Natacha Schmidt, Gilet Jaune : « Nous sommes des femmes libérées qui voulons récupérer les libertés et les droits de tous, que nous sommes en train de perdre »

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Natacha Schmidt est une jeune femme Gilet Jaune. Pas de la première heure car au début, elle nous confie que le mouvement l’énervait autant qu’elle ne sentait pas concernée par la politique et l’information. Puis elle s’est renseignée sur le coeur des revendications et depuis elle milite activement en Alsace, où elle réside, et partout en France dès qu’elle le peut. Pour « réveiller les consciences », Natacha Schmidt a créé un blog où elle répertorie toutes les informations et prises de positions afférentes au mouvement. Très critique envers les médias qu’elle accuse de propagande, Putsch lui donne la parole dans un long entretien.

propos recueillis par

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Vous êtes Gilet Jaune et vous tenez un blog sur le mouvement depuis mars dernier. On peut y lire qu’au début du mouvement les gilets jaunes vous énervaient ? Pourquoi ?

Si j’ai rejoint la famille des Gilets Jaunes, c’est grâce à tous les citoyens mobilisés depuis le 17 novembre 2018. Car au début du mouvement je ne comprenais pas ce qu’il se passait.
Cela faisait deux ans que je m’étais déconnectée du monde virtuel que représentait Facebook pour moi ainsi que tous les autres réseaux sociaux. J’avais décidé de me concentrer sur le fait de voir des personnes mais dans la vraie vie, ce que je trouvais beaucoup plus humain !
Pour les informations TV, je ne les suivais quasiment plus du tout, car je trouvais cela toujours trop déprimant !
Tout cela pour vous dire qu’au début du mouvement malheureusement j’ai été informée par les mauvaises personnes. Ensuite, j’ai allumé ma télévision et j’ai vu les informations et les images qui passaient et j’ai cru ce qu’ils disaient … J’ai été énervée contre les Gilets Jaunes pendant 2 semaines et j’en suis tellement désolée aujourd’hui.

Vous écrivez que dès le 1er décembre, vous changez d’avis. Et vous avez passé beaucoup de temps à vous informer sur le mouvement et ce que vous lisez vous révolte profondément. Comment avez-vous organisé vos recherches et comment s’est opérée la prise de conscience ?
J’étais énervée contre les GJ à cause des blocages car je ne savais pas ce qu’il se passait réellement, jusqu’au fameux samedi 1er décembre, où j’ai fait des recherches sur Facebook. Là j’ai commencé à voir ce qu’il se passait en réalité, et j’en ai pleuré. J’étais en colère contre moi-même d’avoir cru les mensonges des médias et du gouvernement.
Suite à mes recherches, j’ai ouvert les yeux sur tellement de choses. La liste est trop longue et elle grandit de jour en jour avec les médias, les éditorialistes et autres politiciens qui diffusent de fausses informations qui viennent pour la plupart des médias, dans le but de diviser l’opinion publique ! Encore et toujours de la propagande !
Malgré tout ce que je savais, j’étais de tout cœur avec les Gilets Jaunes mais je n’ai pas osé aller en manifestation au début car j’avais peur avec toutes les images qui tournaient. Dès que je rentrais du travail, je surveillais tout ce qu’il se passait et j’essayais d’alerter les gens autour de moi, mes amis, ma famille, ou encore les clients du bar dans lequel je travaillais…

Selon vous, pourquoi à titre personnel, il vous a fallu le mouvement des Gilets Jaunes pour vous révolter ?
J’ai eu besoin du mouvement des GJ pour me réveiller, car nous sommes conditionnés dès la naissance à suivre comme des moutons le système : bien travailler à l’école, avoir ses diplômes, du travail, se marier, avoir des enfants, un chien une maison…. « Travail-consomme et ferme ta gueule ! » J’exagère peut-être mais dès que vous sortez de la norme ou  que vous commencez à penser par vous-même en faisant des recherches pour savoir la vérité, on commence à se rendre compte à quel point l’on nous ment.
Si vous n’êtes pas un minimum dans le besoin, c’est beaucoup plus difficile et plus long de se rendre compte de la réalité de la vie de nombreuses personnes pauvres en France…
C’est grâce à tous les témoignages des GJ, que je me suis réveillée et que j’ai pris conscience qu’il fallait sortir les rejoindre pour défendre nos droits et nos libertés que nous perdons jour après jour ! Et surtout que tout le monde puisse vivre et non survivre !

Avant les Gilets Jaunes, quel rapport entreteniez-vous avec la politique ainsi que l’exercice de la démocratie ?
La politique, je ne m’y suis jamais vraiment intéressée … on va dire que tout était fait pour ne pas vous donner réellement envie de vous y investir… des discours et des textes que l’on ne peut pas forcément toujours comprendre. En même temps, j’ai longtemps pensé que la classe politique essayait de faire au mieux pour le peuple… mais ça c’était avant.

Et à titre personnel, quelles sont les raisons qui vous ont poussé dans la rue ?
Lors de mes recherches, j’ai découvert les injustices sociales, judiciaires ou climatiques. En réalité, c’est un tout ! La répression que mettait en place le gouvernement contre des citoyens venant crier leur désespoir. La seule réponse apprtées : une violence policière hors norme, des arrestations abusives et des condamnations très rapides… Toutes ses raisons m’ont révolté et m’ont donné envie d’aller soutenir les Gilets Jaunes.

Idir Ghanes, gilet jaune, dans une interview accordée à Putsch nous confiait que le mouvement des Gilets Jaunes lui avait permis de devenir un citoyen. Est-ce aussi votre cas ?
Oui c’est également mon cas, avant mon seul devoir citoyen était d’aller voter pour les élections présidentielles. Maintenant plus jamais je suis fière d’être citoyenne et de revendiquer avec tous les citoyens un remaniement du système afin d’obtenir des changements pour le peuple et non contre celui-ci!

 

 

Vous êtes très critique envers certains grands médias que vous accusez de mensonges et de ne pas être objectifs pour certains. Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
Depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes, j’ai été déçue, par le gouvernement insensible à la détresse humaine, les Forces de l’Ordre qui ont usé de violences injustifiées ainsi que les médias, champions de la propagande.
Les médias ont parti pris depuis le début et passent uniquement les images associées à leur discours afin de diviser l’opinion publique ! Les chiffres qu’ils ont annoncé depuis le début du mouvement sont faux et ils ont mis l’accent sur des points négatifs au sujet des Gilets Jaunes.
Or lorsque l’on s’intéresse un minimum à toute les personnes qui sont sur le terrain, en manif, sur des rond points, en Assemblée Gilets Jaunes… et qu’on leur pose les questions de base : pourquoi ils sont là et quelles sont les actions menées sur le terrain depuis le début du mouvement, vous pourrez constater à quel point ce qui est raconté à la télévision est contraire à la réalité !
Je suis allée en manifestation depuis le 16 mars 2019 à Paris et depuis je me suis plus jamais arrêtée. Il fallait que je rencontre un maximum de Gilets Jaunes pour discuter, échanger et savoir toutes les raisons pour lesquelles ils étaient là !
Nous ne sommes pas des fainéants, des illettrés, des homophobes, des antisémites comme voudraient le faire croire les médias et le gouvernement au reste de la population qui est encore contrôlée par une manipulation de masse instaurée depuis bien longtemps.
Je peux vous dire que les gens sont là car ils veulent simplement pouvoir vivre dignement et non survivre, que ce soit pour nos enfants, nos travailleurs, nos retraités, nos handicapés…. Nous sommes là pour tout le monde et il serait temps que les journalistes fassent correctement leur travail, en allant à la rencontre des gens et en diffusant des images reflétant mieux la réalité du mouvement !
En voyant le regard des gens à côté desquels nous passions lors des manifestations en centre-ville, je me suis vite rendu compte à quel point l’image de extérieure que propageaient les médias avait pris une place importante !
C’est bien pour cela qu’après être allée deux fois en manifestation, que j’ai eu l’idée de créer mon blog, ainsi que des tracts afin de montrer à tout le monde ce qui ne passait à la TV.
J’ai essayé de rassembler les images, les vidéos, les montages, les chansons, les liens Facebook, youtube, les témoignages… tout ce que je pouvais afin de réveiller les personnes qui croient encore au système dans lequel nous vivons !

Comment vous informiez-vous avant le mouvement et quelles sont vos sources d’informations aujourd’hui ?
Avant le mouvement, je ne m’informais plus et depuis je suis un maximum de personnes et de journalistes indépendants sur Facebook et YouTube. Sinon je vais sur le terrain directement si cela est possible. Quand aux informations TV, je les suis encore pour savoir ce qu’il faudra rétablir comme vérité auprès d’une population endormie mais que je compte bien réveiller comme des millions de personnes dans le monde car la révolte et la propagande ne sont pas qu’en France !

« Je me sens l’âme d’une résistance » écrivez-vous sur votre blog. Est-ce que votre rapport à la France en tant que nation a changé ou évolué avec le mouvement ? Comment le décririez-vous ?
Oui mon sentiment de résistance s’accentue face à un système qui est de moins en moins à l’écoute de son peuple et qui, à la place, utilise une répression en tout genre.
Il faut que nous soyons tous unis face à ce système et que nous passions à des systèmes alternatifs. Revenir à de la consommation locale, au troc, mettre en place de l’entraide, créer des maisons autonomes ou encore faire de la permaculture….
Ce qui me rassure, c’est que plus le temps passe et plus je constate que nous avançons pour beaucoup vers ce chemin, tout est entrain de se structurer et de prendre forme.

Quelle est la place de la Fraternité dans le mouvement ? Que vous a t-elle apporté à titre personnel ?
La fraternité, c’est ce qui m’a le plus marqué dans ce mouvement ! Un 17 novembre, des personnes qui ne se connaissaient pas du tout se sont retrouvées et ont commencé à se rendre compte du mal-être dans lequel elles vivaient chacune de leur côté. Ce fut un point en commun central de ce mouvement. Chacun a compris en communicant les uns avec les autres que le problème venait de plus haut. C’est tout naturellement que les personnes ont commencé à s’entraider que ce soit sur les QG ou en manifestation. Les gens s’arrêtent aux ronds-points pour faire des dons alimentaires. Les Gilets Jaunes mettent des maraudes en place un peu partout en France en plus de celles qui existent déjà. Cela m’a apporté de magnifiques rencontres. Et j’ai pu m’ouvrir encore plus aux gens que je rencontrais et surtout me rendre compte que l’Humanité n’était pas encore fini, grâce aux Gilets Jaunes. J’y crois encore. C’est le plus beau combat de ma vie et pour les plus belles causes au monde !

Et quelle est la place des femmes qui sont très nombreuses et très engagées dans le mouvement et ce depuis le début ? Quel regard portez vous en tant que femme gilet jaune sur votre action ?
Effectivement les femmes sont nombreuses dans le mouvement et elles ne sont pas du tout en retrait ! Elles sont là à tous les postes que ce soit en manif, QG ou encore sur live Facebook. Elles n’hésitent pas à se mouiller et à dire ce qu’elles pensent !
Nous sommes des femmes libérées qui recherchons à récupérer les libertés et les droits de tous, que nous sommes en train de perdre.
Je suis fière de faire partie des Gilets Jaunes car c’est l’un des plus grands et plus longs mouvements humains que nous sommes en train de vivre actuellement !

Aujourd’hui, comment vous organisez vous dans votre région, où vous militez ?
Je ne milite pas uniquement dans ma région, au début pour des raisons personnelles. Je suis venue d’abord à Paris puis pas mal de fois sur Dijon d’où vient mon binôme Saï Mon qui m’a motivée à aller à la première manif de ma vie à Paris le 16 mars – c’était la guerre et là j’ai compris ce que nous vivions réellement.
Par la suite, je suis allée à la rencontre des GJ sur les ronds-points, dans les assemblées puis également en manif en Alsace.
Je trouve qu’en ce moment les choses sont en train de se structurer de plus en plus et de mieux en mieux dans chaque région ! Etant donné que je vais dans d’autres région pour prendre la température et voir comment les choses évoluent, il n’y a pas une semaine où je ne rencontre pas de nouvelles personnes GJ, motivées, déterminées dans leur actions, que ce soit au niveau de la communication interne, externe, des op, des manif et j’en passe…

Enfin, quel est votre regard sur la suite du mouvement et sur cette rentrée que le Gilets Jaunes ont déjà annoncé comme très chaude ?
Chaque personne est douée pour quelque chose et à sa place au sein du mouvement des Gilets Jaunes, il faut juste que tout le monde en prenne conscience !
On a voulu nous rendre multitâche dans chacun de nos métiers et bien que cela nous serve maintenant pour faire avancer les choses dans le bon sens et pour le bien de tous et non de quelque personnes placées tout en haut de notre système pendant que d’autres crèvent de faim.
Pour la suite du mouvement, il faut donc que nous soyons plus structurés que jamais et que chacun trouve enfin sa place au sein des Gilets Jaunes.
Il faut retrouver l’unité du 17 novembre tout en fédérant de nouvelles personnes que nous aurons réveillé et également aller faire de la communication auprès des hôpitaux, des chômeurs et futurs chômeurs, les agriculteurs, les pompiers, les banlieues…
Nous avons tous les preuves de ce que nous vivons depuis le 17 novembre voir plus tôt, que ce soit avec des photos, des vidéos, des témoignages, des chansons… tous les moyens sont bons pour rétablir la vérité !

Quel destin souhaitez-vous pour la France des Gilets Jaunes?
Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que dans un pays comme le nôtre en 2019, il n’y ait plus personne à la rue, que tout le monde puisse avoir un minimum vital sans devoir faire pitié, que chaque personne qui travaille n’ait pas besoin de mendier pour des aides sociales et puisse vivre dignement tout comme nos retraités, nos handicapés, nos enfants…
Lorsque je dis cela; on me dit souvent que je rêve du monde des bisounours… et pourtant non, des richesses il y en a suffisamment pour que tout le monde puisse vivre et non survivre et cela partout dans le monde !
Mais une poignée de personne préfère gérer le monde différemment en créant de la division, de la peur et de la terreur afin de mieux contrôler tout le monde : la manipulation de masse en divertissant ou affaiblissant les gens intellectuellement afin qu’ils ne pensent pas… Depuis quand, une vie humaine est devenue moins importante que du matériel ?
Il faut arrêter notre consommation de masse et se rendre compte de la réalité. Le savoir est une arme.

 

Le blog de Natacha Schmidt : L’heure de se réveiller  http://liligj68.unblog.fr/

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