La famille dans tous ses états
L’enfant des nuages, de Valérie Gans (Payot) pose cette question essentielle : biologique ou porteuse, qui est la mère ? Trois personnages se croisent. Lola, quarante ans, business woman, son mari, Giuseppe, le père, qui, en bon Italien, a voulu un héritier. Tous deux vivent à Paris et s’apprêtent à recevoir un bébé que Lola n’a pas porté. Clothilde, la femme noire qui a porté une petite blanche et qui ne supporte pas que « son » bébé lui soit enlevé après neuf mois. Elle souffre de « baby blues », remet en cause le contrat de départ et décide de retrouver Gaïa, quitte à ruser. Valérie Gans a choisi de bousculer les clichés ; Lola n’a rien de maternel, elle a toujours privilégié sa carrière. Etonnant que cette femme ne se sente pas porter par des envies de cajoler, de baigner, de nourrir Gaïa, cette fillette si attendue. Quand le couple décide de recruter une nounou, Clothilde, la mère porteuse, se présente. Embauchée, elle finit par s’incruster dans la famille au point de la faire voler en éclat. Sur le ton de la comédie, ce roman d’actualité se veut plus grave qu’il n’y paraît. L’émotion affleure, chacun des personnages se met à nu. Giuseppe louvoie entre lâcheté et désir. Clothilde, entre « instinct maternel » et culpabilité. La peur d’être rejetée pour stérilité fait dire à Lola : « Il ne « faut » pas un enfant, ce n’est pas un produit de consommation, un enfant. C’est un désir, un besoin animal, un prolongement… Une évidence, normalement ».
Agathe Fourgnaud, journaliste et auteur, entre autres de « Les jeunes et le sexe » (Presses de la Renaissance) publie « Le jour où mes parents ont divorcés » aux Presses de la Renaissance. Elle est fille et petite-fille de divorcés, c’est dire si cet essai la touche de près. Toute l’originalité de ce livre nourri de témoignages (de personnes de 30 à 45 ans) tient à une analyse des effets du divorce chez des enfants de divorcés devenus adultes. Sans doute, peut-on mieux lire, à la lumière de leur vie, l’impact que le divorce de leurs parents a eu sur leurs parcours, leurs choix, leur vie de couple. Elle s’interroge sur l’éventuelle complicité qui existe entre enfants de divorcés. Son constat : les conséquences de la rupture parentale ne se font sentir qu’à l’âge adulte. Elle relève les limites et les paradoxes des nouvelles idéologies du divorce « réussi ». Et nous invite à réfléchir sur la place faite à un enfant à une époque où tout se consomme… et se jette. La banalisation du divorce incite certains à en banaliser les effets, un peu trop vite. Une publicité récente montre un père de cinq voire six enfants de trois mères différentes et qui semble vivre tout cela le mieux du monde ne pense pas à l’avenir psychologique de ses gosses mais à… s’acheter la voiture adéquate, une grande berline pour véhiculer tout ce petit monde. L’époque en est là : consommer, l’équilibre, ce sera pour demain, quand il sera trop tard.
Entre l’enfant roi, l’enfant médicament (pansement) du couple, l’enfant confident, l’enfant martyr, l’enfant ballotté… l’enfant acheté, même pour mille milliards de dollars ( comme dans le cas Madonna et l’adoption de son petit Africain) ou pour la modique somme de mille euros (en Chine), à, condition qu’il s’agisse d’un garçon (les filles, c’est connu, ça ne vaut rien !) à l’enfant porté par une autre, il n’y a qu’un pas vers de futurs jeunes sans repères, et pire encore qui feront la fortune des psychiatres (qui seront bientôt les seuls à ne pas souffrir de la crise) !
Emmanuelle De Boysson
* Dernier livre paru, Ami Amie pour la vie, aux éditions du Rocher.