Dan Knight, éditorialiste canadien : « Les conservateurs sont passés directement à la source : le peuple, et ça marche! »

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Entretien exclusif ! Dan Knight, journaliste et éditorialiste canadien très piquant, décrypte pour Putsch l’influence insidieuse de l’« effet Trump » sur les électeurs ontariens, au-delà des programmes économiques et des débats de politique commerciale. Dans cet entretien exclusif, il met en lumière la peur culturelle importée des États-Unis — de la question de l’avortement aux alarmes sur la souveraineté — et explique comment elle a redéfini le scrutin. À travers l’analyse de la saturation médiatique et l’impact sur le vote des femmes, il propose enfin les pistes à suivre pour un mouvement conservateur en quête de renouveau.

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Dans votre analyse, l’ombre de Donald Trump semble avoir pesé davantage sur les électeurs ontariens que les positions de Pierre Poilievre. Pensez-vous que cet « effet Trump » révèle une crainte plus large, chez les Canadiens, d’une instabilité commerciale ou géopolitique venue des États-Unis ?
Est-ce que l’ombre de Donald Trump a plané sur l’élection canadienne ? Oui — mais pas à cause de la politique commerciale, ni à cause de la géopolitique. Non, ce que vous avez vu en Ontario n’était pas une question d’économie : c’était la peur, et plus précisément une peur culturelle importée directement des États-Unis.
Appelons un chat un chat : le zeitgeist américain oriente désormais les élections canadiennes.
On a vu cela se construire depuis vingt ans. De Netflix à TikTok, de CNN à Twitter, le Canada est saturé par les médias américains. Sur le plan culturel, nous ne sommes plus seulement voisins : nous sommes colocataires. Et quand l’un d’eux commence à crier au sujet d’« interdictions de l’avortement » et d’« extrémisme de droite », cela résonne fortement de l’autre côté de la frontière.
La rhétorique « America First » de Trump ? Bien sûr, elle a joué un rôle. Il préparait déjà la narrative de guerre commerciale des mois avant l’élection. Et devinez ce que les libéraux ont fait ? Ils ont retardé la reprise des travaux parlementaires, attendu que ça se tasse, puis lancé leur campagne au moment même où Trump relançait ses attaques. Parce qu’ils savaient. Ils attendaient le signal. Et le signal est arrivé.
Les médias, évidemment, ont embrayé. Pas seulement CBC – c’était attendu. Mais CNN, MSNBC, même Fox parfois, inondaient les ondes de couverture Trump. Et ce n’était pas sur le Canada – mais ça n’avait pas besoin de l’être.
Parce que les Canadiens – en particulier les électeurs plus âgés d’Ottawa et de la banlieue ontarienne – absorbaient ces informations et les appliquaient à Pierre Poilievre.
Ils ne votaient pas contre Pierre Poilievre : ils votaient contre une hallucination, le fantôme de Donald Trump projeté sur lui par une classe politique paniquée.
Et voici le clou du spectacle : cela ne se limitait pas à l’inquiétude commerciale ou économique. Cela aurait été au moins rationnel. Non, une grande partie de ce phénomène tenait à la panique culturelle, surtout autour de l’avortement.
J’ai parlé à plusieurs femmes – dont beaucoup se situent plutôt au centre-gauche, pas à l’extrême – et elles ont été formelles. Le renversement de Roe v. Wade aux États-Unis les a terrifiées. Cela avait-il un lien avec la législation canadienne ? Absolument pas. Pierre Poilievre avait-il déclaré qu’il laisserait les droits à l’avortement intacts ? À plusieurs reprises. Avait-il l’intention de légiférer l’avortement ? Non. Mais les faits n’avaient pas d’importance : c’était la perception qui comptait.
Les femmes que j’ai rencontrées m’ont dit : « Nous avons vu ce qui s’est passé aux États-Unis, et nous ne voulons pas prendre de risque. »
Alors elles ont voté pour les libéraux. Pas à cause de Mark Carney. Pas parce qu’elles aimaient la taxe carbone. Mais parce que la culture américaine leur a martelé que la droite est dangereuse, et les médias canadiens ont diffusé ce message sans filtre, sans contrôle et en l’amplifiant. Il ne s’agissait pas de Pierre Poilievre. Il s’agissait de mères de banlieue votant contre l’Alabama.
Donc oui, l’effet Trump a compté. Mais pas de la manière dont certains politologues vous le diront. Ce n’était pas une question de politique : c’était de la manipulation émotionnelle, rendue possible par un environnement médiatique ayant effacé la frontière entre le chaos américain et la politique canadienne.
Et ça ? Ça devrait terrifier quiconque croit encore que le Canada est un pays souverain.

 

« C’était de la manipulation émotionnelle, rendue possible par un environnement médiatique ayant effacé la frontière entre le chaos américain et la politique canadienne. Et ça ? Ça devrait terrifier quiconque croit encore que le Canada est un pays souverain »

 

S’agissant du vote féminin, vous soulignez l’importance des enjeux liés à l’avortement et l’influence de la culture numérique (Instagram, groupes en ligne). Quels leviers de dialogue verriez-vous pour qu’un parti conservateur puisse aborder ces préoccupations sans renier ses principes fondamentaux?
Écoutez, je vais être honnête : c’est un problème épineux. Je m’y bats depuis des années. Car il ne s’agit pas seulement de politique. Il s’agit d’identité, de peur et de pouvoir culturel. Et franchement, le Parti conservateur joue la défensive sur ce sujet depuis des décennies, toujours dans sa propre zone d’en-but.
La vérité, c’est que l’avortement n’est plus un débat politique au Canada : c’est un test décisif. Et chaque fois que les conservateurs essaient de nuancer – « Nous soutenons les femmes, nous soutenons la vie, nous voulons le dialogue » – la gauche claque la porte, crie « extrémistes » et file sur Instagram poster une photo en noir et blanc d’un cintre. Résultat : le parti esquive l’affaire. L’évite complètement. Et les libéraux ? Ça leur convient parfaitement. Ils soufflent sur la braise de l’avortement à chaque cycle électoral, car ils savent que ça fige de peur les mères de banlieue comme rien d’autre.

 

« Chaque fois que les conservateurs essaient de nuancer – « Nous soutenons les femmes, nous soutenons la vie, nous voulons le dialogue » – la gauche claque la porte, crie « extrémistes » et file sur Instagram poster une photo en noir et blanc d’un cintre. Résultat : le parti esquive l’affaire »

 

Mais voici la question que personne ne pose au Parlement – même pas les « progressistes » : accorde-t-on encore ici de la valeur à la famille ?
Parce qu’une fois la politique mise de côté – une fois débarrassé du signalement de vertu et des slogans – la crise profonde est là : le Canada n’est plus un pays qui croit en l’unité familiale. Nous ne soutenons pas les parents. Nous ne soutenons pas les enfants. Nous ne soutenons pas la construction des familles. Nous subventionnons l’échec et punissons la responsabilité. Et nous nous demandons pourquoi les gens ont peur, pourquoi ils sont en colère et désengagés.
Regardez les données. Je veux dire, regardez-les vraiment. Prix de l’immobilier : en explosion. À Vancouver, on paye désormais 2,1 millions pour une maison individuelle. Ce n’est pas un manoir de luxe : c’est une maison de classe moyenne avec un jardin de la taille d’un paillasson.
Salaires : stagnation. En termes réels, les salaires au Canada n’ont crû que de 10 % sur cinquante ans, tandis que l’immobilier a flambé de plus de 500 % sur la même période. Ce n’est pas une économie : c’est un casino truqué. Taux de fécondité : effondrement. Nous sommes à 1,4 enfant par femme, bien en-dessous du seuil de renouvellement. Pourquoi ? Parce que les jeunes ne peuvent pas se permettre d’avoir des enfants.
Statistique Canada : 38 % des 20–29 ans disent ne pas pouvoir se payer un enfant, et 32 % qu’ils ne peuvent pas se loger pour en élever un. Autrement dit : ils sont exclus de leur propre âge adulte. Garderie à Toronto ou Vancouver : 1 200 $ par mois.
Pas étonnant que 35 % des jeunes adultes vivent encore chez leurs parents, contre 27 % en 2001. Les familles ne rétrécissent pas seulement : elles disparaissent.
J’ai vu le tournant dès les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver. Là, tout a basculé. La ville est devenue un terrain de spéculation pour milliardaires étrangers.
Je pensais à un krach financier à l’américaine de 2008 ; mais non. Le Canada a été renfloué par Ottawa, avec Mark Carney à la Banque du Canada, des plans de sauvetage, des garanties de la SCHL et des règles hypothécaires qui punissaient les travailleurs tout en récompensant les investisseurs.
Le résultat ? Pas un krach immobilier : un effondrement familial.
En 2022, Vancouver comptait le moins d’enfants par habitant parmi les grandes villes canadiennes. Toronto ? Elle a perdu 20 000 enfants de moins de 15 ans en cinq ans.
Répétons : 20 000 enfants, disparus – pas par la mort, mais par la dette.
En 2005, le prix médian d’une maison était 6,4 fois le revenu moyen. En juillet 2024, 11 fois. Ce n’est plus hors de portée. Ce n’est pas un « réajustement du marché ». Ce n’est pas de l’économie : c’est un pays qui renonce à son avenir. Et personne au pouvoir n’ose le dire. Ni Mark Carney, ni les libéraux, ni les banquiers coupables de la crise. Parce qu’eux, leurs enfants ne vivent pas dans des studios réduits à Scarborough. Mais les vôtres, peut-être, oui.

« Ce n’est pas un « réajustement du marché ». Ce n’est pas de l’économie : le Canada est pays qui renonce à son avenir. Et personne au pouvoir n’ose le dire. Ni Mark Carney, ni les libéraux, ni les banquiers coupables de la crise. Parce qu’eux, leurs enfants ne vivent pas dans des studios réduits à Scarborough »

 

Quand l’immobilier s’est délié des salaires ? Voilà le vrai tournant. Je m’attendais à un krach financier. J’ai eu pire : l’effondrement de la famille. Les gens n’ont pas fait faillite : ils ont renoncé à avoir des enfants.
Et maintenant ? Nous basons notre modèle économique sur l’immigration de millions de personnes par an pour faire gonfler artificiellement le PIB, tout en occultant le problème de fond : nous ne reconstruisons pas notre avenir industriel, nous remplissons des appartements par des travailleurs temporaires en espérant que personne ne s’en aperçoive.
Même la Banque du Canada – ces bureaucrates en beige – a dû admettre : les prix immobiliers sont une question d’offre et de demande.
Sans blague : la demande explose quand vous importez deux millions de personnes en 36 mois sans construire de logements ni d’infrastructures.
Alors, que doivent faire les conservateurs ? Cesser de jouer selon les termes fixés par les libéraux. Cesser de laisser la gauche dicter ce qui est « acceptable » à aborder. Cesser de traiter la maternité comme un problème politique : elle est un acte de patriotisme.
Fonder une famille, élever des enfants : ce n’est pas seulement admirable ; c’est essentiel pour l’avenir d’un pays. Et aujourd’hui, notre système punit ceux qui essaient.
Vous voulez parler de choix ? Parlez du fait que des millions de Canadiens n’ont pas le choix d’élever leurs enfants comme ils le souhaitent, parce qu’ils sont étranglés par le coût du logement, épuisés par les impôts et broyés par une économie qui récompense la consommation et punit la stabilité.
Arrêtons de « réduire ses attentes ». Relevons-les : vous méritez d’être propriétaire, de fonder une famille avec espace, dignité et sécurité. Tout parti incapable de le dire sans s’excuser ne mérite pas votre vote. Ouvrons un nouveau débat : pas de slogans, pas de peur, pas de discours calibrés ; mais la liberté : la liberté d’acheter, la liberté de construire, la liberté de vivre comme vous l’entendez – pas comme Mark Carney, la Banque du Canada ou l’ONU l’imposent.
Sinon, nous nous réveillerons dans un pays où tout ce qui était normal est devenu « insoutenable », « sensible au climat » ou « iniquitable », c’est-à-dire : vous n’y avez plus droit. Logement. Enfants. Avenir. Voilà ce qui est en jeu.

 

Vous décrivez un écart entre raison économique (inflation, pouvoir d’achat) et réaction émotionnelle de certaines électrices face aux enjeux sociétaux. Comment le mouvement conservateur pourrait-il concilier arguments factuels et empathie sur ces sujets sensibles ?
Voici la chose : je pense qu’ils s’en sortent déjà plutôt bien.Ils ont compris, enfin, qu’il ne sert à rien de mendier l’aval du cartel médiatique – CBC, CTV, la presse traditionnelle qui prétend parler au nom du pays tout en perdant chaque heure un peu plus de confiance et de pertinence. Les conservateurs sont passés directement à la source : le peuple, et ça marche.
Les réseaux sociaux sont devenus le champ de bataille : le parti l’a intégré. Vous n’avez pas besoin de la bénédiction du Toronto Star quand vous diffusez votre message non filtré sur Facebook, YouTube, Substack ou Telegram. Vous dénoncez le marécage, et ça passe.
Et c’est crucial : le message touche parce que l’audience n’est pas celle que croient représenter les médias élitistes. On parle tout le temps de « conquérir les jeunes ». Mais laissez-moi vous dire : ce sont les baby-boomers qui sont à l’écoute. Ils vivent de revenus fixes, voient leur facture d’épicerie doubler, leur pension fondre et leur épargne s’éroder sous l’inflation.
Ils m’envoient des messages : « Dan, j’adore ce que vous faites, je soutiens Pierre, mais je ne peux pas donner ; j’essaie juste de m’en sortir. »
C’est déchirant. Ces gens ont respecté les règles, élevé des familles, payé leurs impôts, et maintenant ils ne peuvent même plus acheter une pomme.
Comment toucher ces électeurs – les aînés, les femmes en difficulté, les familles exaspérées – sans trahir les principes conservateurs ?
Il faut élargir l’écosystème : tout ne doit pas être une vidéo virale ou un TikTok. Déployez du contenu écrit – des colonnes Substack, des bulletins d’information, des articles de fond, du journalisme indépendant. Les gens lisent encore : les révolutions les plus marquantes ont commencé par un pamphlet.
Le vivier conservateur est solide :
– Raquel Dancho, incisive sur la justice et la criminalité.
– Melissa Lantsman, précise dans son discours, notamment sur la communauté juive et les crimes haineux.
– Leslyn Lewis, l’une des rares à parler vraiment du rôle de l’ONU dans la régulation nationale sur la santé, le genre ou l’environnement.
Les médias tentent de les qualifier de « fringe » : pourquoi ? Parce qu’elles sont efficaces, indépendantes, brillantes et refusent de jouer selon les termes libéraux.
Et c’est l’équilibre à trouver : ne pas fuir la guerre culturelle, mais la recadrer. Vous pouvez avancer des chiffres – inflation, PIB, folie de la taxe carbone – mais ancrez-les dans ce qui importe aux gens : l’épicerie, le loyer, les enfants, la communauté, l’avenir. Frappez d’abord avec des faits, puis enrobez d’empathie : pas de fausse empathie, pas de signalement de vertu, mais une vraie écoute sans condescendance.
Ignorez l’émotion, et vous perdez les femmes. Ignorez les données, et vous perdez les hommes. Les conservateurs ont enfin les outils pour toucher ces deux publics.

 

« Ils s’en sortent déjà plutôt bien. Ils ont compris, enfin, qu’il ne sert à rien de mendier l’aval du cartel médiatique – CBC, CTV, la presse traditionnelle qui prétend parler au nom du pays tout en perdant chaque heure un peu plus de confiance et de pertinence.Les conservateurs sont passés directement à la source : le peuple, et ça marche »

 

Vous avancez que la campagne a mis en lumière une fracture entre partisans de la souveraineté économique et défenseurs d’une mondialisation « façon Davos ». Selon vous, comment le Canada peut-il protéger ses industries clés (comme l’automobile) tout en restant ouvert aux marchés mondiaux ?
D’abord : arrêtons de faire semblant d’essayer. Quand je parle de mondialisation « façon Davos », je ne suis pas dans la métaphore : je parle de gens comme Mark Carney, véritables architectes d’un modèle technocratique post-national qui traite les frontières comme des entraves et la souveraineté comme une plaisanterie.
Mark Carney est le poster boy de cette idéologie : disciple du WEF, partisan d’une économie dirigée depuis un tableur en Suisse plutôt que depuis un atelier d’Oshawa. Celui qui impose une taxe carbone nationale tout en laissant affluer des importations sans aucune sanction climatique. Ce n’est pas de l’écologie : c’est une délocalisation de la responsabilité.
Entrer dans un Canadian Tire ou Mark’s Work Wearhouse et regarder les étiquettes : 90 % de produits chinois, le reste : Vietnam, Bangladesh ou Turquie. Aucun respecte les mêmes normes environnementales ou sociales. Mais c’est bon marché. Et c’est tout ce que Davos cherche.
Alors, comment trouver l’équilibre ? Arrêtons de mentir. Si vous appliquez une taxe carbone industrielle : OK, appliquez-la aussi aux importations. À toutes les importations. Égalisez les conditions. Encouragez la production nationale. Rapatriez les emplois. Défendez la souveraineté au lieu d’externaliser la culpabilité.
Pendant qu’on y est : parlons technologie – la vraie, pas les arnaques ESG et les subventions aux éoliennes. Une révolution en impression 3D est en cours, et nous n’y sommes pas. Associée à l’IA, en open source, libérée des brevets : laissons les universités innover.

 

« Mark Carney est le poster boy de cette idéologie : disciple du WEF, partisan d’une économie dirigée depuis un tableur en Suisse plutôt que depuis un atelier d’Oshawa. Celui qui impose une taxe carbone nationale tout en laissant affluer des importations sans aucune sanction climatique. Ce n’est pas de l’écologie : c’est une délocalisation de la responsabilité »

 

Mais ça ne pourra pas se faire sous ce régime bureaucratique, sur-réglementé et trop taxé. Le Canada est noyé sous la paperasse : zonage, impôts, permis fédéraux, audits climatiques, réglementations, signalétique bilingue, cinq niveaux de gouvernement… Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, les PME dépensent en moyenne 7 000 $ par employé et par an rien qu’en conformité réglementaire, et 22 % des entrepreneurs avouent qu’ils n’auraient pas lancé leur activité s’ils avaient su. Pendant ce temps, à Shenzhen : on construit une mégafactory en 90 jours et on nous présente la facture.
Peut-on concilier protection industrielle et ouverture ? Oui – mais seulement si on cesse la bêtise. Ouvrons-nous au commerce : à nos conditions. Innovons : arrêtons de nous saborder. Restons compétitifs : stoppons l’écriture du manuel par la Chine et cessons de prétendre que c’est du « progrès ».
Cette conversation doit avoir lieu ici, chez nous, pas à Bruxelles, pas à Davos.

 

Enfin, vous évoquez la possibilité d’une intensification des batailles parlementaires, maintenant que les libéraux gouvernent sans l’appui solide du NPD. Voyez-vous une réelle chance de dialogue transpartisan sur les grands enjeux économiques, ou la polarisation est-elle inévitable ?

Est-ce que je vois une réelle possibilité de dialogue entre partis sur les grandes questions économiques maintenant que les libéraux gouvernent sans le soutien du NPD ?
Non. Ce que je vois, c’est un combat — et un combat bruyant. Mark Carney s’est levé cette semaine et a tenté d’afficher sa fermeté en déclarant aux journalistes qu’il n’y aurait « aucun accord avec le NPD ». Ça semble solide, non ?
Sauf pour un détail : le Parlement n’est même pas en session. Mark Carney ne fait que brasser de l’air, prétendant avoir un mandat — alors qu’en réalité, il lui manque cinq sièges pour assurer ne serait-ce que la survie législative de base. Il n’a pas de majorité. Il n’a pas de coalition. Il n’a plus Singh pour le couvrir. Tout ce qu’il a, ce sont 168 sièges, 7 voix manquantes, et beaucoup de micros. Alors, quand il dit qu’il n’y aura pas d’accord avec le NPD, ce n’est pas de la conviction. C’est de la posture. C’est de la communication préventive — une tentative désespérée de paraître en contrôle avant que le véritable exercice du pouvoir commence et que les chiffres prennent le dessus. Parce que voici la vérité : dès que le Parlement se réunira à nouveau, chaque projet de loi deviendra un champ de bataille. Chaque comité deviendra un bain de sang.
Et Mark Carney ne pourra pas se contenter de son charisme — il devra compter les votes.

Maintenant, est-ce que le NPD pourrait revenir en rampant pour négocier un accord discret ?
Bien sûr. Mais avec seulement 7 sièges et aucune crédibilité morale après l’ère Jagmeet Singh, ils arrivent à la prochaine session amoindris, affaiblis et politiquement insignifiants à moins que Carney ne leur offre quelque chose. Et selon lui ? Ce n’est pas prévu. Alors, que reste-t-il ?
Carney a deux options. Première option : il joue au bras de fer avec le NPD et convoque un vote de confiance à chaque fois qu’ils traînent les pieds. Cela a fonctionné auparavant — à peine. Mais c’était sous Jagmeet Singh, qui était un toutou dans tous les sens du terme.
Et que s’est-il passé avec les toutous cette fois ? Ils ont été massacrés.
De vingt-cinq sièges à sept. Ce n’est pas un tir de semonce. C’est une exécution.

Alors, est-ce que je pense que le NPD sera aussi docile cette fois ? Absolument pas. Ils entreront dans cette session en boitant, mais ils ont appris le prix de la compromission. Ils joueront plus dur. Ils exigeront plus. Ils le doivent — ou ils cesseront d’exister.

Et voilà le problème pour Mark Carney : plus il parle, plus son vernis s’écaille.
C’est le même homme qui est allé en Colombie-Britannique et a déclaré qu’il utiliserait des pouvoirs d’urgence pour promouvoir les pipelines — puis il a raconté une toute autre histoire à Montréal. Ce n’est pas un homme de convictions. C’est un homme avec des éléments de langage adaptés à chaque salle. Et les médias achetés ? Ils le laissent faire. Bien sûr qu’ils le font. On ne mord pas la main qui vous nourrit, n’est-ce pas? La presse corporative ne le questionne pas — parce qu’elle travaille pour la même classe que lui.

Donc encore une fois : Carney a deux options. Option un : il neutralise le NPD. Ne pas leur accorder le statut de parti. Ne pas les inclure dans les comités. Les maintenir dans l’insignifiance. Cela a fonctionné lors de cette élection — les libéraux ont absorbé une grande partie du vote progressiste. Mais ne faisons pas semblant que c’était parce que Carney est un leader exceptionnel.
Ce regain est simplement venu du rebond mécanique après la démission de Trudeau et Carney qui faisait de son mieux pour jouer « l’adulte dans la pièce ». Cela ne durera pas. L’illusion se fissure à chaque fois qu’il ouvre la bouche.

Option deux : il jette un os au NPD. Il leur accorde le statut de parti. Il les laisse agir à nouveau comme un partenaire junior.
En échange, ils prétendent qu’il existe une « relation de travail » — et en pratique, ils servent de bouclier utile pour les libéraux lors des comités et des votes en séance plénière. C’est une alliance factice, mais fonctionnelle — pour l’instant.

Dans tous les cas, il ne s’agira pas d’un grand moment bipartisan. Il ne sera pas question de coopération. Il sera question de survie. Et si le NPD veut survivre — et c’est encore un grand « si » — il doit abandonner la stratégie de Singh et redevenir ce qu’il était censé être : un parti pour les travailleurs, pas pour les activistes et les ONG.

Niki Ashton a montré quelques éclairs de cette vision. Elle a attaqué les liens de Carney avec Brookfield. Elle a défié la machine libérale. Mais le parti aura-t-il le courage de suivre sa voie ? Probablement pas. Comme le reste de la gauche, ils ont été capturés par la même classe de donateurs qu’ils combattaient autrefois.

Pendant ce temps, Carney pense pouvoir gouverner « dossier par dossier ». Pas de coalition, pas d’accord, juste des bonnes vibrations.
C’est de la fantaisie. Sans le soutien du NPD, les comités deviennent des bains de sang.
Chaque session — éthique, finances, procédure — devient une guerre sur deux fronts entre conservateurs et libéraux, avec le Bloc québécois tirant les ficelles. Et contrairement à Singh, le Bloc ne couvrira pas les scandales de Mark Carney. Ils le feront payer — et tout le monde le sait. Donc non, il n’y aura pas de moment kumbaya. Il n’y aura pas ce « dialogue interpartis mythique » que Radio-Canada aime tant imaginer. Ce qui s’annonce, c’est une guerre de tranchées — et les libéraux viennent d’épuiser leur stock de sacs de sable. Attendons de voir à quel point Carney parlera fort lorsque le Parlement sera réellement en session et que les couteaux sortiront.  Il ne survivra pas à la première session de questions.

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