme une abrutie, ils ne la voient pas, c’est un meuble. Et elle ne fait rien pour attirer leur attention. Il y a des gens ordinaires qui peuvent être humiliés. Elle est au dessus de ça. Elle est beaucoup plus intéressante humainement que tous les locataires, plus cultivée que les gens de l’immeuble.

Vous êtes face à une jeune comédienne, comment étaient vos rapports sur le tournage ?

Très bien. Au départ elle était un peu impressionnée, à cause de mon maquillage. Mais ça c’est très bien passé, c’est une petite fille très douée, assez mure. C’est une petite fille, elle a 11-12 ans, donc s’il y a un jouet elle va jouer. Mais elle est capable de concentration, elle avait un rôle difficile avec beaucoup de texte, avec un texte très écrit, très littéraire. De ce personnage qui aurait pu être agaçant ou antipathique, cette petite fille surdouée qui a son avis sur tout, elle arrive à faire un personnage fragile et gracieux.

On va revenir au fond du film, vous aimez bien dire qu’il ne faut pas se laisser tyranniser par les apparences.

La mère Michel ne se laisse pas tyranniser du tout ! Elle, c’est l’excès opposé, le fait de ne pas tenir compte d’elle, de se couper les cheveux n’importe comment, de se renfermer, c’est un masque. Elle dit qu’elle ne sort jamais, qu’elle n’est jamais invitée, ne va jamais chez le coiffeur. Elle a sa cachette secrète, avec ses grands classiques de littérature, ses bouquins de philosophie et ses films japonais. Elle a aussi cette cachette, ce masque qui est elle-même.

Vous avez aussi aimé la philosophie du film…

La philosophie du film et du bouquin, c’est qu’il faut aller au-delà des apparences, que juger autrui sur des aprioris superficiels est stupide. L’autre peut être quelqu’un de très intéressant et d’enrichissant.

Ça colle bien avec le personnage citoyen que vous êtes, parce que vous vous engagée beaucoup auprès des restos du cœur…

Je pense qu’on peut tous s’identifier à Madame Michel. Ça me ressemble, les gens ne savent pas forcément qui je suis, et je n’ai pas forcément envie de dire aux gens qui je suis.

On va revenir à vos relations avec la réalisatrice. C’était son premier film. Comment s’est passé le tournage?

Mona est une surdouée elle aussi. Elle aurait pu être Garance. C’est peut être cela qui l’a attiré dans l’idée d’adapter ce film. Elle ne m’en a jamais parlé, c’est moi qui y pense. Mona est une jeune femme de 26 ans, j’ai vu arriver une fille qui avait l’air d’une étudiante, elle aurait pu être ma fille. Toute fragile, exactement comme le personnage de Paloma. Elle s’est mise à parler de manière très claire, très intelligente, très convaincue, avec une énergie et une ferveur qui vous convainc.

On sait que vous écrivez, que vous mettez en scène. Là vous étiez entre ses mains.

Tout acteur est entre les mains du metteur en scène, qu’il en soit à son premier film ou qu’il soit un metteur en scène chevronné. J’étais entre de bonnes mains, des mains jeunes, gentilles, protectrices. C’est quelqu’un qui aime les acteurs, qui les dirige très bien, qui sait ce qu’elle veut, qui n’a pas d’égo mal placé, qui écoute, qui est capable de reconnaitre ses erreurs. Ce sont des atouts extraordinaires pour un être humain. Elle est suffisamment forte pour reconnaitre « ça ne va pas, on va faire autrement ». C’est très rare. C’est une force.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pendant le tournage ? Les heures de maquillage, le chat ?

J’ai eu des partenaires formidables, dont le chat. On sait que tourner avec des animaux est pénible ; j’ai eu un acteur chat qui était formidable. On le mettait sur mes genoux et il dormait. Avoir à jouer avec un élément qui peut être perturbant, c’est difficile. Là on mettait le chat sur mes genoux, il dormait et je pouvais travailler. C’était une très bonne relation avec le chat.

Combien de temps vous avez mis à trouver physiquement le personnage ?

Trouver le physique et l’allure, c’est un travail qui se fait avec les metteurs en scène, les maquilleurs, les coiffeurs et la costumière. Mona voulait qu’elle soit en pantalon. Elle ne porte des jupes ou des robes que quand elle rencontre M. Ozu, le Japonais, où elle va montrer plus de féminité. Après, il y a l’idée, par rapport à la description du livre qui la montrait comme une personne avec énormément de cheveux, ce côté hérisson. Ça paraissait difficile de transposer exactement la description du livre. J’ai pensé aux cheveux gris, avec une perruque grise, avec des cheveux qui se barraient un peu partout et qu’elle coupait un peu au gré de ses envies. Avec le maquilleur, on a pensé aux sourcils qui abaissent le regard, l’assombrit, le rend plus rugueux.

Vous vous êtes rasée les sourcils ?

Oui, on les rasait tous les jours parce que ça repousse. Et on recollait des sourcils à la place.


Tous les jours, combien de temps de maquillage ?

A peu près 40 minutes pour la pose des sourcils et une demi-heure pour le reste. Ça faisait une heure et demie. C’est habituel.

Quand vous avez vu le film, quelle réaction avez-vous eu ?

J’ai dit à Mona que je suis très mauvais juge des films dans lesquels je joue, parce que je me trouve épouvantable. Je me regarde du coin de l’œil. Je lui ai dit « Ne compte pas sur moi pour parler de mon personnage ». Curieusement, mon personnage est totalement accepté, ça ne m’a pas gêné de le regarder comme spectatrice, j’ai trouvé ça très réussi.

Et très émouvant !

Très émouvant oui, j’y suis moins sensible, puisque c’est mon personnage. J’ai été un peu émue, mais je connais tout, donc on se remémore tous les moments du tournage. Mais je me suis laissée aller.

C’est un beau film sur la tolérance, entre autre.

C’est un film sur la tolérance, l’amour des autres.

Vous avez des projets ?

Je n’ai aucun projet définitif, à part me reposer pour travailler et écrire. Il faut que je recharge mes batteries pour me remettre à travailler.

LE HERISSON
Durée : 1h40
Sortie le 3 Juillet 2009
Avec
Josiane Balasko Garance Le Guillermic Togo Igawa Anne Brochet Ariane Ascaride
un film de Mona ACHACHE
librement inspiré de « L’Elégance du hérisson » de Muriel Barbery
Editions Gallimard © 2006

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