Abdoulaye Kanté, policier : « La haine anti-flic existe via les réseaux sociaux mais dans la vraie vie, elle est moindre »

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Abdoulaye Kanté est policier depuis 20 ans. Il a été affecté dans plusieurs services et aujourd’hui, il travaille à la Direction de la coopération internationale. Abdoulaye Kanté est revenu sur ses premiers pas dans la police, sa vocation de gardien de la paix, mais également sur la place du policier dans la société ainsi que sur la haine anti-flic qu’il juge « moindre » dans la réalité à la différence des réseaux sociaux. Enfin, Abdoulaye Kanté, dans une société secouée par des conflits sociaux majeurs insiste sur la dimension humaine des policiers qui sont aussi « concernés par la cherté de la vie quotidienne et par certains messages qui sont véhiculés par les manifestants ».

propos recueillis par

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Qu’est ce qui vous a poussé à embrasser une carrière de policier ?

Après avoir quitté la Marine nationale pour laquelle j’ai été engagé pendant deux ans et demi, j’ai senti naître en moi cette vocation d’être utile pour mon pays et ses citoyens.
A l’issue de mes études, je n’ai connu que l’uniforme et le symbole bleu blanc rouge. Dans mon éducation, on m’a toujours appris à aider du mieux que je pouvais celles et ceux qui étaient en détresse.
Et puis tout simplement, j’ai un membre de ma famille dans la fonction publique qui m’a proposé de passer le concours de gardien de la paix. Je l’ai passé et je l’ai obtenu.
Ce qui a débouché, sur une scolarité d’un an en école de police, ensuite affecté dans un commissariat parisien en police secours pendant 5 ans. J’ai intégré par la suite la Brigade Anti Criminalité pendant 2 ans sur un autre arrondissement de Paris.
J’ai été muté ensuite à la Brigade des Stupéfiants de Paris où j’y ai exercé pendant presque 6ans, à l’issue de cela affecté en Police judiciaire de Seine Saint Denis à la Section Enquêtes et Recherches où j’ai notamment été primo intervenant sur les évènements malheureux au Stade de France. Depuis 3 ans, je suis à la Direction de la Coopération Internationale. De ce parcours, j’en suis fier et j’essaie au quotidien de faire mon travail avec professionnalisme et respect.

 

« Après avoir quitté la Marine nationale pour laquelle j’ai été engagé pendant deux ans et demi, j’ai senti naître en moi cette vocation d’être utile pour mon pays et ses citoyens »

 

Était-ce une vocation de jeunesse ?
A la base, ce n’était pas le métier que je voulais faire car j’aspirais à devenir ingénieur mais j’ai très vite su que cela n’était pas dans mes cordes… Alors j’ai pris l’option militaire et police en dernier lieu.

Quel regard portiez-vous sur les policiers avant d’intégrer ce corps ? 
Le regard que j’avais sur les policiers étant jeune était une forme de respect et aussi de crainte à la fois.
Il faut savoir que j’ai été éduqué dans le respect de l’uniforme et de l’autorité qu’il représente. Ceci dit comme tout le monde j’ai été jeune et il pouvait arriver que j’ai cette crise d’ado en voulant défier cette même autorité mais je n’ai jamais fait dans cette haine anti flic.

Aujourd’hui, quelle analyse faites-vous sur la place et le rôle du policier dans une société française en situation de forte crise sociale post-attentat ?
Aujourd’hui, je crois que notre pays fait face à une crise sociale très difficile pour tous… Il faut savoir que les policiers eux-mêmes sont ces femmes et ces hommes qui ont aussi une vie normale comme tous citoyens car, oui, nous sommes aussi des citoyens normaux qui font des courses, qui partent en vacances en famille, etc…
On peut, nous aussi en tant policier se sentir concerné par la cherté de la vie quotidienne et par certains messages qui sont véhiculés par les manifestants. Cependant nous avons comme prérogative de pouvoir garantir la sécurité de ces mêmes personnes qui manifestent sans violence.

 

« Les policiers eux-mêmes sont ces femmes et ces hommes qui ont aussi une vie normale comme tous citoyens car, oui, nous sommes aussi des citoyens normaux qui font des courses, qui partent en vacances en famille… »

 

Après les attentats, j’ai moi-même ressenti cet engouement venant de la population. On pouvait sentir cette grosse fierté d’être policier. Malheureusement avec les réseaux sociaux et la multiplication des fake news, cela a contribué à une sorte d’instrumentalisation incessante. Effectivement le rôle du policier est vraiment important dans notre société actuelle où l’on constate malheureusement une banalisation de la violence.
Il ne faut par ailleurs pas occulter les difficultés de notre métier car il faut bien comprendre que nous sommes confrontés à la misère sociale au quotidien ! Ce qui fait de nous des éponges…
Au regard de ces problématiques, la place de la police est une nécessité dans notre société.

 

Depuis les attentats de 2015, estimez-vous que le regard d’une certaine partie de la population a changé sur votre profession ?
Comme je le disais par ailleurs, les réseaux sociaux ont une certaine influence sur les gens et cela amène vers des idées reçues voir des légendes urbaines. Mais il ne faut pas dire que tout va bien dans le meilleur des mondes dans notre institution car oui aussi il peut arriver que des collègues sortent de leur déontologie.
Je précise que cela reste une minorité par rapport à la grande majorité des forces de l’ordre que composent ce pays.
Pour faire une analyse objective, je crois que le regard de la population n’a pas forcement changé envers sa police mais il reste méfiant par rapport à des incompréhensions et de la désinformation…
Globalement notre profession reste toujours plébiscité au vu des «APPELS 17 » qui montrent quotidiennement notre engagement sans faille pour les citoyens.

 

« Mais il ne faut pas dire que tout va bien dans le meilleur des mondes dans notre institution car oui aussi il peut arriver que des collègues sortent de leur déontologie »

 

Ressentez-vous une haine anti-flic ou est-ce plus ambigu que cela selon vous? Vous évoquiez notamment sur RMC un manque de reconnaissance de la part des citoyens pour votre profession.

Ce que j’évoquais sur RMC, c’était le fait que nous essayons de répondre de manière efficace aux sollicitations de la population qui par moment ne réalise pas que ce sont ces femmes et ces hommes prêts à mourir pour leur quiétude. La haine anti-flic existe via les réseaux sociaux mais dans la vraie vie, elle est moindre. Pour autant il faut combattre cette détestation qui nuit au bon fonctionnement de notre société. Oui nous avons aussi besoin de cette reconnaissance car cela donne un sens à nos actions.
Un policier restera toujours professionnel quel qu’en soit les circonstances mais il ne faudra jamais oublier que ce sont des humains avant tout.

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