En 2007, son Cabaret des Hommes Perdus reçoit le Molière du Meilleur Spectacle Musical. Collaborateur artistique de Philippe Torreton sur Don Juan de Molière en 2007, il a choisi cette année de monter Hamlet de Shakespeare en donnant au personnage éponyme le visage de ce grand acteur français. Une pièce monumentale qui soulève de nombreuses questions pour lesquelles Jean-Luc Revol a choisi d’éviter la tentative d’une explication mais a préféré privilégier sa réflexion sur l’intelligence et la puissance des sentiments qui sous-tendent la pièce. Avec l’amorce de quelques questions, on est venu pêcher une carpe de vérité sur ce travail théâtral de haut vol où il s’agit de représenter les spectres, le désespoir amoureux qui rend fou, l’asphyxie quotidienne d’êtres en proie à la peur politique et l’angoissante atmosphère du château danois d’Elseneur…
Le choix de la traduction est, je suppose, primordial quand on monte une pièce de cette envergure. Sur quel traducteur s’est porté votre choix et sur quels critères?
Nous avons choisi la traduction de Jean-Michel Deprats qui nous semblait la plus proche de l’univers shakespearien.
Comment avez-vous imaginé de représenter le fantastique sur scène? Comment, notamment, avez-vous monté la scène d’exposition où apparaît le spectre du père empoisonné ?
Il y a eu deux versions : celle de Grignan en plein air où la difficulté était que nous commencions en plein jour, ce qui nous a poussé à plus suggéré le spectre par un travail sonore que vers une vision charnelle. Ensuite il apparaît en personne. Pour moi c’est un personnage maudit, à mi-chemin entre le masque de fer et un personnage de Clive Barker.
Quelle scénographie, le château d’Elseneur, effrayant dans les descriptions de Shakespeare tant il évoque un lieu où règne la mort et la noirceur, vous a t-il inspiré?
A Grignan, nous utilisions bien évidemment au maximum le château, avec tout le mystère et le côté imposant de sa façade. En salle, j’ai opté pour une solution plus radicale. Le plateau est nu avec juste une porte monumentale en fond (copié sur celle de Grignan). Le sol est constitué par un assemblage de dallage disparates, comme si les murs n’existaient plus et qu’il ne restait plus que les espaces. On arrive donc a un château fantasmé.
Les changements de lieux en intérieur et en extérieur, comment les avez-vous représentés?
Là nous sommes dans le domaine de la mise en scène. Chez Shakespeare cela n’a pas d’importance. Voyez le théâtre du Globe. Une branche d’arbre peut signifier la forêt de Macbeth. Ici, le sol délimite les espace et les éléments naturels interviennent via une superbe création sonore. Le spectateur doit faire une part du chemin et faire aussi travailler son imagination.
La vengeance, la chose politique, la folie sont trois thèmes intestinaux de cette pièce. Pour lequel en particulier avez-vous eu envie de monter Hamlet?
Les trois, cela me semble indissociable.
Était-ce votre première expérience shakespearienne en tant que metteur en scène ?
Non, j’ai déjà mis en scène “la comédie des erreurs” et “la tempête” au Théâtre National de Marseille La criée en 1997.
Vous dîtes qu’il y a trop de problèmes insolubles dans Hamlet pour qu’on les soulève : vous vous êtes donc consacré aux émotions qui sous-tendent les personnages?
On est évidemment, dans toute mise en scène, confrontés à des choix. Ici la pièce est tellement riche que j’ai surtout essayé de la rendre la plus claire possible, au travers d’une mise en scène de facture assez classique et en adresse permanente au public pour qu’il soit en fusion avec les émotions des comédiens.
Le génie de Shakespeare est dans ce mélange de désespoir et de vie mêlés?
Je crois qu’il faut arrêter de taxer Shakespeare de désespéré. C’est trop simple. Les pièces de Shakespeare sont un constant mélange de drame et de comédie. Hamlet n’échappe pas à cette règle. En France, on a toujours réduit ce texte à un drame romantique. C’est une lourde erreur. Shakespeare est beaucoup plus malin que cela. D’ailleurs, les anglais le savent très bien et leurs mises en scène en sont toujours un savant équilibre.
Hamlet est-il fou? Telle est la question, non? Qui est Hamlet pour Jean luc Revol?
C’est un peu réducteur, non?…. Pour moi, Hamlet simule cette folie de la vengeance. Malheureusement, il se fait rattraper par sa propre comédie. C’est un très bon acteur et il aime le théâtre (c’est d’ailleurs par lui que se révèlera la trahison de Claudius).
Le monologue d’être ou ne pas être, un rendez-vous à ne pas manquer? Dans quelle mesure est-ce compliqué pour un metteur en scène d’avoir à faire avec ces rendez-vous?
Pourquoi serait-ce compliqué? Pourquoi devrait-t-on toujours mettre le problème avant la solution ? Non, avec Philippe Torreton nous avons simplement travaillé cette scène comme une autre. Simplement. Et fait un choix.
La présence des comédiens , la mise en abyme du théâtre, chère à Shakespeare, est une façon de rappeler que la vie n’est qu’un théâtre? Comment avez-vous mis en scène ce moment où est démasqué le traître par le subterfuge du théâtre ( » j’attraperai la conscience du roi »)?
La scène des comédiens est souvent coupée, où montée comme un drame. Il faut savoir qu’elle commence souvent par une pantomime. C’est une scène justement ou le rire déclenche la tragédie, et va précipiter l’action, puisque Hamlet a enfin la preuve que Claudius a tué le Roi. Ici, c’est une vraie comédie, presque une farce, jouée par des comédiens qui ont fait leur temps (ils errent sur les routes à la recherche d’un protecteur). Le public qui regarde la pièce en même temps que le roi ne doit pas voir le noeud du drame.
Sur scène, vous avez demandé à vos acteurs d’être des « acteurs qui imitent abominablement l’humanité »?
Non pas du tout.
Quelle comédienne incarne Ophélie? Comment lui avez-vous défini son personnage?
C’est Anne Bouvier qui incarne Ophélie. Pour moi, c’est tout sauf une jeune oie blanche, proche de la pucelle. Au contraire, c’est une femme que l’on garde en enfance, et dont le désir et le sentiment amoureux sont exacerbés. Trop de protectionnisme la mène à la folie.
Le point faible d’Hamlet, n’est-ce pas aussi sa jeunesse, sa fragilité, son incapacité à supporter la noire réalité? Pourquoi avoir choisi, alors, de le faire incarner par un acteur aussi « monumental » que Philippe Torreton? Comment avez-vous choisi de montrer Hamlet?
Oui évidemment. Le problème est qu’un très jeune acteur n’a pas la maturité requise par le rôle. C’est très difficile. Il faut aussi une technique d’enfer pour ce marathon scénique qui est de jouer Hamlet. Pour moi la “jeunesse” d’Hamlet est une jeunesse virtuelle. Encore une fois, nous sommes victime d’une image romantique. Hamlet n’est pas Lorenzaccio. Kenneth Branagh, Mel Gibson, ou encore Gerard Desarthe (qui jouait avec une perruque), n’étaient pas des jeunots quand ils l’ont joué, et on leur a rien reproché ! Arrêtons avec cette idée dépassée de “jeunisme”!
La pièce a été créée en 2011. Quelles sont les réactions du public? Quels sont les prochains rendez-vous?
Le spectacle rencontre un franc succès. Ce qui me plait c’est que des publics qui n’étaient pas des familiers de Shakespeare ressortent ravis et avec l’envie d’en savoir plus sur son oeuvre. Le spectacle a été applaudi par 32000 spectateurs cet été et poursuit sa route pendant quatre mois de tournée
Hamlet mis en scène par Jean-Luc Revol:
6 janvier – Lattes (34)
10 janvier – Miramas (13)
13 janvier – La Celle Saint Cloud (78)
17 et 18 janvier – Romans-sur-Isère (26)
21 janvier – Bastia (20)
26 janvier – Le Bouscat (33)
28 janvier – Arcachon (33)
31 janvier – Saint-Raphaël (83)
2 et 3 février – Meyrin (Suisse)
7 février – Thonon (74)
10 et 11 février – Marseille (13)
16 février – Bayonne (64)
22 et 23 février – Nevers, MCNN (58)
Illustrations ( crâne): Arnaud Taeron