LE BABY DATI
Quand on en a fini sur la paternité du divin enfant, on s’attaque à la vie privée de madame Angot, Christine de son prénom. Laquelle sulfureuse auteur, raconte ses aventures « sentimentales » avec Doc Gyneco, dans un livre que j’ai trouvé fort bien écrit par ailleurs.
Il y a quelques semaines, je me suis retrouvée dans un bistrot avignonnais, entourée de lycéens. On passait de Madame la garde des Sceaux aux dernières tribulations des candidats de l’Île de la tentation. Vous savez, le populaire programme de télé-réalité de TF1. Il s’agit de prendre des couples mal-en-point sentimentalement, ou à la vie privée quelque peu compliquée, et de les soumettre aux pires tentations sexuelles dans un lagon de rêve, le tout arrosé de beaucoup de champagne. Du très intellectuel. « Mais non, c’est un faux couple je te dis… Il paraît même que… Machin a fricoté avec truc pendant que bidule pleurait son amour perdu… ». J’avoue que de la ministre à l’Île suscitée, c’était un peu du pareil au même… du bavardage médiatique.
Loin de moi l’envie de démontrer ici mon éclectisme en matière de relations publiques. Des chroniqueurs politiques les plus chevronnés aux élèves de première du Lycée Théodore Aubanel, j’avoue ne pas faire de sectarisme. Mais là n’est pas la question. Non, la morale de cette histoire, c’est que si l’on sait depuis longtemps que les sujets de conversation n’évoluent guère de 17 à 77 ans, il est évident que le microcosme politique était un peu plus discret que le commun des mortels sur la vie privée de ses protagonistes, surtout dans un contexte aussi sulfureux. Évidemment, ces types de commérages ont toujours fait le bonheur de la presse people, et passionné les foules. Sauf que. Sauf qu’avant l’ère Sarkozy, on s’abstenait de les jeter en pâture sur la place publique.
On avait l’habitude d’entendre Loana (Loft Story, M6, 2000) nous conter par le menu ses problèmes de cycles menstruels ou la fréquence de ses allers et venues chez le coiffeur, mais il était déjà plus rare d’entendre un ministre en fonction nous narrer l’état d’avancement de ses petits bouleversements intimes.
Aujourd’hui, comment expliquer que la politique est une chose sérieuse quand on passe des piqûres de moustiques qui démangent les compétiteurs de Koh-Lanta, autre programme de télé-réalité bien connu, à Rachida Dati et à ses révélations essentielles pour l’avenir de la justice française : « Je veux rester prudente car ce n’est pas encore consolidé (sic) Je suis encore dans une zone à risque. J’ai 42 ans ». Voilà qui est palpitant en pleine réforme de la carte judiciaire ! Je me disais bien que le pays avait des problèmes graves ; et d’ajouter « J’ai une vie privée compliquée, c’est la limite que je me pose vis-à-vis de la presse ». Edifiant ! Nous voilà retombé en pleine Île de la tentation.
Soyons très clairs ; je n’ai rien contre Madame Dati, que je crois être une femme d’exception à certains égards. Elle est sans doute, elle-même, la victime de ce que j’appellerais la « téléréalitisation » de la politique. Tout savoir sur tout de nos politiques, en temps réel, comme si des dizaines de caméras devaient les suivre jusque dans leur cabinet de toilette. Ainsi avons-nous déjà eu droit au Twitter, sorte de pager qui permet à un « politique » de communiquer, en temps réel, toute sa palpitante activité à l’ensemble de ses partisans abonnés. Chouette, chouette, chouette… Ils devaient être bien heureux de savoir, à la seconde près, que Madame Hortense Harang, candidate pour le Modem dans le Loiret, venait d’arriver sur tel ou tel marché lors de la dernière campagne électorale. Inutile de dire que ça n’a pas suffi à lui faire gagner les élections !
Sur Internet, il existera bientôt autant de pages FaceBook visant à tourner en dérision la téléréalité politique, qu’il en existe concernant la téléréalité tout court. Ainsi, ais-je été invitée, il y a peu, à un groupe sur FaceBook : « Le groupe de ceux qui ne sont pas le père du bébé de Rachida Dati » !
Puisque les chroniques sont aussi faites pour tirer les sonnettes d’alarme qu’on ne pense pas à déclencher dans l’urgence, je prends ce soin extrême de la tirer, et fort. La France vaut mieux que des bavardages ineptes sur la grossesse des femmes qui sont supposées la gouverner. Un peu de classe, que diable, à la Une des magazines d’actualité politique. Gardons ce débat débile pour nos dîners entre copains, comme cela a toujours été le cas car, finalement il faut s’y faire, nous sommes tous des lycéens.
Au fait, si l’on attendait la naissance du chérubin pour se livrer au traditionnel jeu des ressemblances ? Qui sait ? On pourrait peut-être trouver le papa ?
Je le jure…C’est pas moi!
Tristane Banon