
Pierre Michon : » La littérature a aidé l’homme à devenir plus humain »
Par Maia Beyler – bscnews.fr / Débarqué sur la scène littéraire en 1984 avec une fracassante autobiographie, Vies minuscules, Pierre Michon a depuis publié des récits très variés, qui abordent aussi bien la peinture, Maîtres et serviteurs, la littérature, Corps du roi, que l’Histoire, Les Onze, textes qui tous se penchent sur le rapport de l’homme aux Lettres, à l’Art et à la Gloire. Rencontre avec un auteur majuscule attentif aux minuscule.
Vos textes mettent en scène des personnages très divers, que ce soit par l’âge, l’extraction sociale, ou la période historique, comme le gardien de cochons du quinzième siècle du Roi du bois, ou le fondateur de la spéléologie du dix-neuvième siècle des Mythologies d’hiver. Quel est selon vous le dénominateur commun entre eux?
Cela découle certainement de ma possibilité à l’identification à quelque chose de leur parcours, parce que je suis incapable de décliner vraiment le « il », d’être vraiment à la troisième personne, même si je fais parfois semblant. Ce sont des miroirs, chacun d’eux correspond à une facette de moi-même. Dans Le Roi du bois, c’est le rural débarqué à Rome, pour qui ça ne marche pas bien, et dans mon texte sur Goya (Maîtres et Serviteurs), c’est aussi un rural débarqué à Rome, mais pour qui ça finit bien (Note : Pierre Michon est originaire de la Creuse, et petit-fils de paysans.) Par-delà cet aspect partiellement autobiographique, la plupart de mes personnages ont un destin qui passe soit par la langue, soit par ce qu’on appelait l’art ou la beauté. J’achoppe sur ce point. Par exemple, tous les personnages des Vies Minuscules ont pour point d’achoppement une langue qui les dépasse.
Si tous vos personnages sont éparpillés à travers les âges, les milieux sociaux, et surtout les époques, ils ont en commun une espèce de texture psychologique. Est-ce que vous croyez qu’au quinzième siècle, on rêvait, on aimait et on haïssait comme au vingtième siècle?
L’amour, la jalousie, la foi, ça ne change pas. Il y a certains très bons sociologues, comme Norbert Elias, qui disent que l’homme était différent. Je pense quand même qu’il y a un fonds commun, sinon, on ne lirait plus Tristan et Yseult, ni l’Iliade. Qu’est-ce qu’il y a dans l’Iliade qui nous est si étranger que ça, à part, peut-être, leurs biceps énormes, et leurs chars ? Quand les ethnologues allaient …