Folk

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J’avais pensé nommer cette chronique “Le retour du folk”, mais comme tous les styles de musique, la folk music n’a jamais vraiment disparue, elle a juste été médiatiquement occultée par des styles un peu plus dans l’air du temps, et surtout occultée par MTV

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J’avais pensé nommer cette chronique “Le retour du folk”, mais comme tous les styles de musique, la folk music n’a jamais vraiment disparue, elle a juste été médiatiquement occultée par des styles un peu plus dans l’air du temps, et surtout occultée par MTV. Le folk revient depuis quelques temps sur le devant de la scène, grâce à des artistes comme Regina Spektor, le dandy Devendra Banhart (”oh I feel just like a child…”), les étranges CocoRosie et toute une ribambelle de jeunes et belles artistes s’accompagnant d’une simple guitare acoustique, le tout dans la lignée d’une Joan Baez. La musique folk ne possède pas une définition précise, je m’en sors souvent en disant qu’elle prend l’essentiel de la musique traditionnelle en y apportant ce petit quelque chose qui la fait sonner plus “neuve”. Ces petits quelque chose permettent de subdiviser la folk music en “genres” de folk music, du folk metal – si, si – au freak folk, ce qui facilite grandement le travail de chroniqueuse de disques.

L’anti-folk de Regina Spektor

S’accompagnant souvent seule au piano ou à la guitare, Regina Spektor, née il y a 28 ans à Moscou, s’est fait connaître au sein de la scène underground new-yorkaise du quartier East Village (QG de la contre-culture depuis les Beatniks des années 1950) après avoir fait le parcours du combattant dans tous les bars de Paris et de New York. Quelques premières parties (les Strokes, tout de même) et une dizaine de plateaux télé plus tard, la voilà promue égérie de la scène antifolk.

Il est plus ou moins convenu que ce genre est une subversion de la folk protestataire des années 1960 représentée par l’éternel Bob Dylan, cité par Miss Spektor comme une de ses principales influences. La folk music de Dylan, Baez ou Phil Ochs devait être un moyen de faire passer des messages politiques, des revendications, des critiques de la société… L’antifolk n’est pas l’antithèse de la folk, loin de là ; il s’agit en fait de reprendre l’essentiel de la folk music mais de l’emmener dans une direction différente de celle de la protestation.

Comme Dylan, Regina Spektor a des scénarios et personnages plein la tête, mais si les histoires de Dylan parlent du gouvernement et des déshérités, celles de la jolie Regina ont pour sujets amours perdus, petites amies tyranniques et quotidien – réel ou imaginé – de new-yorkaise bien sur ses talons. Le mot d’ordre de l’antifolk est de ne pas se prendre au sérieux, l’auto-dérision est dans la plupart des compositions de Regina Spektor. Car avais-je précisé que cette demoiselle était auteure-compositrice-interprète ? Formée au piano classique par un professeur de la Manhattan School of Music, elle sait également parfaitement manier son deuxième instrument : sa voix. Elle possède dans ses cordes vocales un kaléidoscope de couleurs et de variations sonores qui lui permettent toutes les folies, un peu comme notre Camille nationale.

Ses influences avouées vont de Frédéric Chopin aux Beatles pour les mélodies magnifiques et addictives, de Radiohead à Tom Waits pour la virtuosité de la plume. La reconnaissance du public est venue d’abord d’Internet, de YouTube plus précisément, puis ses chansons ont été utilisées à maintes fois dans des publicités, séries télévisées, et depuis, elle est incontournable ! Jetez-vous sur Begin to Hope, son dernier album en date (2006), pour découvrir cette artiste éclectique, drôle et terriblement douée.

Le Nu-folk de Devendra Banhart

Devendra Banhart est une sorte de dandy-hippie-gourou et leader d’un “mouvement” qu’il appelle ”The Family”, mais qui fait partie d’un mouvement plus large d’artistes trouvant ses racines à Los Angeles dûment identifié : New Weird America. Un terme qui n’a, pour une fois, pas été créé par les journalistes, et repris par bon nombre d’artistes.

La base de la musique de ces artistes est le folk qu’ils associent à d’autres styles, en utilisant de nombreux instruments, et usant parfois même de l’électronique. Une compilation de 20 titres de ce nouvel underground folk est sortie en 2004 consacrant l’existence de la New Weird America, chaperonnée par le magazine d’art “Arthur Magazine”.

Vous connaissez sûrement la musique de Devendra Banhart grâce à “I Feel Just Like A Child”, utilisée pour une publicité pour une voiture il me semble, et qui figurait surtout sur l’album ”Cripple Crow”, son quatrième album, chef d’oeuvre de psyché-folk (qui fait partie du nu-folk, qui fait partie de “The Family”, qui fait partie lui-même du mouvement New Weird America, vous suivez ?) et sûrement le plus accessible de ses albums, et le plus long (75 minutes). Elevé au Vénézuela, look de dandy-hippie entre Marc Bolan et Jim Morrison qui fait mouiller toutes les fans des 70s (sauf moi, vous l’aurez compris), un monde bien à lui dans lequel il a fait entrer pas mal de monde, à ce point que certains parlent de lui comme si c’était un gourou (surtout les journalistes), Devendra Banhart est un phénomène à lui tout seul, représentant sur Terre du “nouveau folk”, et je ne dis pas cela à cause de sa ressemblance avec certaines représentations de Jésus !

Evidemment ce n’est pas du tout un gourou, c’est un musicien et surtout un parolier unique, sûrement le plus doué et prolifique de sa génération. Sa voix hors-norme était d’abord posée sur une musique souvent épurée à l’extrême, une simple guitare à la Nick Drake, puis elle s’est prévalue d’une musique plus riche, imaginative, surréaliste et féerique parfois, beaucoup plus communicative et dansante. Plus concrètement, Devendra Banhart se lâche, s’amène sur scène avec une jupe de pénis, tourne des clips bollywoodiens avec sa Natalie Portman de petite amie, et semble en tous points s’épanouir. Cela s’entend dans son dernier album en date, “Smokey Rolls DownThunder Canyon”, plus instrumental et expérimental que les précédents, et détenant en son sein plusieurs des plus belles chansons jamais écrites par celui dont les peintures ont déjà été exposées Musée d’Art Moderne de San Francisco. Ne crions pas trop vite au génie, mais gardons-nous aussi de sous-estimer le grand barbu.

Le freak-folk de CocoRosie

L’autre figure emblématique du nu-folk est un duo de soeurs, CocoRosie, proches de Devendra Banhart qui a d’ailleurs posé sa voix sur un titre de leur second album et participé à la composition d’un autre titre sur leur dernier album, “The Adventures Of Ghosthorse And Stillborn”. Bianca (Coco) et Sierra (Rosie) Casady ont dès le début fait le pari de l’expérimentation et de la perpétuelle découverte de nouveaux sons. Après un premier album enregistré dans leur salle de bains à Paris et remarqué pour son unicité et son étrangeté, elles continuent leurs explorations musicales dans “Noah’s Ark”, qui va les propulser en 2005 à la tête d’un récent sous-genre du nu-folk : le freak-folk.

Sur leurs deux premiers albums, les soeurs Cadasy ont montré au monde comment combiner pop lo-fi (du terme low-fidelity, c’est-à-dire avec un son brut, non retouché), voix lyriques étranges tachetées de hip-hop, casseroles et jouets pour enfant pour en faire des mélodies d’une fragilité et d’une poésie sensationnelles. Piano, beatboxes, xylophones, rien n’est de trop pour produire une musique folk surréaliste et poignante, à la fois simple et incroyablement nébuleuse. Effrayante même, parfois. Bianca, la plus jeune soeur, a alternativement la voix d’une enfant pré-adolescente et celle d’une vieille dame tandis que la voix d’opéra de Sierra impressionne, tout simplement.

Avec “The Adventures Of Ghosthorse And Stillborn”, CocoRosie a réussi un album d’une grande densité, très riche, plus solide et construit que les précédents, en concédant moins au minimalisme sans tomber dans la sophistication pure. Les soeurs Casady sont toujours dans un monde à part et elles font tout leur possible pour nous y inviter. La musique folk n’a définitivement plus de limites. Le champ musical de ces deux Américaines est infini. Cet opus, enregistré en Islande, la patrie d’une certaine Björk à qui on ne peut s’empêcher de penser sur certaines pistes de l’album, est un conte dans lequel Sierra et Bianca laissent une place un peu plus importante à leurs influences pop et hip-hop. Les paroles sont toujours magnifiques, les voix plus captivantes que jamais et la musique à la quintessence de l’étrange – qui peut être traduit par freak en anglais.

Ces deux soeurs à l’enfance chahutée (déménagements incessants, divorce, pertes de vue de plusieurs années) sont désormais virtuellement inséparables, leurs surnoms maternels étant soudés à jamais pour former le nom d’un des duos les plus originaux et innovants de ce début de siècle.

EDDIE WILLIAMSON

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