Olivier Dubois: la tragédie mise à nu

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Pour le dernier volet de sa trilogie Etude critique pour un trompe l’oeil, Olivier Dubois souhaitait permettre de  » faire l’expérience d’une humanité aveuglante, éblouissante…assourdissante »; il met ainsi à nu 18 danseurs ,au sens littéral du terme, et donne à voir un « ballet » singulier rythmé par la répétition obsessionnelle, une dynamique de groupe tribale et un principe d’allers-retours obsédants de mouvements.

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L’objectif est de montrer l’être dans son état originel et d’exposer ses paradoxes ( fragilité et force, harmonie et chaos, douceur et violence…) et ses différences intrinsèques, déjà de par les divergences anatomiques des 18 danseurs du plateau. Aussi, après une scène d’exposition entêtante où ces performeurs, par un mouvement d’aller-venue d’un bout à l’autre du plateau, martèlent le sol de leur voûte plantaire, comme une affirmation d’eux-mêmes, dévêtus de leurs complexes et de leurs complexités, ils laissent leurs instincts peu à peu les secouer, les dévier, les différencier les uns des autres et le plateau devient un lieu d’exutoire troublant.
Cette pièce chorégraphique incite en outre le spectateur à examiner la question de la nudité dans l’art. Faire monter sur scène des corps nus n’a rien de très original aujourd’hui, et davantage encore dans le domaine de la danse; Olivier Dubois réussit cependant à convaincre le spectateur du véritable intérêt esthétique du nu sur une scène. En effet, assez vite, l’œil oublie qu’il est exposé à la nudité et sa crudité première s’estompe jusqu’à n’être qu’un souvenir et les peaux deviennent des costumes lumineux aussi seyants que fluides. Cette pièce chorégraphique finit curieusement par dévêtir la nudité de sa connotation sexuelle ; les danseurs s’avèrent des statues mouvantes qui ne retrouvent leur pouvoir érotique qu’alors que la chorégraphie les plonge dans des mouvements inspirés du coït. Et là encore, portés par l’hystérie du moment, le regard embrasse davantage des symboles que des corps de chair et de sang.
Il faut pourtant préciser qu’à l’issue de la représentation, des sentiments contradictoires nous animent: a-t-on aimé cette expérience? S’est-on ennuyé grandement? Répondre par un oui ou un non catégorique serait réducteur. Si les mouvements itératifs créent une atmosphère hypnotique qui n’est pas toujours confortable pour le spectateur, certaines minutes sont par contre littéralement éblouissantes: lors de quelques minutes sublimes, l’on croit voir en effet la mer et son ressac, puis un bateau…simplement avec 18 corps nus qui se déplacent de façon synchrone. Un bémol pour la bande-sonore, par contre, dont on reconnaît de bonne grâce à quel point elle se marie génialement avec ce qui se déroule sur scène mais peut vriller les nerfs de certains par sa monotonie répétitive et provoquer des acouphènes à d’autres. Un spectacle que l’on conseillera donc à ceux qui aiment se confronter à un univers artistique et savent laisser parler leurs émotions – et leur sensibilité! – vis à vis d’un objet scénique atypique mais intéressant.

Tragédie
Création du 23 au 28 juillet 2012 au Festival d’Avignon( Cloitre des Carmes)
(c) François Stemmer
Création et chorégraphie Olivier Dubois / Assistant à la création Cyril Accorsi / Musique François Caffenne / Création lumière Patrick Riou / Scénographie Olivier Dubois / Régie générale François Michaudel / Régie lumière Pauline Blouch
Administration-production COD/Béatrice Horn, assistée de Florence Douaze-Bonnet
Interprètes Marie-Laure Caradec, Marianne Descamps, Virginie Garcia, Karine Girard, Carole Gomes-Busnel, Inés Hernández, Isabelle Kürzi, Loren Palmer, Sandra Savin, Benjamin Bertrand, Arnaud Boursain, Jorge Moré Calderon, Sylvain Decloitre, Sébastien Ledig, Filipe Lourenço, Thierry Micouin, Rafael Pardillo, Sébastien Perrault.

Dates des représentations:

– 6, 7 & 8 février 2014 / à Strasbourg (67) -Le Maillon – Pôle sud

-14 février 2014 / Montpellier (34) Corum – Montpellier danse

-18 février 2014 / Niort (79) Le Moulin du Roc

-20 février 2014 / La Roche-sur-Yon (85) Le grand R

-26 & 27 février 2014 / Lyon (69) Maison de la danse

-19 mars 2014 / Mulhouse (68) La Filature

-1 avril 2014 / Rouen (76) Opéra de Rouen – Hangar 23

-4 & 5 avril 2014 / Séville (E) Théâtre Municipal

-11 avril 2014 / Cavaillon (84)

-16 & 17 avril 2014 / Nantes (44) Lieu Unique

-27 avril 2014 / Québec (C) Le Grand Théâtre

-1, 2 & 3 mai 2014 / Montréal (C) Danse Danse – Théâtre Maisonneuve

-8, 9 & 10 mai 2014 / Londres (UK) Sadler’s wells

-7 juillet 2014 / Angers (49) Le Quai

-29 – 30 août 2014 / TRAGEDIE (à confirmer) Berlin (D)Tanz im August

-17, 18, 19 et 20 septembre 2014 / Tel Aviv (IL) Opera house

-24 septembre 2014 / TRAGEDIE (à confirmer) Varsovie (P)Festival

-13,14, 15 et 16 octobre 2014 / Villeneuve d’Ascq (59) La Rose des Vents

-24 octobre 2014 / Liège (Be) Théâtre de la place

– Entre le 28 octobre et le 14 novembre 2014 / TRAGÉDIE (à confirmer) Rotterdam / Eindhoven / Maastricht / Tilburg (PAYS-BAS)

-18 novembre 2014 / Valenciennes (59) Le Phénix

– 4 février 2015 / Nîmes (30) Théâtre

-7 février 2015 / Aix en Provence (13) Grand Théâtre

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