Nicolas Ancion

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Partagez l'article !Nicolas, vous avez plusieurs casquettes : écrivain, chroniqueur BD et scénariste. Quel est le fil conducteur qui relie entre eux tous ces rôles ? Pas de doute – à mes yeux du moins –, le fil rouge entre toutes mes activités, c’est l’écriture. On ne peut pas aimer écrire si on n’aime pas […]

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Nicolas, vous avez plusieurs casquettes : écrivain, chroniqueur BD et scénariste. Quel est le fil conducteur qui relie entre eux tous ces rôles ?

Pas de doute – à mes yeux du moins –, le fil rouge entre toutes mes activités, c’est l’écriture. On ne peut pas aimer écrire si on n’aime pas lire, cela explique pourquoi je suis passionné, notamment, par les nouvelles formes que prend la bande dessinée en ce moment, et comme j’aime partager mes découvertes avec d’autres lecteurs, je tiens un blog à ce sujet. J’ai l’impression qu’il y a un véritable foisonnement et une créativité incroyable ces derniers temps dans le neuvième art, on réinvente sans cesse la manière de raconter des histoires, d’agencer le texte et l’image, je trouve cela passionnant. Quant à l’écriture proprement dite, en tant qu’auteur, j’ai toujours envie d’aller plus loin, de me lancer de nouveaux défis. J’écris pour les adultes, pour les enfants, pour les ados, pour la télé comme pour la radio, pour des magazines ou des livres. Plus c’est varié, plus ça me plaît. J’adore écrire des nouvelles pour leur brièveté et des romans pour le parcours qu’on fait avec les lecteurs. Le point commun derrière tout ça ? Sans doute l’envie de stimuler l’imagination en permanence, de surprendre les lectrices et les lecteurs, de les emmener là où ils ne pensaient pas aller. Sans oublier l’humour, qui est pour moi le meilleur moyen d’éviter la prétention en littérature.

En tant qu’auteur publié, comment expliquez-vous toutes les difficultés que rencontrent les auteurs inconnus pour publier leurs livres?

Les explications sont nombreuses. D’abord, il y a les statistiques, qui sont impitoyables : la plupart des éditeurs reçoivent deux cents manuscrits pour un titre qu’ils publient. Peu importe la qualité, ils doivent en refuser cent quatre-vingt-dix-neuf. Ensuite, il y a la qualité de ce qui est produit par tous ces auteurs. Les gens qui peignent une aquarelle le dimanche dans la campagne ne rêvent pas d’exposer à Beaubourg ou de voir leurs toiles commercialisées chez Ikéa à grand tirage. Pas plus que le type qui a du succès au karaoké du quartier ne s’imagine qu’on va le signer pour une tournée dans tous les Zénith de France. En littérature, par contre, on entretient cette illusion. Comme s’il suffisait d’arriver au bout d’un manuscrit pour que ce qu’on écrit soit bon. A mes yeux, commencer par envoyer son manuscrit chez Gallimard ou Grasset par la poste en croisant les doigts, c’est placer les ambitions un peu haut. Comme si on commençait sa carrière de footballeur en proposant ses services à Manchester United. Pour moi, écrire et publier sont deux choses différentes. Pour publier, le plus simple est d’être une star de la télé, du foot ou du cinéma. Un chanteur qui vend bien ou un acteur un peu connu peut publier n’importe quoi, y compris des poèmes à l’eau de rose, il trouvera un éditeur intéressé. Pour écrire, par contre, il vaut mieux être un quidam qui aime lire, qui adore passer du temps sur son clavier et ses cahiers et qui donne du plaisir aux lecteurs.

Quels conseils pourriez-vous donner à un auteur qui cherche à publier ?

Mon premier conseil est très clair : arrêtez de chercher à publier. C’est le meilleur moyen d’y parvenir. Un auteur n’écrit jamais des livres, il n’écrit que des textes. La nuance est importante. Quand un auteur se mêle de vouloir publier des livres, il se retrouve rapidement embarqué dans les arnaques du compte d’auteur ou, ce qui revient au même, se pique de jouer le rôle de l’éditeur tout seul. C’est une mauvaise stratégie. Même pour un auteur publié, il faut tenter d’oublier le métier et retrouver le plaisir des premiers mots qu’on a alignés sur du papier. L’auteur faire abstraction du livre qu’il va peut-être publier, il doit se concentrer sur son boulot à lui, qui est de faire exister le texte et faire vibrer le lecteur. Il doit le transporter dès les premières pages et ne le faire atterrir qu’à la toute fin. Chercher à raconter ce que personne n’a imaginé jusque là, tenter de faire plus fort, plus beau, plus drôle. C’est tout. Et ce n’est que quand on est arrivé à cela qu’on peut convaincre un éditeur. Enfin, non, l’auteur ne convainc pas l’éditeur, c’est le texte qui doit le faire. Un auteur ne doit jamais être défendu par autre chose que par ses mots.
Mon deuxième conseil, du coup, découle du premier : écrivez pour le plaisir. Pour le vôtre d’abord. Parce que vous aimez ça, parce que vous voyagez quand vous êtes en train d’écrire, parce que vous avez l’impression de vivre plus fort quand vous trouvez les mots justes. Il ne faut jamais écrire ni pour être connu, ni pour être riche, ni pour être publié, tout ça sont de très mauvais moteurs. Il faut écrire pour faire pleurer, pour faire rire, pour faire comprendre. Pour faire bouger l’imaginaire des lecteurs.

Nicolas, qu’est ce qui vous a poussé à écrire et quand avez-vous commencé à écrire?

J’ai toujours adoré écrire depuis qu’on m’a appris à le faire à l’école. D’ailleurs, je trouvais l’école formidable parce que tous les cours finissaient par se transformer en exercice de rédaction. En histoire, en géo, en bio, lors des interros, on devait toujours répondre par du texte. Même quand je ne connaissais pas vraiment la réponse, je parvenais à rédiger un beau paragraphe, qui rapportait souvent plus de point qu’une réponse exacte mais laconique. Puis à 13 ans, j’ai dû écrire un conte de fée pour le cours de français, j’ai écrit une nouvelle de SF délirante. Les élèves ont beaucoup aimé, j’ai dans la foulée écrit une suite puis un troisième épisode. Je me suis rendu compte que même certaines personnes que avec lesquelles je n’avais aucun atome crochu aimaient bien ces histoires. Ils ne m’aimaient pas moi mais mes textes leurs plaisaient. Ce fut une découverte : mes textes et moi étaient deux choses différentes. J’ai continué à écrire en cachette pendant toute mon adolescence, du théâtre principalement, et j’ai eu la chance de remporter un concours d’écriture à 17 et 19 ans, le Prix International Jeunes Auteurs. Je suis allé chercher mon prix à Genève, au Salon du Livre et c’est là que j’ai rencontré ceux qui allaient devenir mes premiers éditeurs, cinq ans plus tard.

On dit de vous que vous réinventez le monde à travers des histoires loufoques ? Qu’en pensez-vous ?

Je pense que quand on est enfant, on passe ses après-midi à réinventer le monde. On rejoue avec les playmobiles, les barbies, les legos, les scènes qu’on vient d’affronter à l’école, on en invente d’autres, on s’imagine des mondes, on voyage, on a tous les pouvoirs. C’est formidable pour l’équilibre de l’enfant. L’imaginaire joue le rôle de la soupape dans une marmite à pression, ça permet de tout évacuer et ça évite l’explosion. J’ai la chance de continuer à faire ça, à l’âge adulte, non pas avec mes playmobiles mais avec mes histoires. Le monde dans lequel nous sommes plongés est sinistre et triste, il va mal et beaucoup de gens en profitent pour tenter de tirer leur épingle du jeu et laisser tous les autres dans la merde. Ça pourrait être désespérant, déprimant. Il suffirait de baisser les bras et de rejoindre la cohorte de ceux qui ramènent la crise à tout bout de phrase, se plaignent à longueur de journée et ne font rien pour changer les choses. Moi, j’utilise l’imaginaire et l’humour pour mettre le doigt sur les travers de ce monde de fous, pour pointer les aberrations, les failles, mais aussi pour démontrer que nous avons la chance d’être maîtres de notre destin. J’aime bien rappeler que plutôt que nous plaindre, nous pouvons nous lever et bouger. Le résultat semble peut-être loufoque et drôle mais il n’est pas absurde, loin de là. Je suis vraiment convaincu qu’il reste toujours de l’énergie pour se débattre, même quand on s’enfonce dans la vase.

Vous faites preuve d’une polyvalence exceptionnelle dans la création ; roman, nouvelle, feuilleton pour le web, théâtre… ? A quoi attribuez-vous cela?

Je suis un boulimique de l’écriture. Tout me tente. Je suis curieux, j’aime les défis, il suffit que je n’aie pas encore tenté une expérience en écriture pour que cela me stimule et me donne envie de me lancer dans le projet tout de suite. J’aime beaucoup les nouvelles parce qu’on peut y dire énormément de choses en très peu de place. Pour moi, c’est du concentré d’imaginaire. Oui, c’est ça : la nouvelle, c’est le bouillon cube de la littérature. associations antipublicitaires, de mauvais coucheurs et de résistants comme je les aime, mais il s’en est fallu de peu!


Très récemment, les membres de l’Académie Royale de Belgique vous ont remis le prix Franz De Wewer pour votre recueil « Nous sommes tous des playmobiles ». Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est que j’ai été surpris ! Une des nouvelles du recueil est un texte qui raconte l’enlèvement d’un Académicien par deux gars qui le torturent et l’insultent pour se venger de tout ce qu’ils ont subi au cours de leur apprentissage des règles de la langue française. Le texte est très drôle, bien sûr, mais il se moque ouvertement des académies et des académiciens. Que cette institution décide de donner un prix littéraire à un livre qui les attaque de front est plutôt… inattendu. Et démontre que l’Académie belge n’est pas rancunière et a le sens de l’humour, c’est très rassurant. Pour finir, je dois reconnaître que cette récompense m’a aussi fait énormément plaisir. Un prix littéraire, c’est un joli coup de pouce pour les traducteurs qui cherchent en ce moment à convaincre des éditeurs allemands, italiens et serbes de publier le recueil dans leurs langues.

Pour finir, que diriez-vous aux lecteurs du BSC NEWS pour les inciter à lire votre dernier livre ?

Dépêchez-vous de lire « Nous sommes tous des playmobiles » (en poche c’est 5 euros chez Pocket) parce que le prochain titre sort en juin (« Les ours n’ont pas de problème de parking », chez Pocket également) et que je publie pour la rentrée littéraire un roman délirant qui s’appelle « L’homme qui valait 45 milliards ». Il raconte comment deux paumés kidnappent le troisième homme le plus riche de la planète, Lakshmi Mittal, pour enfin lui parler en tête à tête et lui faire comprendre qu’ils ne sont pas d’accord avec sa façon de fermer les acieries partout dans le monde ! Comme quoi, dans la fiction, tout est possible…

Propos recueillis par Nicolas Vidal

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