Le journal gravidique d’Emilie de Turckheim
Par Félix Brun – bscnews.fr/ Avec un titre pareil, cela aurait pu être un roman d’Agatha Christie ou pourquoi pas un essai sur la psychologie et le nombrilisme de l’être humain. Pas du tout, c’est le simple journal intime d’une future maman en proie à ses doutes, ses angoisses, ses fantasmes, à ses rêves et ses désirs, et à la vie quotidienne pendant une grossesse. La magie littéraire, le talent d’Emilie de Turckheim invitent le lecteur à partager confidentiellement cette expérience de la gestation de son nouvel enfant, et cela avec une sidérante liberté.
Elle se met à nu, la jeune écrivaine aux vies multiples, assoiffée de sensations, modèle dénudée d’artistes peintres, visiteuse de prison, maman attentionnée du truculent Marius, amie fidèle et disponible, compagne amoureuse du beau F…..Elle confesse une précoce sexualité et de nombreuses aventures, amante délurée et compulsive. Ainsi, à propos d’Arnaud par exemple, qu’elle avait connu adolescente, elle dit : « Il n’y avait jamais : je t’aime. Il y avait la lutte à chaque prise des sexes, jamais douce, jamais suffisante. Il y avait notre bateau à voile qui était la liberté et le contraire de la liberté. Il y avait la tempête, la hauteur terrible des vagues. Ma peur au ventre. Mon corps adolescent mal habitué à la rage sexuelle. Mal habitué aux brûlures des régions où le soleil est né, règne en tyran, marque les hommes au fer noir de la mélancolie. Il y avait l’absence et l’attente à Paris. Et il y avait nos retrouvailles silencieuses sur le tarmac cabossé des îles Grenadines. L’eau turquoise, les plages en poudre de diamant, le rêve amoureux, le sentiment de piquer dans la caisse, de prendre le meilleur de la vie, la grande piraterie. »
L’écriture est sensible, crue, d’une sincérité émouvante, emplie d’humour, surprenante et parfois dérangeante. Emilie de Turckheim impose son insolence et sa permissivité avec virtuosité ; à 34 ans, elle décortique son court passé riche en anecdotes et aventures, avec une éclatante lucidité : « Et l’essentiel c’est le lot. C’est-à-dire ce qui est donné à chacun pour faire sa vie : les gestes faits, les mots entendus, les paysages vus, la quantité de tendresse reçue, la rage, l’endurance du corps et les souvenirs heureux. »
La Disparition du nombril
Auteur : Emilie de Turckheim
Edition : Héloïse d’Ormesson
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