En réalité, c’est un peu le fait du hasard… Au départ, je ne me destinais pas même à travailler dans l’édition. J’avais commencé des études à Sciences Po Paris pour devenir juge ou en tout cas passer des concours administratifs. Pour gagner un peu d’argent, je travaillais un peu en librairie, pendant les vacances universitaires… C’est à cette période que j’ai découvert la littérature contemporaine et qu’elle a commencé à ma passionner. Un jour, le directeur de la librairie m’a présentée à un éditeur qui passait dans la boutique, celui-ci m’a proposé un stage et il s’est trouvé que l’année suivante, il avait un poste d’attachée de presse qui se libérait, il m’a embauchée. J’ai appris mon métier comme ça, en étant immédiatement plongée dans le grand bain alors que je venais juste de décrocher mon diplôme.
D’après vous, quelles sont les prédispositions qu’il faut avoir pour pratiquer ce métier?
Souvent des stagiaires qui passent dans notre maison d’édition me demandent s’ils doivent faire tel ou tel master, suivre tel ou tel cursus pour devenir attachée de presse… J’essaie de les convaincre qu’il n’y a pas de CAPES-attachée de presse, qu’un diplôme ne donne pas droit à un poste dans ce métier. Il faut avoir fait des études, pour l’exercer, c’est essentiel, car il est indispensable d’avoir un bon niveau de culture générale au départ. On se retrouve à 22-23 ans face à des journalistes qui lisent parfois 3-4 livres par semaines depuis 10, 15, 20 ans ou davantage. Mieux vaut avoir déjà entendu parler de quelques grands auteurs de notre époque, si on ne veut pas prendre le risque de passer d’emblée pour bécassine. Comme on ne peut pas tout connaître tout de suite, il faut être très curieux pour exercer ce métier, s’intéresser à ce que les autres lisent, se documenter, suivre l’actualité de près. Mais c’est un des grands plaisirs aussi du job : chaque jour, on apprend des tas de choses dont on n’aurait même pas soupçonné au préalable l’existence. Donc, voilà la curiosité, c’est la première des qualités. Et elle entraîne la seconde : une grosse capacité de travail. Il faut lire énormément, notamment. Lire la production qu’on défend (environ 50 livres par an quand on travaille sur du grand format… Près de 200 quand on est dans le livre de poche, comme moi) et lire ce que les autres publient. Il faut aussi être prêt à faire de grosses journées : être là à 9 heures le matin au bureau et être encore là à 9 heures du soir dans un cocktail ou au restaurant avec un auteur, et parfois encore là le week-end sur un salon ou festival. Toutes les semaines ne sont pas aussi chargées mais à certaines périodes-clés (la rentrée littéraire, le salon du livre de Paris…), il faut un peu mettre sa vie privée entre parenthèses. Et tout ça avec le sourire ! Honnêtement, il faut être de bonne constitution pour faire ce boulot, on vous téléphone 30 fois par jour pour vous demander aussi bien des choses capitales pour la promotion d’un livre (l’envoyer d’urgence à un présentateur Tv pour une émission le soir-même) que des choses plus anecdotiques (doter un mini-prix littéraire dans un petit village ou ce genre de choses). Il faut recevoir tout le monde avec gentillesse et disponibilité, même si on est sous pression, même si on croule sous le boulot. Il faut être réactif et énergique, aussi. En fait, c’est un métier de tempérament : il faut aimer les gens, avoir envie de leur rendre service, rester de bonne humeur, être patient aussi, en particulier avec les auteurs dont l’attaché de presse devient l’interlocuteur principal une fois que le livre est édité… les auteurs ont énormément besoin d’être rassurés, parfois même maternés ! Surtout, surtout, et j’insiste là-dessus, c’est un métier qui doit se faire sans prétention : il y a une part très prosaïque dans ce travail (entretenir un fichier, mettre des bouquins sous enveloppe, photocopier et plier des communiqués de presse, par exemple), les personnes qui pensent qu’elles « valent mieux » que ça ne peuvent en aucun cas être attaché de presse. La star, c’est le livre et son auteur ! Il ne faut jamais perdre ça de vue.
Comment se passe la promotion d’un ouvrage auprès de la presse?
La première étape, très amont, c’est ce qu’on appelle le buzz… 4 à 6 mois avant la parution d’un livre, on commence à en parler aux journalistes, de façon un peu informelle, au téléphone ou autour d’un café. Ensuite, on rédige et on envoie un communiqué de presse ou plus souvent une brochure annonçant nos programmes de parution (ça, c’est environ deux mois avant l’office, pour que les mensuels qui ont des délais de bouclage très avancés soient prévenus à temps). C’est à ce moment qu’on peut aussi envoyer des épreuves non corrigées à quelques journalistes clés. Ensuite, quand le livre arrive (environ 4 à 6 semaines avant parution, sauf pour la rentrée littéraire où nous disposons des livres dès la fin du mois de mai), on propose à l’auteur d’en dédicacer quelques exemplaires pour les journalistes qu’il connaît. On expédie les livres… Et ensuite, on relance ! Vu la quantité d’ouvrages sur le marché aujourd’hui, il est devenu impossible et contre-productif de passer un coup de fil à chaque journaliste à qui on a envoyé le bouquin pour savoir s’il l’a reçu, lu et s’il va faire un papier. Il faut comprendre les journalistes : ils reçoivent peut-être 10 bouquins par jour, si on veut qu’ils aient le temps de les lire et d’écrire dessus, ce n’est pas très malin de passer nos journée à les harceler. La relance par mail est plus efficace, je trouve. Ca a un petit effet piqûre de rappel plus indolore, qui ne dégrade pas la relation avec le journaliste. Quand le papier est prêt, nous sommes en relation avec les services icono des supports, qui nous réclament une photo de l’auteur, un visuel de la couverture… Et c’est un moment de soulagement et de satisfaction : l’article est dans les tuyaux, nous pouvons annoncer à l’auteur sa prochaine publication.
Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer pour la promotion d’un livre?
Aujourd’hui la difficulté, c’est la surproduction de livres… Je fais ce métier depuis 10 ans, quand j’ai commencé, on publiait moins de la moitié de ce qu’on publie aujourd’hui. Et l’espace consacré à la littérature dans les médias n’a pas augmenté… Il s’est même plutôt rétracté. Dès que la presse est en difficulté, nous le ressentons immédiatement, s’il y a moins d’annonceurs, il y a moins de pages dans les journaux et la place des livres est une des premières à être menacée. Ne pas avoir de presse du tout pour un livre peut arriver aujourd’hui (franchement, ce n’était pas le cas il y a 10 ans) et c’est frustrant pour tout le monde : pour l’auteur en premier lieu, pour son éditeur ensuite et pour son attachée de presse évidemment, dont les efforts ne sont pas récompensés. Encore plus s’il s’agit d’un livre excellent, mais que les journalistes n’ont pas eu le temps de lire, par exemple. En période de rentrée, il ne peuvent décemment pas absorber 500 romans… personne ne le peut ! Certains bouquins passent à la trappe. C’est inévitable et cruel ! Dans ces moments de grande tension (l’auteur est insatisfait, certes à raison, mais il faut gérer sa déception ! L’éditeur met encore davantage la pression), il est important d’être capable de prendre ses responsabilités, de se remettre en question mais aussi de garder confiance en ses compétences. Rien de pire pour tout le monde qu’un attaché de presse qui se décourage…
Pour finir, pouvez-vous nous dire quel est votre dernier coup de cœur en librairie?
J’adore la rentrée littéraire. Ca stimule mon envie de lire. J’ai donc beaucoup bouquiné ces dernières semaines. J’ai dévoré le livre de Tristan Garcia « La meilleure part des hommes » chez Gallimard, j’ai été assez touchée par celui de Philippe Vilain « Faux-père » chez Grasset, celui de Pierre Bisiou, « Enculée » chez Stock et celui d’Emmanuelle Pagano « les mains gamines » chez POL. Pour l’heure, je suis plongée dans « Là où les tigres vont boire » de Jean-Marie Blas de Roblès, chez Zulma, une excellente saga érudite qui se déroule au Brésil…