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Philippe Claudel

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Avec un tel patronyme – pardon pour le cliché – il ne pouvait rester loin de la scène. C’est chose faite avec « Parle-moi d’amour », une comédie de mauvaise humeur et d’humour fumasse. Philippe Claudel ne manque pas de ressources. A l’aise dans ses souliers (qui ne sont pas de satin), il explore tous les genres, loin des modes, proche de ses désirs. D’où cette œuvre abondante, diverse, originale. Autant de bonnes raisons de s’intéresser à cet éclectique électron. Récit de l’échange… avec Philippe Claudel.

PHILIPPE CLAUDEL

par Olivier Quelier

Mais à quoi carbure-t-il, Philippe Claudel ? On le croit romancier chez Stock, et le voici réalisateur, en mars dernier, d’un premier long métrage, « Il y a longtemps que je t’aime », réunissant Kristin Scott-Thomas et Elsa Zylberstein. Un film qui connaît un beau succès international, et dont Claudel assure actuellement la promotion aux Etats-Unis.
On le savait écrivain talentueux, admiré et reconnu, couronné de plusieurs grands prix littéraires (le Renaudot pour « Les Ames grises» ; le Goncourt des lycéens en 2007 pour « Le Rapport de Brodeck ». On le retrouve un an plus tard à l’affiche de la Comédie des Champs-Elysées, auteur d’une pièce de boulevard réunissant Caroline Silhol et Michel Leeb, « Parle-moi d’amour ».
Et n’est-il pas aussi (en privé, certes) joueur de guitare électrique et pour finir (en tout cas temporairement…) maître de conférences à l’Université de Nancy, Il semble infatigable, insatiable, curieux de tout, prêt à courir de l’un à l’autre pôle, Claudel… Son secret ? Sans doute de ne pas en avoir… Peu importe le support, donc. Philippe Claudel écrit. Sans même avoir l’impression de travailler puisque c’est « le désir» qui le fait avancer.
Comment parler de cet être multiforme et éclectique, qui se moque d’autant plus de son image qu’il se refuse à être étiqueté, rangé dans une petite case culturelle hermétique – le pêché mignon des critiques, chroniqueurs, analystes et autres « spécialistes » français – comment, donc, mieux rendre compte de la diversité de son œuvre et de la variété de son talent (qui, à chaque fois d’ailleurs rencontre les faveurs du public, si hétérogène soit-il) qu’en tentant de confectionner un modeste kaléidoscope.
Sans doute ne contiendra-t-il pas la totalité des petits fragments d’œuvres et les éparpillements divers de Philippe Claudel. Mais il offrira suffisamment de combinaisons aussi originales que chatoyantes pour dresser l’inventaire haut en couleur de quelques unes de ses milles vies.

Un film, un livre

« Il y a longtemps que je t’aime »
« Il me semble souvent que j’écris des romans comme le ferait un cinéaste, et j’ai eu le sentiment très net de réaliser mon film comme un écrivain compose un roman. Je crois avoir trouvé aujourd’hui, en tant qu’homme qui essaie sans cesse d’interroger le monde, une forme d’équilibre – au sens où on le comprendrait pour un équilibriste – en mêlant les deux approches, celle de l’écrivain qui se sert de mots et qui s’enferme au moment de la création dans une grande solitude, et celle du cinéaste qui combine les sons, les mots mais aussi le mouvement, la pellicule, la lumière, la matière humaine et qui ne peut créer qu’en s’entourant d’autres personnes.
« Petite fabrique des rêves et des réalités »
Une fois le tournage passé, une fois le film achevé, je n’en avais pas fini avec l’aventure. Le désir de la ré-explorer avec le recul, et avec les mots – ceux de l’écrivain ? ceux du cinéaste ? – s’est alors imposé. J’ai regardé toutes les photographies prises durant le tournage, j’ai feuilleté pour la millième fois le scénario, j’ai songé aux décors, aux comédiennes, aux techniciens, au cadre, aux figurants, à toutes sortes d’éléments qui m’ont permis de revenir
dans les moments qui sont ceux de la naissance d’un film, de revenir sur les visages, sur les angoisses – les miennes et celles des autres –, les découvertes, les difficultés, les beautés. Bref, j’ai tenté de constituer un making of d’un genre particulier qui ferait comprendre la double nature qui est la mienne. Et il me semble aujourd’hui, grâce à ce petit livre qui peut se lire aussi comme une autobiographie fragmentée, tendre encore davantage la corde sur laquelle j’essaie de cheminer, depuis longtemps déjà.» (Textes de Philippe Claudel)

Deux comédiens

Il est minuit. L’heure des vérités. L’heure que « Lui » (Michel Leeb, épatant en beauf arrivé et arriviste) et « Elle » (Caroline Silhol, hilarante en bourgeoise snobinarde au langage de charretier) ont choisie pour régler leurs comptes. Si ce règlement de comptes est explosif pour le couple, il est irrésistiblement drôle pour le spectateur.
Philippe Claudel dresse un tableau jubilatoire de notre société et passe en revue tous nos excès : de l’éducation des enfants au mépris de la belle mère, de l’hypocondrie chez les hommes à la chirurgie esthétique chez les femmes, des faux intellectuels à l’hypocrisie politique, de la liberté sexuelle à la mal bouffe… ! Une comédie d’aujourd’hui.
A la Comédie des Champs-Elysées jusqu’au 29 décembre.

Dix Dates

1962 – Naissance le 2 février à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle).
2000 – Premier roman : « Meuse l’oubli » (Balland).
2000 – « J’abandonne », prix France Télévision.
2003 – Bourse Goncourt de la nouvelle pour « Les petites mécaniques » (Mercure de France).
2003 – Prix Renaudot pour « Les Ames Grises» (Stock).
2005 – Publication de « La petite fille de Monsieur Linh» (Stock).
2005 – Scénario du film « Les âmes grises », réalisé par Yves Angelo.
2007 – « Le Rapport de Brodeck », prix Goncourt des lycéens.
2008 – Réalise son premier film, « Il y a longtemps que je t’aime », avec Kristine Scott-Thomas et Elsa Zylberstein.
2008 – Création en octobre au Théâtre des Champs-Elysées de sa première pièce, « Parle-moi
d’amour ».

Sept répliques

– Tu as toujours adoré mes poignées d’amour !
– Poignées d’amour… ?! Le problème maintenant, c’est que tu as les tiroirs qui vont avec !

– Les enfants ! Comme si tu les connaissais ! Tu t’en es préoccupé de tes enfants ?
– J’ai toujours eu leurs photos sur mon bureau !

Ses patientes ont des lèvres en silicone et lui des burnes en platine !

– Un con !
– A t’entendre, le monde en est plein !
– Oui et, avec toi, ça fait un de plus !

Mais regarde dans quoi tu me fais vivre, regarde ! Cette chaise, là ! Elle défoncerait le cul d’un sumotori tellement elle est pointue !

– Il a du cœur lui !
– Ouais ! En général, c’est ce qu’on dit des gens qui sont cons comme des manches !

Vous vivez ensemble collés les uns aux autres comme les poils d’un même balai de chiotte ! Vous vous ressemblez tous !

Vingt-quatre livres

Philippe Claudel est l’auteur de onze livres : romans, nouvelles et essais. De « Meuse l’oubli » (1999) au «Rapport de Brodeck » (2007).
A ces titres s’ajoutent treize ouvrages illustrés, publiés principalement à La Dragonne, chez Æncrage & Co et chez Stock. Ont paru en 2008 : « Petite fabrique des rêves et des réalités » (voir plus haut) et «Chronique monégasque », un récit publié chez Gallimard
(collection Folio Senso).

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