The Doors – LA WOMAN

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C’est à l’occasion d’un visionnage du film de Marco Ferreri, les Contes de la Folie Ordinaire, que je me suis décidé à chroniquer le LA Woman des Doors. Car si Bukowski fut dans les années 60 et 70 le plus fameux clochard littéraire de la Cité des Anges, les Doors en furent le meilleur monstre de foire. Après six ans de pérégrinations au sein de la ville monstre et de rapports ambigus envers celle-ci, il apparaissait naturel que le quartette lui consacre un chapitre de son carrière. Malheureusement, en place d’un chapitre, ce sera un épilogue puisque trois mois après la sortie du disque, le roi fatigué Morisson sera condamné à mort à Paris pour avoir joué un peu trop les Icare. Une baignoire et quelques grammes d’héroïne en guise d’échafaud. Enregistré début 1971, le sixième LP du groupe connaît une réalisation saugrenue. Insatisfait des nouveaux titres, le producteur attitré depuis leurs premiers succès, Paul A. Rothchild, claque la porte au nouveau projet. Qu’à cela ne tienne, ils embauchent leur ingénieur du son, Bruce Botnick et installent un studio mobile de fortune dans les locaux d’Elektra Records, leur maison de disque sur le Strip Boulevard (les Beatles connurent pareille aventure deux années auparavant avec les sessions d’enregistrements au sein des locaux d’Apple pour l’album Get Back). Renforcés par deux musiciens de studio, Jerry Scheff et Marc Benno, et par des conditions d’enregistrements originales, les quatre compères font preuve d’une belle unité et d’une complicité retrouvée. «See me change» hurle Jim Morrison dès le premier titre The Changeling, comme pour ouvrir un nouveau départ. Il faut dire qu’en quatre ans de péripéties les plus folles (je vous recommande la lecture des livres de Jerry Hopkins sur les Doors), le groupe en a plus connu que certains en vingt ans de carrière. En revisitant ces racines et influences musicales en dix chansons, il nous est proposé enfin le disque de l’Ouest que l’on attendait de la part de ce groupe. Du solaire, du fougueux, sous un climat menaçant. Morrison n’a jamais aussi bien chanté, tel un vieux bluesman désabusé (Been Down so Long, Car Hiss by my Window), prêcheur des visions d’apocalypse (Riders on the Storm), conteur des folies américaines (L’America, The Wasp). Mais surtout il reste le grand pharaon de l’hymne ultime envers Los Angeles (LA Woman), sa ville, maîtresse des visions et faiseuse de prophètes. Jamais chanson n’aura autant si bien cerné la folie d’une cité. Aujourd’hui encore, on peut entendre sur Venice, Sunset Boulevard et le Whiskey A Go-Go les râles lointains de quatre cavaliers dans la tempête.
Alexandre Roussel
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