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Alexandra Geyser

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Alexandra Geyser

Par Jérémie Khlat.

À New York, la jeune génération littéraire fait parler d’elle. D’après le modèle des chroniques de Candace Bushnell (Sex & the City ), une nouvelle vague de talents envahit la grosse pomme avec des shorts story aussi trash que glamour… Au même moment, à Paris, tomba avec l’hiver un flocon de sensualité… Alexandra Geyser, jeune, belle et talentueuse. Il y a quelques jours, les meilleures librairies de la ville lumière avaient le plaisir de compter parmi leurs ouvrages le cœur à genoux de ce doux et délicat prodige littéraire. Aujourd’hui, elle se livre pour la première fois…

propos recueillis par

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Bonjour Alexandra, comme le public ne te connaît pas encore, peux-tu te présenter brièvement ?

Aïe ! La question la plus difficile qui soit ! Je ne suis pas très douée lorsqu’il s’agit de me présenter… Reprenons les choses dans l’ordre : je suis née un samedi de janvier vingt-deux ans plus tôt, j’ai grandi tranquillement dans une banlieue parisienne, sans faire de vagues, mais il a fallu qu’un jour je choisisse de devenir auteur (donc clocharde) si bien qu’après un pauvre trimestre inutile à la Sorbonne, j’ai tout plaqué pour me consacrer amplement à l’écriture. L’amour du risque !
Depuis peu, je m’adonne parallèlement à la photographie, et ça me permet de survivre à peu près grâce aux comédiens et aux mannequins ayant le bon goût de m’engager pour me charger de leur book.

As-tu toujours aimé l’écriture et comment t’est venu le déclic ?

J’ai toujours aimé lire et griffonner dans des cahiers, j’ai même tenu des journaux intimes durant des années, mais au départ, l’écriture ne m’attirait pas outre mesure, ce n’était qu’un défouloir et une manière d’entretenir ma mémoire en retranscrivant mes journées, rien de plus. Gamine, ma véritable passion, c’était la mode. Dès que j’ai su tenir un crayon correctement, je me suis voulue styliste, et par la suite, lorsque ma mère m’a laissée jouer avec ses fards et ses rouges, je me suis voulue maquilleuse ! Je remplissais des classeurs entiers de dessins de femmes, et d’autres de photos de mes amies qui se prêtaient docilement au jeu. Jusqu’à ce qu’un professeur de français bouleverse ma vie en me faisant découvrir la littérature, la vraie, pas celle à laquelle je m’étais essayée auparavant. J’avais quinze ans. Alors, je me suis mis à dévorer les classiques, surtout en poésie, j’ai lâché mes croquis et mes poudres pour passer mon temps les mains pleines de pages, d’abord celles des autres, ensuite les miennes. C’est venu naturellement, plus je lisais, plus j’écrivais. Des poèmes principalement, puis des nouvelles, ainsi que tout un tas d’ébauches de romans qui, Dieu merci, ne verront jamais le jour !


Parle nous de cette aventure sur le Bordel n° 8.

Le sujet (la jeune fille) laissait place à de vastes interprétations – c’est d’ailleurs un numéro extrêmement riche – mais il aurait été dommage de ne pas exploiter les possibilités visuelles qu’offrait un tel thème, Stéphane a donc eu l’idée d’ajouter à la revue un portfolio pour accompagner les nouvelles. Inutile de dire à quel point j’ai été ravie et flattée quand il m’a demandé de m’en occuper ! C’était mon premier véritable travail en tant que photographe, un sacré défi franchement excitant ! J’ai dû trouver en un temps record une douzaine de jolies jeunes filles disposées à poser, adapter mon style aux attentes de Stéphane, créer un ensemble cohérent susceptible de plaire à mes modèles comme à mon éditeur, et ça n’a pas été facile, mais le résultat en valait la peine, et cette expérience reste l’un de mes meilleurs souvenirs.

Conçernant ton 1er livre, comment cela s’est déroulé ?

Cet automne, Stéphane m’a appelée pour me faire une proposition de taille que j’ai accepté sans détour : publier mes textes dans un recueil. Il avait déjà évoqué cette éventualité auparavant, mais je n’étais pas encore prête. Force est d’avouer qu’au départ, l’idée m’effrayait un peu, je craignais que la récurrence de mes thèmes ne me porte préjudice une fois les nouvelles compilées, seulement à la longue, j’ai préféré voir ça comme un avantage au lieu d’un inconvénient : au moins, il y a un fil conducteur, une certaine cohérence. Et puis, après tout, ce sont des écrits de jeunesse, la plupart datent de deux ou trois ans, certains sont même plus vieux ça ! Les réunir dans un recueil m’a permis d’achever un cycle, de franchir une étape, sans pour autant les laisser de côté, au contraire. Je leur ai donné vie, les ai élevé, ils ont fini par grandir, et les voilà désormais adultes, installés dans leur propre maison de papier, enfin autonomes !


Pourquoi des petites histoires et pas un roman ?

Pour plusieurs raisons : d’abord, j’ai toujours adoré les nouvelles, un seul livre divisé en un tas d’histoires me semble plus excitant qu’un roman doté d’une trame unique. J’aime l’idée de pouvoir choisir un texte au hasard, de reposer le bouquin, puis de le reprendre plus tard, et ainsi de suite. C’est comme un mini coffre au trésor entre les mains, on ne sait pas bien sûr quoi l’on va tomber, du toc ou des diamants, mais ça a le mérite d’être surprenant donc jouissif. Il suffit de lire les nouvelles de Bukowski pour s’en convaincre ! D’ailleurs, ce bon vieux Buk m’a aidé à décomplexer quant à l’aspect répétitif de mes textes : lui aussi s’acharne à parler des mêmes choses, encore et encore, jusqu’à plus soif (sans mauvais jeu de mots !) et pourtant, on ne s’en lasse jamais.
En réalité, je ne me suis pas posée la question, il m’a semblé naturel et parfaitement logique de débuter par un recueil, non seulement pour mener à bien le travail accompli durant ces cinq dernières années, comme je le disais tout à l’heure, mais aussi parce que je tenais à faire mes premiers pas avec quelque chose de léger, de divertissant, avant de m’atteler sérieusement à mon roman qui, de toute manière, ne sera pas prêt avant deux ou trois ans (et j’étais bien trop impatiente pour pouvoir attendre jusque là !).

Tes thèmes sont durs parfois, pourquoi ?

J’aime les thèmes durs, évoquer ce qu’on préfère taire, rentrer dans le gras comme on dit. Ma façon d’écrire fraye beaucoup avec les sens, en particulier le toucher et la vue, peut-être est-ce lié à mon goût pour la photographie, je ne sais pas, mais toujours est-il qu’au final, ça m’oblige à faire davantage dans la description, dans l’étalage de sentiments et de sensations, que dans l’action. J’ai du mal à narrer, à créer un réel récit avec un début, du suspens, des rebondissements, et une fin. Ce sont les instants qui me parlent et dont j’ai envie de parler, l’éphémère, le fugace – tout ce qui foudroie en somme. La brièveté est toujours synonyme d’intensité, non ?
Je vois mes textes comme des voyages éclairs au coeur des tripes des personnages, on est dans leur peau, sous leur peau, même, alors si la violence et la chair vous incommodent, mieux vaut ne pas monter à bord !

Une jeune fille jolie dans ce milieu, c’est interpreté comment ?

Là, je ne suis pas à même de répondre, c’est à toi de me le dire !

Tes affinités littéraires ?

J’adore Philippe Jaenada, son écriture si fluide et légère, toujours juste, belle dans sa simplicité, son don pour raconter le quotidien, les désastres comme les fulgurances. Frédéric Beigbeder est quelqu’un que j’admire également, d’autant qu’il a pris la peine de me rencontrer puis de me lire à l’époque où j’écrivais mes premières nouvelles. C’est un peu con à dire, mais je suis sincèrement heureuse de les connaître.

Quelles sont tes influences ?

Lolita de Nabokov en premier lieu : je l’ai lu à quinze ans, relu presque chaque année ensuite, et je ne m’en suis toujours pas remise. Le moindre mot, ciselé à la perfection, possède une saveur, un parfum, une teinte, une texture, et un son. Sans doute le livre le mieux écrit que je connaisse.
“Les Fleurs Du Mal” de Baudelaire ne cesse de m’abasourdir également, je suis très sensible à cet alliage de mort et de luxure, à la perversité suave qui en découle.
Ces deux livres-là restent d’inépuisables sources d’inspiration.
Après viennent d’autres auteurs dont je suis inconditionnelle comme Alessandro Baricco (lisez City, c’est un ordre !) ou Jeffrey Eugenides, par exemple. Mais je ne vais pas commencer à citer toutes mes influences sinon il va falloir que je mentionne aussi Serge Gainsbourg, François Truffaut, Patti Smith, et alors on ne s’en sortira plus !

Un livre de chevet…?

Impossible de n’avoir qu’un seul livre de chevet, ça va pas la tête ? Je garde toujours à portée de mains mes bibles citées précédemment, et en ce moment je lis Cercle, de Yannick Haenel.

Pense-tu au futur, après cette 1ère aventure ?

Je travaille sur un roman très cru, très dur, du genre pénible à écrire, alors je prends mon temps, inutile de précipiter les choses. Parallèlement, je compte m’occuper d’un projet de photos qui me tient à coeur depuis un moment déjà mais que je n’ai pas pu concrétiser jusqu’à présent.
En ce qui concerne le futur proche, je figurerai dans le dixième numéro de Bordel portant sur l’imposture (Stéphane Million Éditeur).

« Le coeur à genoux » parce que Ton coeur à genoux ?

Ah, le titre ! Toute une histoire… Il trouve son origine dans un texte que j’ai écrit des années plus tôt : je m’y plaignais de n’aimer personne, avide de m’éprendre et de me retrouver donc le coeur à genoux. J’imaginais cette grosse boule rouge et collante se vautrant lamentablement à l’intérieur, derrière mon sein, ses petites paumes moites et les rotules écorchées. Après tout, on tombe amoureux, faut pas s’étonner dès lors de ne se relever qu’à moitié et tout esquinté.
L’intérêt de ce titre réside surtout dans son sens caché, moins évident, pourtant explicite. Il ne faut pas se fier à son côté larmoyant, nunuche. Pour l’anecdote, au départ, je pensais appeler le recueil « Chair Obscure », et après de longues hésitations, incapable de choisir, j’ai joué le titre à pile ou face dans l’ascenseur qui me menait chez Stéphane. Le coeur à genoux a gagné…

Célibataire… ?

Disons que ça dépend des jours !

Un dernier mot ?

Merci Stéphane.

Alexandra Geyser a 22 ans. « Le cœur à genoux » est son premier recueil de nouvelles, chez Stéphane Million Éditeur.

Propos recueillis par Jérémie Khlat

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