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Bernard Werber

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Bernard Werber, l’auteur à succès des Fourmis, nous livre ici ses débuts d’écrivain alors qu’il envoyait son manuscrit comme tout un chacun. Son analyse de l’édition française actuelle est sans concession. C’est la rencontre Best Seller Consulting du mois avec un écrivain à Best Sellers. Interview…

propos recueillis par

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Le premier manuscrit de Bernard Werber

Bernard Werber, publier son premier livre, facile ou difficile ?
BW : Chaque expérience est différente. Pour moi, cela s’est révélé particulièrement compliqué, parce que mon premier livre ne ressemblait à rien de ce qui se faisait, de ce qui ronronnait dans les maisons d’édition.
J’ai commencé à taper à la porte des éditeurs à l’âge de 22 ans, avec mon manuscrit sur les fourmis. J’ai mis six ans à trouver la porte qui allait s’ouvrir. Six ans pendant lesquels j’ai réécrit mon histoire 120 fois, et ramené les 1500 pages de mon tapuscrit à 350 pages, qui ont finalement été publiées par Albin-Michel, après trois précédents refus.

Qu’est-ce qui a fait la différence ?
BW : Comme souvent, un coup de cœur de l’éditeur…

Comment expliquez-vous toutes ces difficultés ?
BW : C’est le système qui veut ça. Dans les comités de lecture, il y a essentiellement des enseignants de lettres à la retraite, et des étudiants de lettres qui arrondissent leurs fins de mois. Pas que, mais essentiellement. Ils n’ont donc aucun intérêt à prendre des risques sur des produits littéraires qui sortent trop de l’ordinaire. Ils ne se demandent pas si ça leur plait, mais si ça va être accepté par leurs patrons. Il y a un troupeau bêlant et frileux, et l’astuce, c’est de trouver la personne qui est à la fois capable de prendre des risques, et en position de le faire dans la boîte. Le berger en quelque sorte. Ou alors, il suffit d’écrire la même chose que tout le monde, et de faire confiance au hasard. Les produits standardisés, lisses, ont plus de chances de passer. Malheureusement, ils sont aussi vite oubliés.

Comment le succès est-il arrivé ?
BW : Il y a sans doute une alchimie entre plusieurs facteurs, et ce sont les lecteurs qui font les succès. Pour mon premier livre, le déclic s’est produit après une émission littéraire tardive, avec Bernard Rapp. Ce qui était étonnant, c’est que je n’ai pas vraiment réussi à parler de mon livre, parce qu’on m’a coupé la parole à plusieurs reprises, et le lendemain, les ventes ont décollé. Le mystère était resté entier et cela avait éveillé la curiosité des lecteurs.

Vous aviez déjà prévu d’écrire une suite aux fourmis ?
BW : Pas du tout ! J’ai écrit la suite parce que je me suis aperçu que les journalistes, tout comme les premiers éditeurs qui avaient refusé le manuscrit, n’avaient rien compris à mon livre. La plupart n’y voyaient qu’un essai scientifique sur les fourmis, alors que l’intérêt réside dans le parallèle entre les fourmis et les hommes. J’ai écrit la suite pour expliciter ça. D’ailleurs la vente du premier livre a beaucoup mieux marché après la parution du deuxième.

Ensuite le succès ne s’est jamais démenti…
BW : Si justement. Mon troisième livre a été un échec. C’est assez difficile à vivre pour un auteur, moralement. C’est peut-être ce qui m’a poussé à écrire le troisième volet des fourmis. J’avais besoin de renouer les liens avec le public, de retrouver une certaine confiance pour continuer à avancer.

Avez-vous des règles en matière d’écriture ?
BW : Comme dans toutes les disciplines, il vaut mieux avoir des règles pour durer. Chacun doit trouver les siennes, chacun doit trouver son propre souffle pour tenir le rythme, mais le secret est dans la régularité. Depuis mes 16 ans, j’écris tous les matins, de 8h à 12h30. C’est mon jogging, mon hygiène d’écriture. Et lorsque je pitéine dans une histoire, je la réécris. Plusieurs fois. Pour qu’elle me donne tout ce qu’elle a à donner. Je ne me contente pas de la bidouiller dans mon traitement de texte. Je repars à zéro et je recommence à raconter. C’est une façon de faire mes gammes. Je la raconte aussi oralement, à mon entourage, pour voir si elle tient, comment elle s’épanouit.

Faut-il protéger ses manuscrits ?
BW : La meilleure protection qui soit, c’est de laisser votre manuscrit dans le tiroir de votre table de nuit. Envoyer un manuscrit à un éditeur, c’est un risque psychologique et pas un risque matériel. Il faut prendre ce risque. Et le meilleur moyen de ne pas être copié, c’est de faire quelque chose de suffisamment original pour décourager les plagiaires…

Propos recueillis par Héléne Mamberti
Février 2008

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