Prostitution : l’entrechoquement du sexe et de l’argent
Par Marc Emile Baronheid – Le livre est le meilleur ami de l’homme pressé d’éviter les rassemblements de foule. Si processionner parmi les tableaux d’une exposition vous paraît au-dessus de vos forces, essayez le luxe d’un bel ouvrage, le calme d’un boudoir, la volupté de déflorer des pages dont vous humez d’abord le mystère.
L’entrechoquement du sexe et de l’argent est-il au cœur de la puissance créatrice ? A moins qu’il en soit LE cœur, l’infernal déclencheur. Un livre d’images de la prostitution en France lui donne une autre dimension, situant l’empire du plaisir et du désir sur le développement de la peinture moderne. Un ouvrage écrit à quatre soifs et autant d’émois, par des conservateurs des musées d’Orsay et du Van Gogh Museum d’Amsterdam, avec un comparse de l’université d’Edimbourg. Le monde du fantasme fait chair, ses dimensions sociales et culturelles, la toilette, les préparatifs, les scènes d’intimité mais aussi le racolage, les clients, donnent à l’ouvrage une signification bien plus durable qu’une simple collection de « vues ». Il parle d’un temps où les horizontales étaient réellement grandes et ne s’abaissaient pas à monnayer en librairie leur humiliante répudiation. L’aveu d’une forme de prostitution ? Une passerelle vers ce témoignage de Virginie Despentes : « Je commence à faire des passes fin 91, j’écris Baise-moi en avril 92. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un hasard. Il y a un lien réel entre l’écriture et la prostitution ». Il figure dans « Prostitutions – Des représentations aveuglantes », un mook qui propose une lecture contemporaine du plus impressionnant métier du monde, en croisant des approches pluridisciplinaires. Au long de vingt essais agrémentés d’illustrations parfois percutantes, des spécialistes poussent des portes que l’approche institutionnelle n’avait pas osé entrouvrir, auscultant le siècle de la révolution industrielle avec une vigueur et une justesse qui bousculent judicieusement les lignes.
« Splendeurs et misères – Images de la prostitution en France, 1850-1910 », ouvrage collectif, Flammarion, 45 euros. C’est le catalogue officiel de l’exposition « Splendeurs et Misères », musée d’Orsay, jusqu’au 20 janvier 2016.
En parallèle à cette même exposition : « Prostitutions – Des représentations aveuglantes », ouvrage collectif, Flammarion, 22 euros
A signaler, l’ approche sensiblement différente d’un « journaliste spécialisé en urbanisme », qui dévoile des « secrets » de bordels, du mythique Chabanais aux pires taules d’abattage : « Secrets de maisons closes », Marc Lemonier, La Musardine – 19,90 euros
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