Sami Biasoni: « Aux États-Unis comme en France, aucun progrès social réel n’a été permis par la censure d’Ovide, la réécriture de Roald Dahl ou la mise au ban d’Hergé »
Sami Biasoni, docteur en philosophie de l’École normale supérieure, a dirigé un ouvrage collectif sur » le malaise de la langue française ». Revendications, crispations, émergence de l’écriture inclusive qui sont autant de coups portés à notre langue qui est aujourd’hui menacée par « l’hybris inquiétant de la déconstruction ». Un entretien passionnant.
Quel est ce malaise dans la langue française ? De quoi est-il le symptôme ?
Le « malaise » dont nous rendons compte, avec les contributeurs de « Malaise dans la langue française », est fait des crispations, des contradictions et des revendications de plus en plus nombreuses à l’égard d’une langue qui a été, jusque-là, plutôt épargnée par la rudesse des exigences identitaires. Ces dernières répondent en premier lieu à une conviction essentiellement militante selon laquelle la langue n’est ni un matériau neutre, ni un bien commun à sauvegarder. Ce qui est à l’œuvre, c’est la fétichisation de la représentation, le primat du support sur le substrat.
« Ces revendications répondent en premier lieu à une conviction essentiellement militante selon laquelle la langue n’est ni un matériau neutre, ni un bien commun à sauvegarder »
Quel est ce lien entre expression démocratique et la langue ?
La langue est le socle du dialogue et du débat. En tant que citoyens, nous exerçons notre pouvoir démocratique par et dans la langue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, de François 1er aux hussards noirs de l’école de la République, ses réformateurs et ses promoteurs ont toujours été animés d’un idéal ou d’un projet politique. Pour François 1er, il s’agissait de disposer d’une langue vernaculaire apte à permettre au peuple français de résister à l’italianisation des mœurs. Comme le rappelle le linguiste François-Xavier Salvador, l’ordonnance de Villers-Cotterêts vise en outre l’égalité du citoyen …
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