Histoires courtes et autres nouvelles

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Quand on parle de « Nouvelles », il est un réflexe commun de penser aux nouvelles télévisées. A y regarder de plus près ça n’est pas tout à fait faux, surtout lorsqu’on jette un œil sur l’histoire de ces fameuses « nouvelles ».
D’aussi loin qu’on s’en souvienne, les premières « histoires courtes » remontent à la mythologie. Du grec « muthos », le mythe désigne un « récit », une « légende », une croyance imaginaire qui relate les aventures de héros, dieux ou demi-dieux. Ils se déroulent hors du temps, hors du monde réel.
Claude-Lévi-Strauss montre d’ailleurs leur importance dans la fonction sociale. Ils assurent selon lui, la cohésion de groupe au sein d’une culture. Ils sont des rituels justifiant l’ordre naturel, l’ordre social et celui du monde.
De cette origine de l’histoire courte, nous pouvons mettre en abîme l’évolution de la « nouvelles » en tant que style littéraire.
Pour faire « court » justement, nous pouvons dire que c’est au Moyen Age que ce style tente sa première ébauche. D’un côté des petits récits religieux moralistes, et de l’autre des « nouvelles » réalistes issues de faits divers (sortes d’informations brèves que l’on nomme de nos jours les « news »).
Au XIXème siècle, la publication de Nouvelles devient très courante. Les histoires sont imaginaires et les fins très surprenantes.
L’un des plus inspiré dans ce domaine est bien entendu Edgar A. Poe. Loin d’être « réaliste », ces « nouvelles » étaient le plus souvent fantastiques et pour d’autres auteurs, policières.
Cervantes, Maupassant, Mérimé, Nerval et bien d’autres encore sont des souvenirs de lectures de collège. « Histoires courtes » que le jeune lecteur en herbe digère mieux que les « gros pavés » souvent indigestes et décourageants à cet âge.

Le siècle de l’immédiateté.

D’une époque où tout auteur se devait de publier au moins une nouvelle, nous sommes passés à celle des romans fleuves. Même les auteurs de science-fiction se sont mis à faire des séries sous forme de tomes (Isaac Asimov par exemple). La « nouvelle » est devenue secondaire. Il fallait désormais publier son Roman.
Mythe, conte, nouvelle, série, roman, il n’y a qu’un pas vers le film muet et ses petites histoires, puis le film fleuve, puis les séries des I, II, III, les aventures de tel ou tel héros déclinées jusqu’à l’overdose. Nous retournons pourtant à cette brièveté qui nous manquait tant. Le meilleur exemple est celui de l’ « Histoire courte » version Courts Métrages, catégorie primée aux Césars et le pire exemple est le Storytelling, catégorie non primée (fort heureusement), mais bel et bien « compression » d’histoire courte dont la véracité est encore à prouver.

(J’écourte moi-même cette petite histoire de l’histoire courte. Je passe sans doute rapidement les décennies, mais l’immédiateté de notre siècle nous y oblige.)

Mais qu’est-ce donc que le « storytelling » ?

Un storyteller est celui qui raconte des histoires sous forme de contes. Il s’est transformé aux États-Unis en « raconteur d’histoires » choc qui sont censées parler à tous lors des campagnes électorales. Celui qui en parle le mieux est Christian Salmon dans Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (Éd. La découverte).
Désormais ce qui semble être à la mode ce sont ces histoires courtes qui n’ont rien d’imaginaires mais qui sont au contraire très ancrées dans la réalité. Sorte de compromis entre les deux styles du Moyen Age dont nous parlions un peu plus haut : il faut de la morale et du fait divers pour que ce savant mélange est une importance auprès de celui qui écoute. Car ces histoires se racontent plus qu’elles ne s’écrivent. Elles doivent être courtes, percutantes, tirées de la « réalité » et doivent « frapper » comme un slogan publicitaire. Il faut également qu’elles soient immédiates et compréhensibles par le plus grand nombre.
Notre désir d’immédiateté a transformé des histoires courtes réalistes pour faire rêver notre imagination en histoires pseudo-réelles. Se servant d’une sociologie de l’internet, c’est nouveau storytellers ont supprimé le magique au profit du pathos. Le narratif est devenu lui-même « fast-food » : vite raconté, vite transformé, vite digéré.

Nouvelles fortes sauce Mexicaine

Fort heureusement les « Nouvelles » ont de nouveau la « cote » dans le domaine littéraire.
Le Salon du Livre de Paris mettait à l’honneur un grand pays, en ce mois de Mars 2009 : le Mexique. L’un de ses représentants est d’ailleurs mit en exergue dans le dernier numéro du Courrier International, il s’agit de David Toscana auteur de Historias del Lontananza paru en 1997. Des personnages incroyables, des « fragments » de vie, des descriptions du quotidien dans un Mexique que l’on découvre, des rencontres d’hommes et de femmes qui deviennent proches. Des « méditations » sur les souvenirs qui nous donnent à réfléchir.
Le Mexique n’est pas forcément très connu dans le domaine littéraire et c’est sans doute l’occasion d’en découvrir la grande richesse. Afin de se « frotter » à cette sauce piquante littéraire il faut souligner la publication aux éditions Magellan & Cie dans la collection Miniatures, d’un recueil de cinq nouvelles d’auteurs mexicains. A découvrir rapidement.

Ce Numéro Spécial « Nouvelle » nous donne l’occasion de ré instaurer une vieille habitude.
Si nous voulons que cette tradition de la « nouvelle » devienne un réflexe de lecture, il serait fort judicieux de reprendre les rituels de lecture(s) auprès de nos enfants.
Après l’histoire du soir et les ouvrages pour enfants, très utiles à la préparation de l’endormissement, prenez un classique de la « nouvelle » et lisez la à votre progéniture dès qu’elle sera en âge de la comprendre. Son imaginaire ne sera que mieux stimulé et il découvrira cette forme d’écriture qui est « courte » par la taille du récit, mais grande par le génie de ses auteurs.

S’il fallait conclure

On parle toujours de grands romans, de grands auteurs, de grandes histoires, mais nous devrions nous rappeler de ce que nous disaient nos parents lorsqu’on en faisait un peu trop : « les histoires les plus courtes sont toujours les meilleures ».
Sur ce, bonnes lectures.

Sophie Sendra


1. Courrier International, numéro 958, du 12 au 18 mars 2009.
2. Auteur du roman El ùltimo lector.
3. Le Courrier International est partenaire de cette publication. Ouvrage disponible sur boutique.courrierinternational.com.

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