Vanessa Liautey : une comédienne qui aime bousculer nos certitudes
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Membre de la compagnie Adesso e sempre dirigée par Julien Bouffier, Vanessa Liautey participe à toutes ses créations théâtrales (Hernani de V. Hugo, La nuit je mens, L’Echange de Claudel, Remember the misfits, Le début de l’A. de Rambert, Perlino Comment de Melquiot, Les Vivants et les morts de Mordillat, Hiroshima mon amour de Duras, Les Témoins) ; elle a été dirigée aussi par M.Nakache, J.C.Fall ou encore Luc Sabot . En 2011, elle monte sa propre compagnie La Faction et crée son premier spectacle,Forget Marilyn. Comédienne enthousiaste, investie et d’une grande sensibilité, nous avions envie de vous la faire rencontrer.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être comédienne?
ça n’a pas commencé avec l’envie d’être comédienne mais plutôt par le besoin et la nécessité d’être sur un plateau. J’ai commencé très jeune la danse classique au conservatoire et j’ai glissé vers le théâtre à l’adolescence. Sans doute pour cela qu’aujourd’hui dans mon travail de comédienne, j’ai besoin de travailler le corps.
Un mot sur votre formation d’actrice et votre parcours?
Je suis entrée dans une école d’Art dramatique à Paris après le baccalauréat, « L’Ecole Claude Mathieu », du nom de son directeur, un monsieur que j’aime énormément. Quand on entre dans l’école, il y a cette phrase sur le mur: » Le comédien vaut l’homme et tant vaut l’homme tant vaut le comédien ». Une phrase de Jouvet. Claude Mathieu nous apprend le théâtre avec cette phrase qui résonne toujours. C’est un cursus de 3 ans. Nous sortons de l’école par un spectacle-audition qui nous permet de se confronter à la réalité professionnelle et c’est parti…. j’ai rencontré assez vite Julien Bouffier pour une audition. Il cherchait une jeune actrice pour jouer Dona Sol dans Hernani de V.Hugo, et l’aventure avec Adesso e sempre a commencé en 1999. Et d’aventures en aventures en aventures, j’ai rencontré des metteurs en scène…J’essaie de faire régulièrement des stages sur le corps et la voix pour continuer à me former.
De nombreux projets durant ces derniers mois: si nous commencions par » Le jour où j’ai acheté ton mépris au Virgin Megastore » de Julien Bouffier. Quel rôle y jouez-vous? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet au propos engagé?
Le projet de départ était le texte de Moravia « Le Mépris », Julien n’a pas eu les droits, il a donc décidé d’écrire « Un Mépris 2014 ». J’aime ce travail que nous propose Julien, ce foisonnement. Nous sommes toujours très remplis, nous les acteurs, dans son travail. Dans ce spectacle, je joue Marthe. Une jeune femme qui travaille au Virgin Megastore. Le jour où son entreprise ferme ses portes, elle rencontre Louis qui vient acheter le Mépris de Moravia. Ils se trouvent pris tous les deux dans cette folie humaine de la consommation et vont tomber amoureux. ( vous avez certainement vu les images des gens qui se jettent dans le magasin le jour de la fermeture des Virgin partout en France…!) Cet amour se dégrade, fait place au mépris, à cause de Thomas, producteur, qui va venir semer la pagaille dans ce couple. Ce qui me séduit dans ce projet, c’est son ensemble, pas seulement le fait que ce soit un spectacle « engagé ». C’est un spectacle qui parle du travail bien sûr, de notre place dans la société qui est bien trop liée au travail mais ça parle aussi de l’amour et de ce qu’on en fait. Ensuite, oui, j’aime les histoires qui parlent de notre monde. Qui tente de nous bousculer dans nos « certitudes ».
Vous préparez également le spectacle : » L’enfant pleurait » inspiré de la bande dessinée Crash-Text de G.Ponchard et P.Squarzoni et de faits divers. La lecture de cette bd a été le déclencheur de votre envie de monter et jouer ce drame?
Non. Le déclencheur est la naissance de ma fille. J’ai réalisé la fragilité de la vie. je me souviens qu’à ce moment là nous avons entendu parlé des bébés congelés….. c’était incohérent pour moi, comment une femme en arrive là. Qu’est ce qui se dérègle à ce point. j’ai cherché à comprendre. On m’a parlé de cette bande dessinée, et le travail a commencé là.
C’est l’histoire d’un infanticide: un sujet douloureux et complexe…comment avez-vous choisi d’en parler sur le plateau?
J’ai demandé à Hélène Cathala (chorégraphe) d’être mon regard, mon accompagnatrice. J’avais besoin de trouver avec elle, le corps de cette femme, puisque c’est un solo. Et de faire entrer le texte après. Emmanuelle Debeusscher, qui est scènographe, était très présente au début du travail aussi. Trouver l’espace. Et puis j’avais besoin de ne pas être seule. Trop lourd. Vous allez donc assister à un solo. Une femme seule dans un espace assez neutre mais clos. Un espace qui va lui permettre de parler. De re-naître. Je suis très choquée de la façon dont on juge très vite ces mères. Quel drame horrible pour l’enfant mais pour elle aussi…. c’est un spectacle qui est volontairement court, 50 minutes, pour échanger ensuite avec le public, parler des mères épuisées et du « burn-out » maternel me parait très important. On peut aider, accompagner. J’ai rencontré à ce sujet beaucoup de travailleurs sociaux, médicaux et de la justice, il y a un travail formidable qui est fait pour essayer de réparer, soulager, accompagner.
Ce spectacle s’inspire d’une bande-dessinée ; dans quelle mesure le neuvième art intervient-il dans votre adaptation théâtrale?
Il est le socle du travail. La fiction nécessaire.
Vous jouez également une sœur dans Lune de l’autre avec Fanny Rudelle. C’est également un texte sensible et dur. Diriez-vous que vous êtes naturellement attirée par des projets aux résonances profondes et existentielles?
C’est vrai que même en tant que spectatrice je préfère Falk Richter à Feydeau….L’une de l’autre, ce texte de Nadia Xerri-L, est très beau. je ne le trouve pas dur, moi… enfin si un peu… c’est surtout le rapport de ces deux soeurs qui est très très beau je trouve. Se parler… dire… c’est pas toujours facile.
Vous travaillez également avec Stephane Laudier autour de Duras…Pourriez-nous en dire davantage?
Aaah.. surprise… nous commençons un premier travail qui sera donné à La Baignoire en avril (24, 25,26) autour de deux textes de Duras, (qui est vraiment une auteure que j’adore, avec laquelle je suis rentrée en fusion quand j’ai travaillé sur Hiroshima mon amour.) L’homme assis dans le couloir et La maladie de la mort.
Enfin, vous remontez bientôt sur scène avec Forget Marylin qui a été très bien accueilli par le public…Comment expliqueriez -vous cet accueil?
Je ne sais pas. C’est un spectacle que j’aime beaucoup jouer. L’histoire de cette fille, ce personnage, touche je pense. j’essaye de travailler sur la limite du « craquage » dans le chant et dans le corps. C’est l’histoire d’une fille qui se prépare pour son enième show Marilyn, mais qui, ce soir là, ne peut plus. Tout cela dans une mélopée….
Pour découvrir le travail de Vanessa Liautey :
L’enfant Pleurait – 27 et 28 mars à La Chapelle-Gély 20H Montpellier // 18 et 19 avril Festival Hybrides6 (Théâtre des 13Vents) Montpellier –
http://www.kisskissbankbank.com/l-enfant-pleurait
Forget Marilyn – 3,4 avril Théâtre de Lattes, 11 avril Grand café Mounis Graissessac
Duras/Duras – 24,25,26 avril La Baignoire Montpellier
L’une de l’autre – 23 mai Lycée Pompidou à Castelnau
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