Bruno Derrien met au grand jour le scandale dans l’arbitrage

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Ce mois-ci, nous avons rencontré BRUNO DERRIEN.
Arbitre international, il a officié de nombreuses années dans le football professionnel. Aujourd’hui, il règle ses comptes avec son livre «A bas l’arbitre». Petites tambouilles entre amis au sein du sport le plus populaire en france.

Bruno, pourquoi avoir choisir de devenir arbitre de football?

Bonne question ! J’ai commencé très jeune en sachant que je n’ai été jamais été un grand footballeur. Mais je n’en suis aucunement frustré. J’avais le goût de l’organisation, de la gestion. On rentre en arbitrage comme on rentre en religion. Mes débuts ont été difficiles. J’ai été agressé deux fois.


Peut-on parler d’omerta dans le monde du football?

Il y a un microcosme contemplatif et il me semblait important de briser l’opacité qui règne dans ce milieu. On ne connaît pas bien le milieu propre à l’arbitrage, quelles sont ses règles, ses coutumes, son mode de fonctionnement . J’ai souhaité à travers ce livre raconter la vie d’un arbitre de haut niveau en interne mais aussi en externe.
En externe, c’est à dire vis à vis des médias, des supporters, des dirigeants, des joueurs et des entraîneurs. Et en interne pour mettre en lumière les arrières cuisines de l’arbitrage.
J’ai voulu donner un coup de pied dans la fourmilière pour parler du monde de l’arbitrage. Il y a un effet de loupe autour des arbitres aujourd’hui. J’espérais provoquer un vrai débat au sein de la fédération française de football concernant les questions d’arbitrage. Mais les instances font délibérément l’autruche en attendant que cela passe.

Qu’est ce qui pousse certains arbitres à se reprocher d’un clan plutôt qu’un autre? Est-ce du carriérisme, de l’ambition ou une recherche d’influence?
On souhaite un arbitrage aseptisé et sans saveur. On ne veut pas de personnalité. C’est d’ailleurs ce que déclaraient Michel Vautrot et Joël Quiniou récemment « les arbitres français manquent de charisme». On ne veut surtout pas de gens dont la tête dépasse. Je pense qu’un bon arbitre est quelqu’un qui exprime justement son libre-arbitre.

A vous entendre, on a envie de penser qu’il y a un consensus mou dans l’arbitrage ?

Bien sûr ! J’étais de ceux qui prenaient la parole et c’était mal perçu. Dans l’arbitrage, il y a des têtes pensantes et des équipes pour les soutenir. Même si aujourd’hui, la situation est légèrement différente car les grands n’y sont plus. Les arbitres vont vers celui qui a le pouvoir. Il n’y pas la place pour la proposition et encore moins pour la contradiction. Personnellement, depuis 2003, j’ai fait des propositions par courrier pour améliorer les choses.

Y-a t-il eu dans votre carrière un élément qui fidèlement retranscrit la fébrilité d’avant-match?
Je n’ai pas souvenance d’un moment particulier. A savoir qu’un arbitre a quoi qu’il en soit une pression permanente avant un match car on s’intéresse forcément au contexte d’un match.

Parlons du tournant de votre carrière Bordeaux-Lyon en 2005. Votre carrière bascule après ce match et vous expliquez très clairement qu’une cabale est lancée à votre encontre?
Ce match n’a pas été le meilleur de ma carrière. Mais ce qui a retranscrit dans le rapport du match n’était pas du tout ce qui avait été dit par le contrôleur désigné ce soir-là. Le contrôleur chargé d’établir ma note pour ce match a été suspendu mais on a conservé cette note. Mon combat a été de faire annuler cette note car cela m’aurait permis de conserver ma place d’arbitre de première division. Ce Bordeaux-Lyon était l’occasion rêvée de se débarrasser de moi. Je gênais car je prenais la parole et j’exposais une conception de l’arbitrage qui n’était pas celle des instances.

D’après-vous, cette destitution a fait suite à des consignes ?
Bien sûr . Cette année-là, je suis arbitre international, j’arbitre la finale de la coupe de France. On considérait que j’avais fait une belle saison. Et, au moment des notations, je suis 20ème.
C’est pour cela que j’ai entamé ce combat pour être réhabilité. Ce livre a été pour moi une forme de thérapie. La fonction d’arbitre est noble et respectable. Ceux qui l’incarne aujourd’hui ne le sont pas toujours. Mais il y a également des gens honnêtes et des gens très bien.

Autour de cette destitution, il y a une ambiance pesante et délétère ?
L’arbitre est le garant de l’éthique. Lorsqu’on en arrive aujourd’hui à pirater le système de notation des arbitres, on ne peut plus parler d’éthique. Mais notre métier a changé, il y a beaucoup trop d’enjeux, que ce soit financiers et sportifs entre les arbitres.

Parlez-nous du putsch de Créteil?

Lors d’une réunion organisée par Quiniou à la demande des arbitres, certains ont demandé sa tête à bulletin secret. Cette réunion a duré en tout et pour tout une heure. Et depuis 1998, l’arbitrage français est en crise. On a donné le pouvoir aux arbitres. Ils ont eu par la suite Michel Vautrot. J’apprécie Joël Quiniou mais beaucoup l’accusaient de faire du parisianisme. Joel Quiniou était charismatique, il montait au créneau pour défendre les arbitres. Le problème dans notre milieu s’insinue par la jalousie. Joel Quiniou était médiatique, ce qui avait le don d’énerver les autres. C’est aussi simple que cela.

Depuis quelques mois, une lettre anonyme circule dans le milieu arbitral et s’en prend à vous dans des termes peu courtois.
Concernant cette lettre, j’exprime des idées qui ne vont pas dans le sens commun du milieu arbitral. Je suis pour un débat public sur ces sujets. Ce livre, je l’ai signé et j’assume mes écrits. Cette lettre, quant à elle, est anonyme. Elle a transité par la Ligue de Bretagne et elle a été diffusé partout. Cette lettre est monstrueuse et elle a été envoyé le 25 janvier, trois jours après la sortie de mon livre.

Qu’est ce qu’on vous reproche concrètement dans cette lettre ?

On me reproche d’avoir trahi mon milieu et de l’avoir renié. Je passe pour un traître.

Comment percevez-vous aujourd’hui les arbitres qui deviennent consultant pour les médias ?

C’est une bonne chose car les arbitres sont les mieux placés pour connaître les règles du jeu et éclairer le téléspectateur ou le lecteur sur un fait de jeu. Les arbitres placés derrière les caméras sont en règle générale objective.

Est-ce que les instances dirigeantes sont complices?
Dans ce livre, je m’en tiens aux faits. Au moins, elles ne pourront pas dire qu’elles ne savaient pas.

A votre avis, Bruno, qu’est ce qui empoisonne le plus l’arbitrage français?

Il faut qu’il y est un management de qualité, des règles communes. Il faut également une vrai autorité et sortir du clientélisme.
Il faut clarifier le rôle le Conseil Supérieure National de l’Arbitrage qui ne sert à rien. On ne sait pas qui dirige.

Qu’est ce qu’il faudrait pour assainir l’arbitrage finalement ?

Il faut fédérer plus de compétences, revoir en profondeur la notation des arbitres, mettre en place des commissions d’appréciation. Il faut également arrêter de jeter en pâture des arbitres. Rapprocher peut-être les arbitres des autres acteurs du football et accorder plus de place à la communication.
Le statut des arbitres assistants doit être également revu.

Pour finir, si l’on vous sollicitez pour revenir, quelle serait votre réaction ?
Je suis tout à fait disponible pour travailler avec une équipe alternative, et mener une vraie politique pour sortir l’arbitrage français de l’ornière. Je voudrais rendre ce que l’arbitrage m’a donné. J’aime beaucoup ce rôle et je reste disponible.

Propos recueillis par Nicolas Vidal

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