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Rémy Vincent

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Rémy Vincent est chef de secteur pour les Editions O’Reilly dans l’édition de livres informatiques. Il est également formateur à l’Institut National de Formation de Librairie (INFL).

propos recueillis par

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Pourquoi avoir choisi de devenir libraire?
Principalement par curiosité ! J’ai eu la chance de côtoyer le livre très tôt et d’être un grand lecteur très rapidement. Je lisais de tout. La bibliothèque familiale regorgeait de livres d’auteurs aussi différent que Freud, Hergé ou Saint-Exupéry et d’ouvrages de style aussi hétéroclites que des dictionnaires de médecine de l’arrière grand-père, des livres sur Jeanne d’Arc ou les chemins de fer des grand-parents, des albums de comics et des livres de poches de mes parents. Privé de télévision pendant longtemps, j’ai découvert les aventures, les histoires et les défis d’hommes et de femmes réels ou imaginaires à la lumière de la lampe de poche sous les draps. A l’école et plus tard dans mes études, j’ai dévoré les « Lagarde et Michard » et tout les livres de cours qu’il m’était donné d’avoir entre les mains. Je retrouvais des personnages, des héros, des auteurs et des témoignages poignants qui m’ouvraient l’esprit et les yeux sur le monde. De cet apprentissage de la lecture, j’ai eu très rapidement envie de partager mes lectures et de les confronter à celles d’ami(e)s, de parents mais sans trop de succès compte tenu de ma trop grande rapidité à lire et à relire certains titres. Le seul qui arrivait à suivre était un ami libraire qui a su m’orienter et me montrer la «voie ». En fait, pour faire court, je peux maintenant l’avouer c’est par pur intérêt … pour pouvoir lire beaucoup en empruntant sans avoir à «acheter” !

Quel est votre travail au quotidien?
Aujourd’hui principalement, je suis chef de secteur pour les Editions O’Reilly dans l’édition de livres informatiques après avoir été libraire au Verger des Muses à Corbeil Essonnes, puis libraire spécialisé et responsable de libraire pour le Groupe Eyrolles. Je vends les livres produits aux libraires et revendeurs spécialisés sur la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. Je communique les informations techniques sur le contenu des ouvrages pour que les libraires puissent apporter les meilleurs conseils possibles à leurs clients.
Je m’occupe aussi des relations avec les clients sur les salons professionnels du secteur et sur le site de l’éditeur.
D’autre part, je suis aussi formateur à l’INFL (Institut National de Formation aux métiers de la Librairie) à Montreuil (93) dans le cadre de la formation initiale et continue.
Je rencontre les étudiants et les libraires en formation pour leur apporter mon point de vue et mes connaissances sur le milieu de l’édition technique, sur les évolutions «numériques» de la chaîne du livre et plus globalement sur l’informatique.

Qu’est ce qui vous paraît le plus passionnant dans ce métier
L’échange entre lecteurs et le rôle de «passeur ». J’aimerai voir les libraires investir et appuyer le système du «book crossing». Car un lecteur restera toujours un lecteur et voudra toujours faire partager l’émotion et les sentiments qu’il a pu vivre à la lecture d’un livre. Tout comme le fait tout bon libraire en apportant ses conseils à ses clients. Malgré ce que peuvent en penser la grande majorité des utilisateur d’Amazon. Car l’avis du libraire ne sera jamais remplacé par celui du lecteur, il sera complété. Tout ces avis s’enrichissent eux même et apportent au lecteur final un «socle» rassurant pour entreprendre «sa» lecture.

En tant que libraire, vous êtes amené à critiquer les livres. Quels sont vos critères d’analyse et de jugement?
La pertinence du sujet, son mode traitement, l’approche suivit par l’auteur et la « qualité » de la présentation (couverture, papier et mise en page utilisés…) car les attentes entre une édition en «Pléiade », un nouveau « Titeuf » et un énième livre sur le « Sudoku» ne sont pas du tout les mêmes.

Pensez-vous que le marché du livre s’adapte à une mode de genre et de style comme peut l’être “La Harry Potter Mania”?
L’offre est aujourd’hui trop largement supérieur à la demande. Il est normal et nécessaire que la production s’adapte en suivant les modes et les habitudes de loisirs (car la lecture est encore très souvent un loisir). L’évolution de nos habitudes change la place du livre dans notre société. Internet prend de plus en plus de temps sur la télévision et sur les autres loisirs. Il ne faut plus réfléchir en action mais en temps. Sur les 24h d’une journée, nous n’en avons que très peu pour les «loisirs » et encore mois désormais pour la lecture.
Que les effets de mode médiatiques se retrouvent dans l’édition et soient intimement liés est pour moi tout à fait normal. Le seul bémol étant que malheureusement face à cette « surproduction » , il devient de plus en plus difficile de défendre la diversité et d’ouvrir certaines «niches » au plus grand nombre.

Avec l’arrivée du livre numérique, comment voyez-vous l’avenir du livre papier authentique?
La notion de livre numérique recoupe beaucoup trop de «formats » disparates pour être encore aujourd’hui considéré comme un tout. Si les éditeurs se posaient « LA » bonne question, ils pourraient associer les auteurs et les libraires à cette « fausse » nouvelle chaîne du livre.
Fausse, car les libraires sont déjà des vendeurs de contenus quoi qu’ils en disent, il suffit de compter le nombre de version de «l’Iliade et l’odyssée » par exemple que peut avoir en stock un libraire.
Fausse, car les éditeurs sont déjà des éditeurs de contenus au regard des différents formats de collections qui sont désormais proposés :
grand format, grand format illustré, poche, poche illustré, semi-poche, avec couverture cartonnée, en couverture souple, en coffret ….
Fausse, car les auteurs sont déjà des auteurs de contenus, très souvent désormais, ils communiquent leurs manuscrits dans des formats numériques (traitement de texte, pdf..) contenant des liens «hypertexte » et très souvent directement imprimable sans grandes modifications. Quand il n’y a pas un blog en relation !
Il ne faut pas réfléchir uniquement sur « le livre numérique» mais prendre en compte ces nouveaux supports comme de nouveau accès pour le lecteur et de nouveau axe de commercialisation du contenu.
Quand le président du Syndicat National de l’Edition dit « protégeons d’abord nos fichiers et nous verrons ensuite comment les commercialiser » c’est purement aberrant et complètement rétrograde.
L’exemple des majors du disque ne suffit pas à ouvrir les yeux à tout ces professionnels. La lecture d’un pdf est complètement différente de celle d’un livre papier, et l’écoute d’un livre audio aussi. Pourtant ces approches sont complémentaires et sont de plus en plus plébiscités par les clients quand elles existent. (cf immateriel.fr http://immateriel.wordpress.com/).
Alors oui, le livre papier a un avenir car c’est encore le mode de lecture qui consomme le moins d’énergie pour être lu !

Les lecteurs vous demandent-ils souvent votre avis sur les livres à lire?
Dans le cadre de mon activité sur les salons professionnels en informatique par exemple, c’est très souvent que les curieux et les lecteurs nous sondent sur des sujets techniques précis et pointus pour connaître notre avis dans le choix de livres.
Mais le plus étonnant reste qu’une fois sur deux la discussion part sur d’autres livres beaucoup moins «techniques » comme des romans ou des livres d’actualités.

Parlez-nous de votre dernier coup de coeur en librairie?
XXI, un nouveau type de « journal-magazine d’actualité » qui grâce au travail de conseils des libraires à pu trouver sa place et son public en librairie. C’était un choix difficile pour les éditeurs d’un tel projet quant au choix du canal de diffusion mais qui finalement montre qu’il est encore possible pour des « olni » (objets lisibles non identifiés) d’être défendus, de se faire une place et peut être de créer un marché.

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