Ostende aime que ses enfants terribles soient prophètes en leur pays. L’étincelant Arnold Charles Ernest Hintjens, alias Arno chanteur, y a pignon sur rue. L’âme du peintre James Sidney Edouard Ensor imprègne le moindre grain de sable de la Reine des Plages flamandes.

Voici 75 ans disparaissait l’instigateur du Bal du Rat Mort. L’occasion pour la station balnéaire d’orchestrer quantité d’hommages, dont une exposition au dynamique Mu.ZEE local ouvre de belle manière le ban. Le thème – la nature morte – peut surprendre, pourtant il constitue un quart de l’œuvre d’Ensor. Confronter son travail à un siècle (1830-1930) de production du genre en Belgique ouvre des horizons inattendus. Longtemps assignée au rang de passe-temps des dames et des demoiselles, décorative, ronronnante et dépourvue d’engagement artistique, la nature morte sera tisonnée par des artistes de talent – Spilliaert, Wouters, Van de Woestyne… – au prix d’images picturales fortes. L’exposition illustre son évolution générale, en même temps que, à travers une cinquantaine de tableaux, l’apport majeur d’Ensor à un genre frappé de « dédain absolu » par ses contemporains, alors qu’il y voyait « le triomphe de la couleur et de la vie ». Des premières œuvres bourgeoises aux natures mortes tourmentées des années 1890, en passant par les œuvres éthérées et oniriques de la dernière période, Ensor est l’arc-boutant d’un évènement qui montre également des œuvres de Brusselmans (la radicale Nature morte aux tranches de saucisson), Donas, Van den Berghe, tous talents qui font exploser l’espace figé de l’image. On appréciera encore ce facétieux Magritte, venu du MoMA de New York.
Ostende, une ville où l’intelligence ne dort jamais. Pour preuve, elle a eu le bon goût de ne pas saccager les témoignages de l’histoire coloniale du pays.

Rose, Rose, Rose à mes yeux – James Ensor et la nature morte en Belgique de 1830 à 1930
Visible jusqu’au 14 avril 2024. Catalogue
En pratique : Mu.ZEE, Romestraat 11, 8400 Ostende – info@muZee.be – 32(0)59 56 45 89
On mesurera la portée de l’effervescence ensorienne via www.ensor2024.be

Illustration : James Ensor, Autoportrait au chapeau fleuri, 1883. Collection Mu.ZE