Pascal Sciarini (Université de Genève) : « En Suisse, le peuple a toujours la possibilité de corriger le parlement »

Partagez l'article !

Le 20 octobre, les citoyens suisses seront appelés aux urnes pour élire les deux chambres du parlement helvétique. Dans la patrie des référendums et de l’exercice de la démocratie directe, ces élections ont une dimension particulière. Pour décrypter les enjeux de ce vote, Putsch a interviewé Pascal Sciarini, professeur en Sciences Politiques à l’Université de Genève, spécialisé en politique suisse et comparée.

propos recueillis par

Partagez l'article !

A quoi servent les élections suisses du 20 octobre prochain ?

Les citoyens suisses vont élire les deux chambres de l’Assemblée Fédérale, c’est à dire le parlement national. Il est composé du Conseil national, qui représente les citoyens et le Conseil des Etats, qui représente les cantons. C’est un rendez-vous électoral clé, mais moins important que les élections législatives qui ont lieu dans d’autres pays.

Pourquoi ?

Parce qu’en Suisse, on pratique la démocratie directe. Cela signifie que toutes les lois peuvent être remises en discussion par le peuple. En particulier lorsqu’il s’agit de changements de la constitution, pour lesquels il est obligatoire de les soumettre à un vote référendaire. Disons qu’en Suisse, le peuple a toujours la possibilité de corriger le parlement. De plus il ne faut pas oublier que les parlementaires confédéraux suisses ne sont pas des professionnels de la politique. On dit que celui de Suisse est un “parlement de milice”. Cela pour indiquer que les parlementaires ont une profession à côté de leur mandat parlementaire. En outre, à la différence de ce qui se passe dans d’autres pays, l’élection du parlement Suisse n’est pas décisive pour la constitution du futur gouvernement.

 

« Les parlementaires confédéraux suisses ne sont pas des professionnels de la politique »

 

Les Suisses savent déjà qui les gouvernera ?

Plus ou moins. Dans les cinquante dernières années, les quatre grands partis nationaux (*) ont toujours été représentés dans le Conseil Fédéral, le gouvernement national suisse. La seule chose qui change est le 7ème siège du Conseil Fédéral car, ces dernières années il a été occupé par des représentants de différents partis.

 

Source OFS 2014

 

Les élections confédérales suisses sont-elles « statiques » ?

Il y a peu de volatilité mais il y a des exceptions. C’est le cas du parti UDC, l’Union Démocratique du Centre. En 1991, ils n’avaient obtenu que 12% des suffrages. En 2007 ils sont arrivés à 28%. Les bouleversements se font sur la durée dans le parlement fédéral.

Quels sont les thèmes qui attirent l’attention des citoyens en cette campagne électorale ?

Compte tenu du fait que notre système est fédéral et fortement décentralisé, les élections nationales sont moins importantes que dans d’autres pays. Cependant, depuis quelques temps, on assiste à une nationalisation du débat électoral. Dans l’actuelle campagne électorale, on compte trois thèmes importants : le coût de la santé et de l’assurance maladie, l’environnement et le financement du système de retraite. Puis dans certains cantons, il y a des sujets de débat plus locaux. Par exemple dans le canton de Genève et dans le canton Tessin (italophone) on parle beaucoup des problématiques liées aux frontaliers.

 

« Beaucoup de Suisses craignent que l’accord cadre entre l’UE et leur pays, ne leur assurent plus la protection qu’ils ont en Suisse »

 

Y-a-t-il des sujets internationaux qui préoccupent les suisses ?

Bien sûr ! Les relations entre la Suisse et l’Union Européenne, occupent une place centrale dans les débats. Cela même si les partis essaient de ne pas trop en parler afin d’éviter de favoriser les populistes de l’UDC. En effet, beaucoup de Suisses craignent que l’accord cadre entre l’UE et leur pays, ne leur assurent pas la protection qu’ils ont en Suisse et, au contraire, favorise un dumping social de la part des autres pays. Les opposants à cet accord ne sont pas seulement des politiques de droite mais aussi des syndicats. De plus, des partis de gauche et des paysans sont opposés à l’accord de libre échange entre la Suisse et le Mercosur.

 

« Des partis de gauche et des paysans sont opposés à l’accord de libre échange entre la Suisse et le Mercosur »

 

Pour conclure, les Suisses sont-ils satisfaits par leur système ?

Oui car ils sont le peuple qui, peut-être, dispose du plus grand pouvoir de décision. Ils sont conscients de la responsabilité qui découle de ce pouvoir. D’ailleurs on le constate dans nos études : les jeunes électeurs sont en général plus abstentionnistes. En revanche, avec l’âge les électeurs participent de plus en plus aux votations. Il faut aussi dire que, de façon générale, c’est vrai que les taux de participation sont bas. Mais il ne faut pas se tromper car les Suisses votent très souvent. Pour cette raison il sont sélectifs. Les personnes qui ne participent jamais à une consultation électorale, font partie d’une toute petite minorité. En effet ceux qui s’abstiennent à une votation dédiée à un sujet « A », peuvent participer à celle consacrée à un sujet « B ». On n’a pas toujours les mêmes bases électorales.

 


Le professeur Sciarini est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels figure ce titre (en anglais)

« Political decision-making in Switzerland: The consensus model under pressure » (2015)
de Pascal Sciarini, Manuel Fischer et Denise Traber (2015)
Editions Basingstoke/New York: Palgrave Macmillan
291 pages – 93,59 Euros (papier) – 74,96 Euros (eBook)
ISBN (papier) : 978-1-137-50859-1
ISBN (eBook) : 978-1-137-50860-7

Notes :
(*) Principaux partis suisses ayant fait partie, presque constamment, du Conseil Fédéral ces cinquante dernières années : PS – Parti Socialiste, PLR – Parti Libéral Radical, PDC – Parti Démocrate Chrétien, Parti Vert

 

 

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à