Défauts de civilisation
Défauts de civilisation
Le terme de civilisation est à la mode. Il y a eu Malaise dans la civilisation de Freud, il y a désormais la « Politique de civilisation », terme emprunté à Edgar Morin.
Si nous regardons les termes de plus près, nous nous apercevons que le mot « civilisation » est devenu très flou. S’agit-il des grandes civilisations que nous avons étudiées à l’école ? L’Egypte, la Grèce, les Mayas etc. Certaines interrogations s’imposent puisque nous composons cette civilisation dont il est question…
Si nous regardons les termes de plus près, nous nous apercevons que le mot « civilisation » est devenu très flou. S’agit-il des grandes civilisations que nous avons étudiées à l’école ? L’Egypte, la Grèce, les Mayas etc. Certaines interrogations s’imposent puisque nous composons cette civilisation dont il est question.
Progrès et civilisation
Lorsque nous nous penchons sur les définitions, plusieurs idées s’entremêlent. Une civilisation est composée de citoyens, c’est-à-dire de membres de la communauté politique (chaque citoyen participant à la vie de la cité fait partie de cette communauté). La civilisation n’est pas que cela. Elle est également l’ensemble des phénomènes sociaux, religieux, d’ordre moral, esthétique, technique et scientifique. Tout ceci forme une civilisation, mais pas que cela. Elle est l’état d’avancement des mœurs et des connaissances qu’elles soient effectives ou idéalement pensées.
De nos jours, la civilisation est associée au terme de progrès. Plus la technique est avancée, plus on parle de « civilisation avancée ». Plus la civilisation est censée « progresser » plus elle est censée s’éloigner de « l’état de nature », celui-là même qui pousse les hommes à la barbarie. Même si cela est vrai, les civilisations ne doivent pas être confondues avec le progrès pour la simple raison que si tel était le cas, il faudrait de fait hiérarchiser les civilisations entre elles. Impossible.
Afin de ne pas confondre le progrès et la civilisation, comme le préconisait déjà Rousseau, Claude Lévi-Strauss, préféra de loin le terme de « culture » rassemblant ainsi sous ce général, des particularités telles que « l’ensemble de règles, de savoirs et de croyances », mettant ainsi toutes les civilisations sur un même pied d’égalité.
Mais en admettant plusieurs civilisations, la question qui se pose est de savoir si plusieurs « humanités » sont possibles ou envisageables ? Si nous voulons regarder dans un même sens, il est difficile de penser une division de l’humanité (en plusieurs civilisations distinctes). Nous devrions sans doute parler de Civilisation, au sens de Rousseau, et de Cultures au sens de Lévi-Strauss. Mais alors, qu’en est-il de la fameuse « politique de civilisation » ?
De quelle civilisation s’agit-il ? La nôtre ? La Civilisation toute entière ? Une politique de civilisation veut-elle mettre en évidence l’incapacité que nous avons eu jusqu’ici d’éloigner « l’état de nature » et sa « barbarie » ? « Notre » civilisation a-t-elle réussie là ou d’autres ont échoué ?
Défauts de civilisation
La pensée d’Edgar Morin rejoint sans doute celle de Kant : « Fais toujours en sorte que la maxime de ton action puisse toujours être érigée en loi universelle ». En d’autres termes, afin de savoir si ton action, ce que tu fais ici et maintenant, est louable, éthique, demande toi toujours si cela peut être appliqué à l’universel c’est-à-dire, à l’humanité toute entière. Cette citation de Kant se rapproche de cette « sociologie du temps présent », de cette « anthropo-politique » dont Edgar Morin est le porte-parole.
Le principe de civilisation, et ses règles, permettrait aux hommes de vivre ensemble dans une Humanité sans cesse améliorée. Une Civilisation se construit, s’améliore et…disparait pour laisser place à une autre. L’Histoire, et ses exemples, nous le prouve. A quel « stade évolutif » nous trouvons-nous sur l’échelle historique ?
Loin d’être pessimiste, comme cela est souvent dit à propos de la pensée d’Edgar Morin, il faut selon lui repenser la Civilisation Universelle au travers d’autres principes que ceux qui la définissent. L’un d’entre eux est celui qui préconise de régénérer « l’idée de fraternité en vue d’un progrès de la solidarité ». Le second recommande la création d’une confédération des nations en vue d’affronter un destin commun. Enfin, pour Edgar Morin, il faut réconcilier l’homme avec lui-même et ce qui l’entoure (la nature) afin qu’il se considère comme faisant partie d’un tout dont il est indissociable.
Il est vrai que si nous nous considérons comme faisant partie d’une Civilisation, ce que nous voyons tous les jours dans les journaux ne nous permet pas de dire que nous nous éloignons de « l’état de nature » et de sa « barbarie », mais que nous en sommes toujours proches. L’Homme s’en est-il jamais éloigné d’ailleurs, la question se pose. Le progrès a-t-il créé une barbarie nouvelle ? Nous ne pouvons pas parler en ces termes, car le progrès nous facilite (grandement) le quotidien. Par contre nous pouvons sans doute parler de défauts de civilisation.
Repenser cette nouvelle politique c’est l’amener à élargir ses applications au-delà d’un ethnocentrisme (premier défaut). C’est partir du particulier, de chacun, de l’individu, sans jamais « glisser » vers l’individualisme (second défaut). C’est l’amener à penser l’Universel et à éliminer ses anomalies fonctionnelles (troisième défaut).
A défaut de penser le bien-être comme associé au fait de (bien) posséder, il faut rétablir le bien-vivre ensemble.
S’il fallait conclure
Une Politique de Civilisation s’exprime lorsqu’on repense chacun de ces deux termes. La faire vivre demande une prise de conscience et un changement de perception du monde dans lequel nous évoluons. Une autocritique est possible du moment que nous créons une « philosophie grand angle », photographiant le paysage humain dans son ensemble sans le diviser en clichés individuels. Pour cela, il est fortement conseillé de changer d’objectif…
1. Première publication en 1929.
2. Auteur notamment de La Méthode, Ouvrage publié en 6 volumes aux Ed. Du Seuil (1977-1991).
3. Latin Civis, citoyen.
4. On retrouve toutes ces définitions dans tous les bons dictionnaires.
5. Fondements pour la métaphysique des mœurs (1785).
6. Edgar Morin, Autocritique, 1959.