Bernard Werber convie ses lecteurs au restaurant via Facebook

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Un brunch littéraire avec Bernard Werber était organisé ce dimanche 17 janvier dans un restaurant de Montmartre. L’occasion pour une soixantaine d’amis et de fans de rencontrer cet auteur culte. Au menu : « Le Miroir de Cassandre », le futur, l’écriture…

Perché en haut de la Butte Montmartre, au pied du Sacré Cœur, l’endroit est attrayant.
Pour parvenir jusque-là, certains ont dû garer leur voiture vers Pigalle et grimper à pied quelques centaines de marches dans le froid ensoleillé de janvier.
Mais peu importent l’essoufflement, le nez rouge et l’œil larmoyant moyennement élégants qu’ils affichent en arrivant, car le jeu en vaut la chandelle : ils vont assister à un brunch littéraire en compagnie de Bernard Werber, auteur culte de toute une génération, et même de plusieurs si l’on en croit les âges très divers des membres de cette assemblée.

Tout commence par un bon déjeuner dans ce restaurant auvergnat de cuisine traditionnelle, le « Clocher de Montmartre« . Werber est assis avec quelques invités. En face de lui se tient la grande table de ses « amis » de Facebook, qui ont eu l’info il y a quelques jours sur le « mur » de leur écrivain préféré et se sont empressés de réserver leur place. C’est sans doute Chantal, la maîtresse des lieux, qui leur a répondu au téléphone : elle s’occupe du restaurant depuis 1975 et organise très souvent des rencontres avec des artistes (auteurs, peintres, magiciens, humoristes…).
A peine le café terminé, Bernard Werber se lève, bouge les chaises, aide à organiser la salle et s’empare enfin du micro. Il est calme et souriant, sa voix est douce, un peu basse, son ton presque confidentiel. Il commence par poser quelques questions à la soixantaine de privilégiés assis face à lui : Qui a lu mes livres? Qui n’a jamais lu aucun de mes livres? Qui a déjà regardé mon site de « L’Arbre des possibles » ? Qui veut être écrivain?
A chaque fois, des mains se lèvent, plus ou moins nombreuses suivant la question. Werber est attentif à son public, il regarde chacun droit dans les yeux, reconnaît quelques habitués qui viennent le voir de temps en temps. Certains se sont déplacés de province, et même de Bruxelles.

Ancré dans la réalité présente
Puis Bernard Werber commence sa conférence en résumant son dernier livre, « Le Miroir de Cassandre ». L’histoire d’une jeune fille autiste de 17 ans nommée Cassandre, qui possède le même don que l’antique (avec qui elle est connectée et qu’elle voit en rêve) : voir l’avenir. Mais aussi la même malédiction : n’être crue de personne… Situation difficile, qui amène l’héroïne à se réfugier dans une gigantesque décharge baptisée « Rédemption » où une bande de clochards la recueille et la prend enfin au sérieux.
Contrairement aux précédents livres de Werber, qui ont une connotation fantastique, celui-ci est ancré dans la réalité présente (si l’on peut admettre la réalité du don de voyance). Mais il traite d’un sujet cher à l’auteur : le futur.
Le futur fait peur, et il n’y a qu’à regarder les infos pour frémir devant des prévisions terrifiantes et alarmistes. Bernard Werber prend le contrepied de cette angoisse, réhabilite le futur, tente de prouver qu’un avenir meilleur est possible si on le décide maintenant, et qu’en faisant de petites actions individuelles on change finalement le tout. « Mon travail est une vulgarisation des connaissances, dit-il, pour vous donner envie de vous intéresser à des sujets nouveaux, d’ouvrir vos horizons et de monter vos propres projets ».

Un vent d’enthousiasme recouvre la salle, touchée par la force positive que dégage ce type-là. Car c’est sans doute la particularité de Werber : il écrit des histoires originales, certes, et de surcroît avec un talent rare, mais sa fonction va au-delà de celle de l’écrivain. A l’évidence, il transmet des valeurs, des idées, des messages parfaitement cartésiens hérités de son passé de journaliste scientifique au Nouvel Obs, et d’autres plus philosophiques, humanistes, voire spirituels, qui ressemblent parfois aux enseignements des grands maîtres tibétains. Tout cela dans des romans que chacun est libre de prendre au niveau qui lui correspond. Si les milieux littéraires dénigrent parfois Werber, le public ne s’y trompe pas et le suit. Parce qu’il a ce don spécial de faire réfléchir sur des sujets extrêmement profonds à travers des histoires accessibles à tout le monde…

« L’écriture est une fuite positive »
En plus d’être un « messager », Bernard Werber est un travailleur acharné. Il écrit tous les jours, parce que pour lui l’inspiration vient du travail, de la rigueur et de la discipline. Et l’écriture le met dans un état de transe, de rêve éveillé qui le connecte à fond avec ses personnages. « C’est une forme de schizophrénie, dit-il. L’écriture est une fuite, mais une fuite positive qui amène à la création, contrairement à la fuite dans l’alcool ou la drogue. L’écriture est mon point fort, et je renforce ce point fort au lieu de chercher à travailler mes points faibles, c’est un choix. A part ça, j’ai beaucoup de mal dans la vie quotidienne, quand il faut aller faire des courses ou gérer les factures ! ». C’est aussi une des caractéristiques de Werber : l’humour, la légèreté, l’autodérision. Et l’humilité, qui est la marque des grands.

Il termine par quelques conseils aux écrivains en herbe : « Ayez votre propre style, n’imitez personne, n’ayez pas peur d’être original. Trouvez votre chemin, sinon vous serez remplaçables. Et c’est valable pour tout le monde, pas seulement pour les auteurs : on a tous un talent, et la vie consiste à découvrir lequel ». Et hop, nous voila repartis un cran plus haut vers un niveau de cogitation intense…
Les questions se succèdent et Bernard Werber y répond avec plaisir. Hélas, il a un planning serré et ne peut passer toute la journée à discuter dans ce restaurant. Dommage, nombre d’entre nous auraient bien enchaîné sur un dîner, voire un souper, pour continuer à l’écouter et échanger avec lui.
Il se prête au jeu des signatures, dédicace ses bouquins à tous ceux qui le souhaitent.Puis il doit filer très vite…
Alors chacun se sépare, reprend le métro, la voiture garée à Pigalle, ou le train vers la Belgique. Chacun avec la même pensée, partagée (ou pas) avec le voisin : il est passionnant… quand-est-ce qu’il revient?

Par Valérie Bettencourt

Valérie Bettencourt est auteur (romans, scénarios, documentaires…). Elle a notamment publié en 2009 un roman intitulé « Les Femmes de mes vies ». Pour en savoir plus : le site de Valérie Bettencourt

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