La ballade de Lila K : un récit intimiste qui interroge sur les dérives possibles de notre société
Par Mélina Hoffmann- bscnews.fr / Lila est encore une petite fille lorsqu’elle est violemment enlevée par des hommes en noir à sa mère qui la maltraite. Enfermée dans un placard, privée de nourriture et mutilée, c’est une enfant fragilisée, asociale et traumatisée qui arrive au centre spécialisé où elle doit alors réapprendre à marcher, à parler, à manger et à vivre avec les autres.
En plein XXIIe siècle, au sein d’une société futuriste, autoritaire et très sécuritaire, où les individus sont sous surveillance permanente, la jeune fille surdouée tente de se reconstruire et de retrouver la mémoire.
« Les membres de la Commission étaient très ennuyés : ils avaient sur les bras une vraie bête curieuse. » Lila nous livre son récit, qui n’a rien d’une balade malgré la poésie qui s’en dégage parfois à travers des remarques tendres qui font sourire lorsqu’elle ne nous serrent pas le coeur. C’est dans les livres que Lila se réfugie pour tromper la solitude. À travers eux aussi qu’elle puise une grande partie de sa force et goûte à la liberté. Et puis il y a M. Kauffmann, le seul qui ne la juge pas et tente au contraire de cultiver ses dons, ses aptitudes hors du commun, tandis que Fernand, lui, veut la rendre « plus conforme, plus banale », pour lui permettre de se mêler aux autres sans attirer l’attention. Des êtres qu’elle se met à aimer « sans le faire exprès », avant de comprendre qu’un nouveau chagrin la tuerait et qu’il lui faut se tenir à l’écart des sentiments, se préserver. Il y a déjà cette mère – pourtant maltraitante – dont le manque la ronge et à laquelle elle voue un mystérieux amour… Au plus profond d’elle, ne cesse de grandir son désir de la retrouver. Un désir qui deviendra son principal but lorsque, à ses 18 ans, elle découvrira le monde qui l’attend à l’extérieur du centre…C’est dans un avenir pas si lointain et une société des plus anxiogènes que nous plonge ce roman d’anticipation. Une histoire très intimiste, sombre et douloureuse, qui interroge sur l’évolution de notre société, sur ses dérives possibles, sur nos peurs, nos angoisses profondes.
« (…) Je me moquais un peu du contenu des livres. Ce que je recherchais, surtout, c’est le pouvoir qu’ils m’accordaient. J’arrivais grâce à eux à m’abstraire de ma vie. J’oubliais le Centre, sa routine et son lot de contraintes épuisantes. J’oubliais qu’on m’avais confisqué ma maman. J’étais ailleurs, loin du monde, loin de moi. C’est parfois reposant de se perdre de vue. »
La ballade de Lila K
Blandine Le Callet
Editions Le Livre de Poche
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