Olivier Marchal, lorsque le polar français retrouve ses lettres de noblesse

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Avec trois films au compteur en tant que réalisateur, Olivier Marchal a su donner un second souffle au polar français, apportant autour de ses œuvres une qualité et une intensité dramatique rarement égalées dans le paysage cinématographique français.

Réalisateur cinéphile et inspiré par les grands noms du polar français et américain, il a su insuffler cette passion et cet amour dans son travail et ainsi redonner au public le goût du polar en offrant un cinéma saisissant.
Il est vrai qu’on peut se dire qu’un ancien flic serait plus à même de trouver l’inspiration et l’authenticité pour fournir un polar de qualité, mais c’est avant tout la passion et le talent qui donnent ce résultat.
Premier essai réussi avec le court métrage « un bon flic », où toute la dualité d’un flic s’extirpe d’une ambiance poisseuse. La détresse humaine y est filmée de près. On est pris par l’odeur d’un désespoir qui suinte dans les décors ou s’entrecroisent les âmes égarées au milieu de cette nuit sans fin.

« Gangsters »

Avec « Gangsters », c’est le premier long métrage qui marque les prémices d’un grand cinéma.
Filmé avec un réalisme accru, la plongé d’un flic sous une fausse identité (Richard Anconina, à vif), pour démasquer des ripoux un cœur d’un commissariat filmé extraordinairement comme une place forte en dehors du monde où « vivent » des fantômes campés comme des derniers gardiens d’une île abandonnée.
Des dialogues savoureux accompagnent le film, faisant penser quelquefois à la grande époque d’Audiard.
Et des gueules, il filme des tronches de cinéma tel un Léone, une série d’acteur impeccables dans leur rôle respectif, représentant impeccablement aux travers de leur être ses hommes abîmés par la vie et leurs métiers que l’on retrouvera pour beaucoup dans la suite du parcours d’Olivier Marchal.

« 36 quai des orfèvres », brutal et touchant.

Un très grand film, qui marque l’entrée du réalisateur dans les grands noms du cinéma français.
Une « guerre des polices » opposant deux grands noms du cinéma français (Auteuil, Depardieu) servie par une mise en scène réaliste et esthétiquement soignée.
Marchal oscille entre le travail méticuleux de reproduire un cinéma réaliste et le regard de cinéphile qui transforme les éléments du film pour donner un résultat qui a de l’allure.
Voitures, décors, habits, tout est calculé pour offrir un style qui ne serait être dans la réalité mais qu’importe, le cinéma est aussi là pour offrir un spectacle de qualité et Marchal l’a bien compris.
Le film est imposant, les acteurs sont filmés au travers de leur visage pour raconter une histoire. Ils sont marqués, et la caméra, cruelle, constamment posée sur leur cernes comme pour définir toutes la dramaturgie de l’histoire qu’ils vont vivre.
Des scènes d’actions magistrales imposent un rythme qui rend ce film complet et époustouflant.

« MR 73 », Un film plus personnel

Troisième oeuvre et décidément la preuve est que, de film en film, Olivier Marchal ne cesse de se bonifier,
Daniel Auteuil (méconnaissable et magistral), reprend du service chez Marchal et c’est tant mieux, car rares sont les films qui lui ont donné une telle intensité.
La descente aux enfers d’un flic (Daniel Auteuil), véritable mort vivant hanté par le drame de sa vie, n’ayant comme dernier rattachement à la vie l’enquête qu’il suit et sa rencontre avec un personnage tout autant abîmé (Olivia Bonamy : touchante et vrai), qui lui donnera le chemin de le rédemption qui l’aidera à partir d’un monde dont il était déjà absent.
Le film prend littéralement aux tripes, filmé dans un Marseille conçu comme un décor géant de film noir, traversé par une galerie de personnages propulsée par la même équipe de second rôle qu’affectionne Marchal. Force est de constater que le réalisateur tient là une série d’acteurs avec une vraie présence et beaucoup de talent, offrant un apport important un film qui sans eux n’aurait pas la même intensité. En fait, de vrais seconds rôles qui collent au décor poisseux et glauque de ce Marseille digne d’un Abel Ferrara.
Marchal fouille les âmes, des plus noires (Philippe Nahon jouant Charles Subra, tueur en série prêt à être libérer, est filmé comme l’évocation suprême du Mal à l’état pur, terrifiant de froideur, Nahon y est impérial), aux plus fragiles comme Justine (Olivia Bonamy), cherchant le moyen de survivre au drame de sa vie.
Les couleurs donnent à ce polar une intensité, un style particulier qui le rend d’une noirceur magnifique.
Le son également très particulier, du bruit léger de l’ouverture d’un paquet de cigarettes aux crises de folie de Schneider (Daniel Auteuil) renforcent la plongée du spectateur dans ce monde crépusculaire.
L’émotion émanant du film est bouleversante. Elle touche. On est pris entièrement dans cette histoire comme dans les dernières minutes du film qui sonne tel un opéra, vous faisant frissonner d’une émotion pure. On reste sans voix. C’est magnifique. C’est tragique, comme la fin d’une course effrénée vers le salut.

Inspiré par son ancienne vie, par la passion du cinéma et par la volonté de créer un cinéma vrai et sans compromis, Olivier Marchal a su inculquer un nouveau souffle au cinéma français, héritier inspiré par les grands maître comme Jean-Pierre Melville, Henri Verneuil et tout ceux qui ont nourri une grande époque du cinéma hexagonal. Olivier Marchal est sans doute un des réalisateur qui aide les cinéphiles actuels à ne pas seulement découvrir la liturgie des grands polars sur DVD, mais à les découvrir au cinéma, nous rendant un peu moins nostalgiques d’une époque que nous n’avons pas connu.

Nicolas Bodou

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