Maitre Mickaël Morena : « A Montréal, le problème n° 1 est l’accessibilité, soit aux armes, soit aux composants nécessaires à la fabrication des armes »

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C’est un sujet de plus en plus préoccupant à Montréal (Québec) qui inquiètent les autorités, les services de police et de nombreuses associations. La détention et l’utilisation d’armes à feu par de jeunes gens sont de plus en plus fréquentes et donnent lieu à des fusillades dans les quartiers Est de la Ville. Michael Morena, avocat criminaliste à Montréal, connaît bien ce sujet car il fait partie de sa compétence juridique. Il a accepté de répondre aux questions de Putsch pour nous livrer son analyse sur ce phénomène criminogène endémique dans une ville de près de 1,9 millions d’habitants qui semblait relativement épargnée par le crime et la délinquance.

propos recueillis par

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Un article du Journal de Montréal cette semaine pointait le fait que de plus en plus de jeunes gens sont armés à Montréal. A quoi est dû ce phénomène ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène mais le problème numéro 1 est sans doute l’accessibilité, soit aux armes, soit aux composantes nécessaires à la fabrication des armes.
Bien sûr, la législation régit déjà la possession et l’usage d’armes à feu. Toutefois, l’État pourrait faire beaucoup plus, notamment en interdisant carrément la possession des armes de poing.

 

« Le problème numéro 1 est sans doute l’accessibilité, soit aux armes, soit aux composantes nécessaires à la fabrication des armes »

 

On apprend effectivement que l’achat d’armes est de plus en plus facile. Cela signifie que la criminalité de trafic d’armes a augmenté à Montréal ?

Les lois régissant les armes à feu n’ont pas été modifiées pour en faciliter l’achat. Toutefois, plusieurs acteurs dans les domaines entourant les armes à feu semblent constater une accessibilité plus facile aux armes.

Cette situation concerne-t-elle certains quartiers de la ville ou est-elle diffuse dans Montréal ?
Pour le moment, nous voyons plus souvent ces problèmes dans l’Est de la ville. Toutefois, il faut se rappeler qu’une ville est un écosystème. Cette situation pourrait très rapidement se répandre.
Le gouvernement doit faire plus pour combattre la précarité cyclique dans laquelle vivent les résidents des quartiers les plus démunis de la ville. Ce n’est qu’en réglant les problématiques systémiques auxquelles font face ces citoyens que notre société arrivera à endiguer ce phénomène.

 

« Ce n’est qu’en réglant les problématiques systémiques à laquelle font face ces citoyens que notre société arrivera à endiguer ce phénomène »

Plusieurs témoignages de responsables d’associations sont édifiants notamment avec l’augmentation de blessures par balle. Selon vous comment endiguer ce phénomène ?

Les divers niveaux de gouvernement ont tous leurs rôles à jouer. Le gouvernement fédéral pourrait interdire la possession d’armes de poing, entre autres. Ceci ne règlera bien sûr pas entièrement le problème. Néanmoins, en réduisant la quantité d’armes en circulation, la chance que ces armes soient utilisées pour commettre des infractions pourrait diminuer.
Les autorités provinciales et municipales ont la responsabilité de pallier les problèmes sociétaux qui sont à la base de ces infractions. Ce n’est qu’en s’attaquant aux iniquités structurelles de notre société que nous pouvons réellement endiguer ce phénomène.

 

« En réduisant la quantité d’armes en circulation, la chance que ces armes soient utilisées pour commettre des infractions pourrait diminuer »

 

Ce problème serait donc en mettre en corrélation avec une paupérisation de certains quartiers montréalais ? Ou à une américanisation de la société montréalaise ?

À mon avis, ce phénomène, comme plusieurs autres problèmes liés à la criminalité, n’est qu’un symptôme des iniquités socio-économiques qui gangrènent notre société.

En tant qu’avocat criminaliste, constatez-vous une augmentation de procédures concernant les délits par armes à feu ?
Je constate qu’il y a de plus en plus d’accusés qui n’ont pas ou peu d’antécédents judiciaires qui se retrouvent avec des dossiers de cette nature.

 

« Il y a de plus en plus d’accusés qui n’ont pas ou peu d’antécédents judiciaires qui se retrouvent avec des dossiers de cette nature »

 

Quelle est la législation au Québec sur la détention d’armes à feu ?
Le gouvernement fédéral a juridiction sur plusieurs éléments relatifs aux armes à feu et exerce cette juridiction entre autres par le biais du Code criminel et de la Loi sur les armes à feu. Toutefois, d’autres lois et règlements fédéraux et provinciaux régissent également la détention des armes à feu.

Pour finir, certains demandent a mise en place à Montréal d’une plateforme pour recenser des statistiques et se donner une vision précise de cette situation inquiétante. Est-ce aussi votre avis ?
Dans toutes les situations, les données sont un outil crucial pour analyser une problématique et y apporter des correctifs. Je crois que toute ville d’envergure bénéficierait d’avoir des statistiques précises sur la nature des infractions répertoriées sur son territoire. Ceci permettrait d’endiguer des situations problématiques.
Cela va autant pour les types d’infractions que les données sur les arrestations. Ce n’est qu’en répertoriant exhaustivement les interventions policières que nous serions en mesure de mesurer l’impact des phénomènes comme le racisme systémique ou la discrimination contre les personnes en situation d’itinérance.
La Ville recense déjà certaines de ces données, mais l’appréhender de manière plus détaillée permettrait de corriger des situations problématiques en amont plutôt qu’être en mode réaction.

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