Maitre Prigent, tout d’abord quel regard juridique portez-vous sur ce Pass sanitaire ? Est-il selon vous profondément liberticide ? Vous avez notamment parlé d’ »Ausweiss vaccinal ».
Connaissez-vous l’expression « sans précédent » ? C’est une expression juridique passée dans le langage courant, qui décrit une nouveauté très étrange car elle n’a aucun précédent, jamais une loi ou une décision de justice ne l’avait imposée. C’est exactement le cas ici, cette mesure est sans précédent, d’ailleurs l’ausweiss vaccinal est rarissime sur la planète en ce moment. On ne trouve pas dix pays dans le monde qui imposent des restrictions comparables à celles imposées en France. Interdire à des gens d’aller au restaurant ou au bar, même en terrasse la nuit, dans toutes les salles de spectacles ou encore dans les transports longues distances ou encore justifier leur licenciement porte évidemment atteinte à leur liberté. On peut considérer que ces atteintes sont justifiées mais nier leur existence est absurde.
« Cette mesure est sans précédent, d’ailleurs l’ausweiss vaccinal est rarissime sur la planète en ce moment. On ne trouve pas dix pays dans le monde qui imposent des restrictions comparables à celles imposées en France »
Dirait-on à un patient que lui couper une jambe ou lui retirer un organe ne porte pas atteinte à son intégrité physique ? Evidemment non. L’atteinte peut être souhaitable en raison de l’état de santé du patient mais aucun médecin ne vous dira qu’une amputation ne porte pas atteinte à l’organisme.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a certes validé la loi dans une large mesure mais il a écrit que la loi portait une atteinte importante à de nombreuses libertés. Selon le Conseil, ces atteintes sont justifiables en raison de la pandémie mais incontestables.
Quel regard avez-vous porté sur la décision du Conseil Constitutionnel qui a censuré très à la marge la loi sur le Pass sanitaire ? Notamment sur la proportionnalité des peines en cas de manquements répétés à la loi.
Le Conseil constitutionnel a été instrumentalisé. Les recours étaient de pseudo-recours, tout le monde le sait. Les parlementaires et plus encore le premier Ministre qui ont saisi le Conseil ne voulaient pas le faire censurer ! Qui peut croire sérieusement que Jean Castex et des parlementaires ayant largement accepté la loi voulaient la faire juger inconstitutionnelle ?
Cette saisine est une fraude au sens juridique, une façon de respecter apparemment la lettre de la règle pour parvenir à un effet contraire. Jean Castex et les parlementaires favorables à l’ausweiss vaccinal ont saisi le Conseil afin de faire valider leur texte en présentant surtout des arguments voués à l’échec, en l’absence des adversaires à cette discrimination, afin de clamer ensuite que le Conseil avait validé la loi.
« Cette saisine est une fraude au sens juridique, une façon de respecter apparemment la lettre de la règle pour parvenir à un effet contraire »
Dans ce contexte de fraude, il ne faut pas s’étonner que la décision du Conseil soit bancale. Dans un procès où une seule partie a la parole, il ne faut pas s’étonner que la décision lui soit favorable.
Le problème est que la plupart des vraies questions n’ont pas été posées, de sorte que le Conseil devra à nouveau statuer au sujet des QPC, en particulier au sujet de la proportionnalité des peines pour les particuliers non vaccinés qui auraient le malheur de prendre un verre en terrasse, même la nuit, même dans un village de 400 habitants.
Vous avez eu un échange rugueux sur BFM avec une chroniqueuse au sujet de la fraude de QR Code dans lequel vous avez mentionné le rôle de la CDEH par rapport à la législation française . Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?
L’échange était rugueux de son fait ! Cette chroniqueuse n’avait rien étudié et elle assénait pourtant ses convictions sans réfléchir aux bases du droit. A mes yeux, on doit aux spectateurs de travailler un sujet avant de prendre la parole en public. C’est le minimum du respect à avoir envers son auditoire.
La règle est simple depuis plus de trente ans : les traités internationaux, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme, priment sur les lois françaises même postérieures. On peut approuver ou désapprouver cette primauté mais on ne peut pas nier que c’est le droit actuel. Les lois doivent également être conformes à l’interprétation de la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Cela aboutit à deux conséquences : toute loi doit respecter la Constitution mais aussi la CEDH.
« Cette chroniqueuse n’avait rien étudié et elle assénait pourtant ses convictions sans réfléchir aux bases du droit. A mes yeux, on doit aux spectateurs de travailler un sujet avant de prendre la parole en public »
Respecter l’une ne dispense pas de respecter l’autre. Pensez aux enfants qui demandent à leurs parents s’ils ont droit de faire quelque chose. Quand Papa répond « oui, si ta mère est d’accord », l’enfant doit avoir l’accord de sa mère en plus de celui du père pour faire ce qu’il demande. Ici, l’accord du Conseil constitutionnel n’implique pas la conformité du texte à la Convention EDH.
BFM m’a fait quitter le plateau un quart d’heure plus tôt que prévu, de sorte que je n’ai pas pu compléter l’exposé or il y a un autre problème.
« BFM m’a fait quitter le plateau un quart d’heure plus tôt que prévu, de sorte que je n’ai pas pu compléter l’exposé or il y a un autre problème »
Le Conseil constitutionnel n’a pas validé le passe sanitaire dans la situation actuelle, il a validé le principe du passe, en précisant expressément que sa mise en œuvre par décret serait soumise au contrôle du juge, c’est-à-dire du Conseil d’Etat. Ce n’est pas une validation totale, loin de là. L’autorisation de détenir une arme n’est pas un permis de tuer ! Il faudra voir si le Conseil d’Etat valide cette discrimination sanitaire.
C’est pourquoi j’ai déposé un recours au nom de nombreux requérants, comme le Cercle Droit et Liberté.
Vous êtes apparu à plusieurs reprises ces derniers temps sur des chaînes d’infos. Quel est votre analyse du traitement médiatique actuel sur la crise sanitaire alors que les Français très majoritairement sont de plus en plus méfiants envers les médias ?
Je suis effaré par de nombreuses erreurs simples.
Tout le monde peut se tromper dans un domaine complexe mais des erreurs de base comme calculer un pourcentage ou l’applicabilité en France des traités internationaux ne me paraissent pas sérieuses. Je subis sans doute une déformation professionnelle mais les magistrats acceptent beaucoup moins l’amateurisme que les téléspectateurs et ils ont raison. Beaucoup de journalistes font très bien leur travail mais d’autres prennent la parole sans aucune vérification même des évidences.
Le plus grave est que ces erreurs semblent résulter d’un défaut de raisonnement plutôt que d’un accident spécifique au covid. L’un de mes amis excellents informaticiens dit souvent « ce n’est pas une erreur, c’est une caractéristique du logiciel » à propos d’échecs de certains logiciels. Nous avons le même problème ici car les media qui parlent aujourd’hui des dangers du covid sont les mêmes qui début 2020 traitaient de complotistes et d’abrutis ceux qui comme moi tiraient la sonnette d’alarme. Souvenez-vous de début mars 2020, où tant de media appelaient à « rassurer la population » au sujet du covid, comme ils parlent aujourd’hui de rassurer la population au sujet des quasi-vaccins et des libertés publiques.
Quand j’ai plaidé au Conseil d’Etat l’interdiction des manifestations pour le villeur Adama Traoré en juin 2020 parce que le virus n’avait pas disparu, le gouvernement m’a traité de menteur et aucun media ne m’a cru.
Quand j’ai plaidé au Conseil d’Etat la protection des vulnérables dès août 2020 parce qu’une deuxième vague était imminente, idem.
Même scénario lorsque j’ai plaidé le droit au télétravail des vulnérables en décembre en raison du risque pour eux et du risque de troisième vague.
Les media et le gouvernement ne sont pas catastrophistes au sujet du covid, ils sont atteints d’un défaut de raisonnement collectif, qui se manifestera dans d’autres domaines.
Craignez-vous également pour la liberté d’expression dans ce pays qui semble se réduire comme peau de chagrin au fil des mois ?
Oh que oui ! Le plus dangereux est d’ailleurs la réduction insidieuse de la liberté plutôt que les interdictions assumées. Mon passage sur CNews était très intéressant : j’étais seul face à trois interlocuteurs pro-discrimination sanitaire et il ne fallait surtout pas que je parle trop, sans compter la journaliste, qui me reprochait de ne pas aider à rassurer les gens au sujet des quasi-vaccins. Cette journaliste était très sympathique, d’une conversation très agréable hors antenne, mais il lui semblait normal que le débat soit à trois contre à un plutôt qu’à armes égales. Stricto sensu, ce n’est pas une interdiction de parole, mais que penserait-on de l’impartialité d’un juge qui donnerait trois fois plus de temps de parole à une partie qu’à son adversaire ?
« Mon passage sur CNews était très intéressant : j’étais seul face à trois interlocuteurs pro-discrimination sanitaire et il ne fallait surtout pas que je parle trop, sans compter la journaliste, qui me reprochait de ne pas aider à rassurer les gens au sujet des quasi-vaccins »
Vos dernières apparitions TV très tranchantes et dynamiques vous confèrent une notoriété montante sur les réseaux sociaux. Faut-il en passer par là pour tenter de se faire entendre et porter la voix de millions de Français ?
Avec le recul je me suis aperçu que mes apparitions étaient plus dynamiques que la moyenne mais ce n’était pas l’objectif. J’ai rappelé que la CEDH s’appliquait en France, qu’une réduction de 95% d’une mortalité de 0,6% aboutissait à une mortalité de 0,03%, que les seniors, les obèses et les malades chroniques sont bien plus fragiles que les autres encore que le taux de reproduction était une donnée essentielle car le nombre de contaminations futures en dépend. Tous ces rappels sont des évidences. De nombreuses personnes m’ont écrit via les réseaux sociaux pour me remercier d’avoir simplement osé appeler un chat un chat. Je conçois que ma sincérité ait pu surprendre mais quand une personne expose que sept jeunes non vaccinés fêtant un anniversaire le soir seront tous hospitalisés le lendemain, comment ne pas éclater de rire ?