
Gilles Martin-Chauffier: « Ceux qui sont au sommet de l’État doivent rendre un culte à la déesse laïcité et au dieu du communautarisme »
On ne le dira jamais assez, les grands écrivains sont ceux qui parlent de la société d’aujourd’hui, de ses dysfonctionnements, du clivage entre les classes sociales, des petites gens, des bourgeois, des aristocrates ou de ceux qui nous dirigent. A l’heure où un adolescent de douze ans vient d’être frappé à mort à coups de barres de fer par une bande rivale, Gilles Martin-Chauffier, rédacteur en chef à Paris Match, a mis le doigt là où ça fait mal, au cœur des cités de non droit où la jeunesse désœuvrée ne trouve d’autres issues que les trafics de drogue et leur cortège de violences, où la loi du plus fort domine.
Dans la « Cité noire » de Versières, Driss, un adolescent d’origine marocaine, est retrouvé mort en bordure d’une voie de RER. La veille, Danièle Bouyx, jolie stagiaire Bcbg du commissariat, et Cosme Giquel, jeune policier, sont partis en Mini vadrouiller dans les quartiers chauds et sont tombés sur une bande dont Driss faisait partie. Le jeune homme les a nargués, ils l’ont poursuivi. Pour l’heure, rien à signaler. Le début d’un page-turner fascinant et addictif qu’on dévore jusqu’à la dernière ligne. Construit à l’image des « Dix petits nègres », ils sont dix, les personnages de ce polar à l’allure de chronique sociale. Chacun raconte sa version des faits. Du caïd de la cité à la directrice du cabinet de Beauvau, en passant par la collaboratrice d’un grand avocat, l’assistante sociale ou le commissaire de police, Gilles Martin-Chauffier fait le grand écart entre des mondes qu’apparemment tout oppose. Rien de plus réjouissant que de reconnaître des personnalités, comme cet acteur, Jean-René Pacé, bobo de gauche, riche héritier qui joue le rôle d’un chômeur dont la femme est atteinte d’un cancer, tout en se réfugiant dans sa propriété sur les bords de l’Odet avec une milliardaire : « Les grandes consciences comme Pacé vont sans arrêt recharger leurs batteries morales à Miami, aux Seychelles ou à la Mamounia ». L’auteur se glisse avec délice dans la peau de ses personnages, adoptant leur langage et ces mille détails qui les rendent touchants …