Comment Magdalena Lamri est-elle devenue artiste ?
Je ne sais pas si l’on devient « artiste » réellement … En ce qui me concerne, j’ai le sentiment d’avoir toujours eu besoin de créer d’une manière ou d’une autre. Lorsque s’est imposée la décision d’une carrière professionnelle, c’est tout naturellement et sans tergiversation que j’ai décidé de ne me consacrer qu’à la création…
Pourquoi les thèmes des rêves de la réalité et de l’imaginaire occupent-ils une place importante dans votre travail ?
Difficile à dire très honnêtement…. Je n’aime pas trop intellectualiser et conceptualiser mon travail, j’aurais trop peur d’y perdre en sincérité… J’aime faire confiance à mes émotions et à mes instincts. La réalité me paraissant souvent absurde, je crois avoir besoin de la sublimer en lui insufflant un peu de poésie et de rêve… Cela me parait tout simplement essentiel et vital de continuer à développer l’imaginaire, même en atteignant l’âge adulte.
Quelle est selon vous la définition de l’artiste engagée ?
L’artiste engagé est, pour moi, un artiste qui interroge et qui ose poser un regard critique sur le monde contemporain en toute liberté et sans complaisance.
Quel est votre rapport à l’écologie en tant qu’artiste et citoyenne ?
Les questions autour de l’écologie ont, depuis l’enfance, toujours été importantes pour moi sans toutefois forcément les conscientiser. Il y a neuf ans, le fait de devenir mère a permis de poser des mots et de mener une réelle réflexion sur l’idée de la transmission, de l’héritage que nous laissons à nos enfants. L’idée de responsabilité s’est alors imposée à moi et il est apparu évident que je devais en tant qu’artiste et citoyenne m’engager dans cette bataille.
Vous travaillez sur plusieurs supports et à l’aide de plusieurs techniques. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Je travaille aussi bien la peinture à l’huile et le dessin (fusain et graphite), des techniques effectivement bien différentes mais complémentaires à mes yeux.
L’une (la peinture) nécessite un travail de préparation et beaucoup de patience, l’autre (le dessin) offre la possibilité de plus de spontanéité et de simplicité quant au matériel. Je ne peux me passer ni de l’une, ni de l’autre et j’aime assez jongler entre les deux suivant mes envies et inspirations.
Est-ce que cela vous donne une plus grande créativité artistique ?
J’imagine qu’effectivement le fait de pouvoir choisir un médium et celui de maitriser plusieurs techniques offrent une plus grande liberté créative. J’utilise « imagine » car je fonctionne beaucoup à l’instinct et finalement ces questions de techniques usitées ne rentrent pas vraiment en compte dans mon processus créatif… Elles ne sont qu’un moyen mis « au service de ».
Dans cette nouvelle exposition à la Galerie de Crochetant, intitulée « Avant Moi le Déluge », on y lit que vous allez y aborder les thèmes de l’enfance et de la maternité. Pourquoi ?
L’enfance, la maternité sont des thèmes récurrents dans mon travail mais ils ne constituent pas des problématiques à part. Ils sont étroitement liés aux questions environnementales, sociales…. Je pense livrer une réflexion très personnelle sur la place de l’humain, avec toutes les facettes qui le constituent, dans ce monde moderne.
Et d’ailleurs, pourquoi « Avant moi, le déluge »?
J’aime jouer avec les mots …. Blague à part, je trouvais intéressant de détourner l’adage « après moi, le déluge » et d’en faire une trame narrative. Que se passerait-il si, malheureusement, l’après devenait l’avant?
Enfin, votre art est-il plutôt d’une aspiration pessimiste ou vous considérez-vous plutôt comme une lanceuse d’alerte ?
Je suis de nature assez pessimiste et m’inspire généralement de mes rêves et angoisses… Je ne me considère absolument pas comme une lanceuse d’alerte, ce serait vraiment présomptueux et irrespectueux vis-à-vis de ceux qui mettent leur vie en danger pour faire éclater des vérités. J’essaie, juste à mon niveau et avec ce que je sais faire, de transmettre un message, de susciter des questionnements chez celui qui regarde, des débats éventuellement et de l’émotion aussi…. Bref, je ne suis qu’une conteuse d’histoires parfois apocalyptiques et souvent poétiques…
“Avant moi, le déluge”, Exposition personnelle Galerie du Crochetan, Monthey (Suisse)
Du 15 février au 9 avril 2020, Curatrice : Julia Hountou.