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Editions 6 brumes

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Guillaume Houle et Jonathan Reynolds sont les directeurs littéraires des Editions 6 Brumes au Québec.

“Pour un éditeur, publier un écrivain, c’est un peu comme se marier pour 5 ans avec lui. Après ça, on est pris ensemble. Autant que ça soit plaisant. “

propos recueillis par

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Qu’est ce qui vous a incité à devenir éditeur?
Jonathan Reynolds et Marki St-Germain, mes collègues, ont fondé la maison d’édition en 2001 afin de répondre à un besoin très particulier : répandre les nouvelles voix de l’Imaginaire francophone et québécois. À l’époque, il y avait peu de place pour le Fantastique, la Fantasy, l’Horreur et la Science-Fiction chez les éditeurs québécois, à l’exception notable des Éditions Alire, qui possédait déjà son bassin d’écrivains expérimentés.

Quels sont les raisons principales qui vous poussent à refuser des manuscrits?

La mauvaise qualité de l’écriture : Orthographe, syntaxe, grammaire, etc. Les clichés : Elfes, orcs, objets magiques, vampires, etc. Les dessins de cartes et les langues artificielles qui font penser au Seigneur des Anneaux. La prétention et le manque d’expérience : L’auteur refuse de publier dans des fanzines ou magazines, ne participe pas aux événements consacrés aux littératures de l’Imaginaire, communique peu, ne prend pas la peine de faire lire ses textes à un comité de lecture personnel avant l’envoyer chez un éditeur, pense que se faire publier est un droit et non un privilège. Les mauvais choix de noms car nous refusons systématiquement les projets où les noms des personnages sont mal choisis. Xort’lzkringan n’est pas un nom de héros de Science-Fiction intéressant. Même chose pour des Tom, Luc et Ben, Chevaliers de l’Honneur, qui vont casser la figure au grand méchant Manteau Noir dans un récit de Fantasy. Réfléchissez à la sonorité de vos noms de personnages, c’est extrêmement important. Voici quelques exemples intéressants : Alégracia, Sintara, Kajûvars, Xayiris sont des noms exotiques utilisés dans la série Alégracia. Ils sonnent pourtant tous très français, à la prononciation. Les textes qui ne sont pas dans nos cordes : Nous ne publions que de l’Imaginaire – Fantastique, Fantasy, Horreur, Science-Fiction, Policier et Inconnu. On ne veut pas de poésie, de réalisme ou de biographies.

Qu’est ce qui vous séduit dans un projet littéraire?
L’originalité : Surprenez-nous ! L’organisation et la promotion : Avant même que le projet atterrisse chez nous, l’auteur y consacre un site Internet, l’a déjà fait réviser par un comité de lecture, en parle souvent à son entourage, travaille et retravaille son projet de manière constructive et demeure positif dans son approche. On a envie de travailler avec lui ou elle. Un niveau d’écriture à l’échelle de l’humanité. Même si nous oeuvrons dans les littératures de l’Imaginaire, les personnages sont malgré cela très humains. Nous aimons donc lire sur des êtres humains imaginaires qui sont assez vivants et complexes pour nous sembler réels. Le fantastique n’est qu’un niveau supplémentaire calqué sur des situations poignantes et des personnages mémorables.

Si vous aviez un conseil à donner aux auteurs qui cherchent à publier mais sans succès?
Écrivez des nouvelles et publiez-les dans les fanzines et magazines francophones. Ça vous fera connaître et vous aurez le temps de travailler votre écriture. Sauter cette étape court-circuite vos chances et vous donne un côté prétentieux. Allez rencontrer les éditeurs en personne, dans les événements spécialisés – Congrès Boréal, WorldCon, Utopiales, Imaginales, certains éditeurs dans les Salons du livre – et discutez de votre projet. Vous verrez s’il tient la route, en plus de vous faire connaître. Soyez humble : il se peut que votre idée ressemble trop à celle du Seigneur des Anneaux et que l’éditeur ne s’y intéresse pas. Soyez positifs et collaborez avec tous les gens pertinents et énergiques. On ne sait jamais sur quoi un projet ou un contact peut déboucher. Écoutez les conseils des auteurs et éditeurs expérimentés qui ont un regard constructif sur l’édition, tout en évitant les gens cyniques. Vous pourrez entendre tout un tas de trucs de la bouche des gens qui sont passés par là avant vous.
L’écriture n’est peut-être pas pour vous. Si ça passe après votre famille, vos amis, votre travail et votre maison, faites-en un passe-temps ou oubliez ça. Tout le monde n’est pas fait pour écrire et publier. Enfin, si vous pensez gagner votre vie avec l’écriture, arrêtez d’écrire tout de suite et trouvez-vous un emploi qui paie.

Publiez-vous en majorité des manuscrits que vous aimez ou des textes que le public apprécie particulièrement?
On ne publie que des textes qu’on aime, car il faut ensuite communiquer cette passion aux lecteurs, notamment dans les Salons du livre. C’est seulement ainsi que l’on peut confier un ouvrage à un nouveau lecteur sans le tromper.

Pensez-vous que des auteurs de talents peuvent être oubliés lorsque que leur manuscrit arrive par la poste?

Oui, parce que le talent ne représente que 5% du travail. Soyez là. Affichez votre énergie et votre bonne humeur, mais sans exagérer. Publiez partout. Faites en sorte qu’on se rappelle de vous, qu’on ait envie de travailler avec vous.
L’écrivain est un être social, physique et mental. On ne veut pas de gens qui tapent du clavier depuis des années dans leur sous-sol, mais qui refusent de sortir à la lumière du jour pour communiquer et interagir avec les autres. Pour un éditeur, publier un écrivain, c’est un peu comme se marier pour 5 ans (ou la durée du contrat) avec lui. Après ça, on est pris ensemble. Autant que ça soit plaisant.

A ce titre, combien publiez-vous par an de manuscrits qui vous parviennent par courrier?
Nous préférons ne pas recevoir de soumissions pour l’instant, mais on publie entre 2 et 4 manuscrits par an.

Pensez-vous que le marché du livre s’adapte à une mode de genre et de style comme peut l’être “la Harry Potter mania”?
Le marketing est un outil malléable. On peut publier tout texte qui nous passionne et faire référence aux ouvrages populaires de l’heure pour en mousser les ventes. L’important est ne pas diluer la qualité de ses publications pour ressembler à autre chose, au risque d’y perdre sa fierté et sa passion d’auteur ou d’éditeur.

Quel regard portez-vous sur l’édition numérique?
C’est une avenue intéressante, mais nous n’avons pas de preuve que ça fonctionne vraiment en dehors du Japon. On y pense, mais plusieurs projets passent avant.

Pensez-vous que l’émergence de l’édition en ligne est une menace suffisamment inquiétante pour que les éditeurs modifient leur stratégie marketing et tentent de renforcer le rapport que le lecteur entretient avec le livre papier?
Pas au Québec, en tous cas. Si l’édition en ligne finit par bénéficier de supports adéquats – un livre électronique portable, de bonne qualité et à bas prix -, il nous fera grand plaisir d’embarquer dans ce nouveau navire, autant que le marché nous le permettra.

Parlez-nous de la dernière publication au sein de votre maison?
Le Québec étant touché par des pertes d’emploi et une accélération de la vie quotidienne, nous avons développé une collection de romans courts et à bas prix appelés NOVA. Ceux-ci comportent de 75 à 100 pages dans un format dit DE POCHE, c’est-à-dire qui entre complètement dans une poche de pantalon, contrairement au roman de poche régulier. Nos deux derniers ouvrages, Le Loup du Sanatorium et La Légende de McNeil, ont fait un réel succès au Salon du livre de Trois-Rivières, de par leur couverture attrayante et par le discours prenant qu’en ont fait leurs auteurs auprès des lecteurs. Il s’agit essentiellement de deux récits mêlant épouvante et fantastique, dans lesquels des groupes de jeunes sont confrontés à diverses incarnations inquiétantes. Le Loup du Sanatorium met l’emphase sur le rythme et sur l’action. La Légende de McNeil développe son axe narratif sur les émotions et les personnages.

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