Alain de Kalbermatten : la poésie des rebuts
Par Julia Hountou – bscnews.fr / De la fascination pour les formes pures à la sacralisation contemporaine, des manipulations des avant-gardes à l’émerveillement devant l’anodin, l’objet traverse toute l’histoire du médium. D’Eugène Atget (1), à Walker Evans en passant par le Baron Adolph de Meyer (2), Alfred Stieglitz, François Kollar, Germaine Krull, Josef Sudek (3), André Kertész (4), László Moholy-Nagy (5), Man Ray, Brassaï… les objets n’ont cessé d’inspirer les photographes, qu’ils les aient copiés littéralement ou y aient imprimé de subtiles métamorphoses au service d’une esthétique définie. Les photographes se font archéologues, historiens, reporters, flâneurs, poètes pour arracher au monde réel une matière riche et nouvelle.
Désireux de révéler la richesse cachée d’objets apparemment humbles, Alain de Kalbermatten porte une attention particulière aux rebuts qui peuplent le territoire et parvient à sublimer les choses les plus banales depuis plus d’une vingtaine d’années. Empruntant routes et sentiers, arpentant décharges, chantiers, maisons incendiées et hôtels désaffectés, il affûte ses sens en fonction de ces rencontres, sans idée prédéfinie, en quête d’éléments simples, de « petits riens », d’objets mineurs comme il les nomme : amas de câbles enchevêtrés, fonds de bidons rouillés, disjoncteurs court-circuités, regards d’égout posés contre un mur, fragments de marbre emprisonnés sous une membrane en plastique, affiches lacérées… Attiré par la poésie d’un lieu, d’une forme, d’une lumière, Alain de Kalbermatten se laisse absorber par ce qu’il voit, sans éprouver le besoin d’interpréter, préférant strictement regarder afin de saisir la quintessence des éléments. Les détails et les couleurs les plus subtils des matériaux bruts glanés lors de ses errances captent son regard contemplatif. En immortalisant ces objets mis à l’écart, il leur …