Les Éphémérides de Stéphanie Hochet : une apocalypse littéraire
Par Giovanni Merloni – bscnews.fr/ Je me souviens que le sujet le plus fréquent dans les dissertations aux écoles moyennes etjusqu’au lycée c’était « votre saison préférée ». La plupart de mes camarades choisissaient l’été, la période du maximum de liberté et d’insouciance et surtout des vacances. Moi, je choisissais l’automne, même si je haïssais le jour de la rentrée à l’école, qui tombait le premier jourd’octobre. Car j’étais mélancolique, j’aimais les feuilles mortes. « Vous avez raté le devoir, disait le maître, c’est le printemps la saison que vousauriez dû choisir. La saison de l’épanouissement de la fleur, donc de la vie, la saison du commencement, de l’espoir et de l’idée de liberté ». D’ailleurs,cette « idée de liberté » n’avait rien à voir avec la fausse liberté qu’on laisse aux troupeaux de paître dans un champ d’herbe brûlée.
Ainsi, le jour du printemps est « culturellement » reconnu comme le jour plus beau, celui qui donne du sens à cette vie sinon insensée. Certes, le moins adapté pour mourir.
Je me souviens pourtant d’un vers latin : « Dulce et decorum est pro patria mori/mors et fugacem persequitur virum/nec parcitinbellis iuventae/poplitibus timidove tergo » (Horace, les Odes, III.2.132), qu’en français résonne ainsi dans ma tête : « Il est doux et honorable de mourir pour sapatrie :/La mort poursuit l’homme qui s’enfuit,/ni n’épargne les jarrets ou le dos lâche/Des jeunes gens peu aguerris » (texte souvent évoqué par les partisans de la Première Guerre mondiale, à ses débuts).
Tout de même, dans une scène incontournable du film Little Big Man d’Arthur Penn (avec Dustin Hoffmann, 1970), je ne peux pas oublier l’expression tout à fait tranquille du vieux chef des Indiens peau rouge quis’étend sur un rocher en se disposant avec confiance à la mort avant de dire : « Aujourd’hui c’est un beau jour pour mourir ! » Cette idée à la fois fataliste et héroïque de la mort fait partie désormais d’un bagage intérieur dont j’aurais de la peine à me débarrasser. Car j’ai toujours le sentiment,en général, que la mort ne fait qu’un avec la vie et que jusqu’à la fin de la vie, comme si bien disait le marquis de La Palice, on est encore vivants :« il mourut le vendredi/le dernier jour de son âge/s’il fût mort le samedi/il eût vécu davantage » (chanson populaire, XVIIIe siècle).
Et alors, puisqu’on doit vivre jusqu’au dernier moment, dans l’attente incertaine de lamort ou d’un peu de vie encore, pourquoi ne pas fixer cet horizon de la mort juste dans le moment de l’année qui symbolise au plus haut degré le triomphe dela vie ?
C’est peut-être à partir de cette évidence que Stéphanie Hochet — en alternative à la date sombre et …