D’un aimable capharnaüm
Appelons ce livre la bible profane, puisqu’elle inspire le sergent major aussi bien que la blanche couventine et réunit dans un irrésistible paganisme la vierge qui vous pisse dans le gosier et Flaubert qui s’est foutu une culotte.
L’entrée y est libre et libertine, pourvu que vous adhériez à la philosophie du RAP, le trio Rabelais-Apollinaire-Pirotte. On doit l’itinéraire gouleyant au chais de Claudine Brécourt-Villars, dévote épicurienne qui a dû croiser Marie-Madeleine dans une autre vie. Au gré d’une centaine de mots glanés à la fortune du zinc, d’expressions délurées empruntées aux dépuceleurs de boutanches et autres créatures fatales pressées de s’humecter l’entonnoir, elle propose une sarabande diabolique dont on ne perd pas la moindre goutte, n’en déplaise aux disciples de l’eau ferrugineuse. Des pages de brouille-ménage à rendre raide comme la justice le premier puceau de l’année.
Apparaît parfois un nom impropre : Pinard, honte des prétoires, accablé d’un opprobre bubonique depuis qu’il avala de travers un roman de Gustave Flaubert.
En revanche pas de Pirotte Jean-Claude, époustouflant échanson des dives bouteilles et de l’inspiration féconde, qui aimait à dire, au long cours de ses relâches aux éditions de La Table Ronde « bois du vin, bois du vin ce soir et tous les soirs. Cependant ne bois jamais seul, jamais. Et ne bois qu’avec ceux que tu aimes ».
Voici un sauf-conduit pour agrémenter les dîners en ville, les troisièmes mi-temps, les discours de réception du Quai de Conti.
Madame Brécourt-Villars n’en est pas à son premier tire-larigot lexical. Sa bibliographie est édifiante, qui cingle toutes voiles dehors vers le joli monde et les gourmandises horizontales.
La coup de l’étrier sera pour Colette : « l’œil d’abord, le nez ensuite, la bouche enfin ». Ite missa est.
« Petit bréviaire du vin et de l’ivresse », Claudine Brécourt-Villars, La Table Ronde, 224 pages, 19 €
« Autres arpents », Jean-Claude Pirotte, La Table Ronde, 2020. Au besoin, implorez une réédition …