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Antoine Tanguay : jeune, éditeur et allumé

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Partagez l'article !Propos recueillis par Aline Apostolska/ Bscnews.fr / Photo Idra LabrieRendez-vous littéraire incontournable que le Salon du Livre de Montréal qui ouvre ses portes du 17 au 22 novembre. À cette occasion, j’ai voulu poser quelques questions à l’un des jeunes éditeurs les plus « allumés » du moment : Antoine Tanguay, fondateur et […]

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Propos recueillis par Aline Apostolska/ Bscnews.fr / Photo Idra LabrieRendez-vous littéraire incontournable que le Salon du Livre de Montréal qui ouvre ses portes du 17 au 22 novembre. À cette occasion, j’ai voulu poser quelques questions à l’un des jeunes éditeurs les plus « allumés » du moment : Antoine Tanguay, fondateur et directeur littéraire des éditions Alto.
Antoine, on a vite connu les éditions Alto par le succès de certains titres comme ceux de Rawi Hage ou Dominique Fortier, mais quelles en sont la genèse, la composition actuelle ainsi que le mode de fonctionnement ?

L’idée d‘Alto a germé en 2004 alors que je cumulais les boulots de chroniqueur, de journaliste pigiste, d’animateur à la radio et de webmestre. Puis sur un coup de tête, j’ai approché Guy Champagne, directeur des Éditions Nota bene. Il a très gentiment accepté de m’offrir ma chance pour développer au sein de sa maison un projet éditorial que je voulais différent de ce qui était offert aux lecteurs québécois et qui présenterait sous une même ligne éditoriale des auteurs du Québec, du Canada et du reste du monde. Publié en février 2005, Nikolski de Nicolas Dickner me semblait le roman idéal pour afficher mes couleurs. Le livre a été fort bien accueilli et depuis l’indépendance de la maison en mars 2006, j’ai eu le plaisir et le bonheur de publier des œuvres d’abord et avant tout axées sur le récit et qui, je l’espère, dépaysent, étonnent, enchantent… Si je n’ai pas réussi à intriguer le lecteur, à attirer son attention, à piquer sa curiosité par un coup d’œil à la couverture, à la lecture de la quatrième de couverture ou, ô petit miracle si le temps le permet, à la lecture de quelques pages, alors j’ai manqué mon coup. Je carbure au coup de cœur, au coup de tête et depuis cinq ans, j’ai eu la main heureuse. Les lecteurs commencent à demander en librairie quel est le dernier livre d’Alto. Existe-t-il une plus belle reconnaissance pour les auteurs que je m’efforce de faire découvrir dans un marché déjà très bien pourvu d’excellents bouquins ? Construire de mes mains une maison qui aurait une image distinctive, une saveur nouvelle et que les gens aimeraient suivre à travers ses auteurs issus de tous les horizons : Voilà un rêve qui s’est réalisé. En 2010, 5 ans après ma fondation automne ne fait pas exception à la règle chez Alto qui est de publier peu et le mieux possible. J’ai le bonheur de publier ici la divine Sarah Waters, la fascinante Anne Michaels, la délirante Marina Lewycka deux écrivains que j’adore et qui m’inspirent : Dominique Fortier et Hélène Vachon. En plus, je poursuis mon pari qui consiste à permettre aux lecteurs d’ici de redécouvrir l’œuvre de l’immense Margaret Laurence. On m’a dit un jour que c’est à 5 ans qu’on peut vraiment juger du parcours d’une maison d’édition. Je crois avoir fait ma place. À ce jour, je ne compte plus les jours heureux qui m’ont apporté la confirmation d’avoir fait le bon choix en fondant une maison ici, dans une industrie sont l’audace et le courage (je pense seulement aux collègues Éric du Quartanier et Simon-Philippe de La Peuplade) ne cessent de m’étonner.
Quelle est votre ligne éditoriale ? La ligne éditoriale d’Alto est à la fois simple et très complexe. Je cherche l’étonnement, le ravissement devant l’élégance des mots ou l’audace d’un auteur. Concrètement, je suis très difficile et souvent déçu. Mais j’ai décidé de publier somme toute assez peu de livres, une dizaine par année environ incluant les rééditions dans la collection CODA. je dois donc faire des choix difficiles et me fier à ce que plusieurs nomment le flair, un concept que j’avoue ne pas avoir encore compris. J’ai toujours été impulsif. Parfois trop, je crois, et je ne regrette rien ! Il faut aller dans cette voie, je crois.
Qu’est-ce qui selon vous caractérise la jeune littérature québécoise et comment souhaitez-vous la voir évoluer ? Il y a un bassin de talent sous nos latitudes qui n’a pas l’occasion de briller. Malgré la diminution inquiétante de l’espace médiatique accordé aux livres et des ventes incertaines, je crois que la littérature québécoise a de belles années devant elle. Mais ce sera un combat intense, fatiguant. Il faut savoir se vendre à l’étranger et briser quelques frontières érigées au fil des ans. Les jeunes auteurs se nourrissent de littérature mondiale et cela se ressent dans les manuscrits que je reçois. Sans négliger nos particularités, notre imaginaire singulier, nous creusons un filon riche, unique dans la Francophonie. Il faut être fier du parcours de plusieurs jeunes auteurs comme Nicolas Dickner ou Dominique Fortier. Ils ont construit des œuvres uniques, riches et étonnantes. Aujourd’hui, ils vont à la rencontre des lecteurs au-delà des frontières du Québec, ce qui me comble et me réjouit.
Comment la littérature québécoise se situe-t-elle dans la littérature francophone et quels sont les liens d’Alto avec les éditeurs étrangers, notamment avec la maleficiumFrance ? La littérature québécoise est de plus en plus ouverte sur le monde et peut désormais rayonner. Regardez les succès récents de Dany Laferrière, Catherine Mavrikakis, Pierre Gagnon, Christine Eddie, Pierre Szalowski… Jamais n’avons nous vu autant d’écrivains être publiés par des maisons établies dans l’Hexagone. Dès 2005, j’ai décidé d’aller voir à Francfort ce qui se tramait. Puis, j’ai cogné à plusieurs portes à Paris. À force de patience, Alto a développé des liens avec plusieurs maisons européennes et je peux avec désormais offrir un tremplin aux auteurs d’alto qui sont publiés en France et aux auteurs canadiens ou étrangers publiés ici sous une couverture Alto. Ce type de partenariat offre bien des avantages pour les lecteurs. L’impression et la promotion locale favorisent l’établissement d’un meilleur et des ventes conséquentes.
Au cours des dernières années, plusieurs jeunes maisons d’édition ont pris une place marquante aux côtés des maisons d’édition québécoises plus traditionnelles ( Le Quartanier, Marchand de Feuilles, Les Allusifs, Héliotrope, Coups de tête… ). Pour quelle raison selon vous ? Quelle place cette nouvelle génération d’éditeurs vient-elle occuper, et avec quels enjeux novateurs ? Pendant plusieurs années, les éditeurs établis et respectés que sont Boréal, Leméac, Québec Amérique ou XYZ ont fait un boulot remarquable. Puis, une nouvelle génération a voulu explorer des territoires encore non cartographiés avec une force et une vigueur qui tranchent avec l’état de santé de l’industrie. C’est dire si l’amour du livre est encore très fort… Notez aussi que l’offre de ces éditeurs est complémentaire à ce qui se publiait déjà et que la plupart d’entre eux évoluent dans des structures minuscules et prennent énormément de temps à peaufiner tant le contenant que le contenu des livres qu’ils publient. C’est un trait qui les distingue, souvent. Il est rassurant de constater, alors que les romans sont de plus en plus difficiles à partager avec les lecteurs depuis une dizaine d’années, qu’on a vu apparaître des amoureux des lettres comme Brigitte Bouchard, à qui je dois d’ailleurs une bonne part d’inspiration lorsque j’ai eu l’idée de me lancer dans l’édition, le fonceur Michel Vézina ou François Couture qui œuvre désormais chez Hurtubise. Ces collègues m’inspirent et me rappellent que nous faisons un travail d’artisan, un travail qui demande patience et amour. Ils n’auront peut-être pas un jour le statut des «grands» et tant mieux ! Personne n’a envie de faire ce qui est déjà bien fait. Les éditeurs de la relève gagnent avec un acharnement peu commun le respect des lecteurs, de la critique et des jurys littéraires. La « nouvelle édition», c’est peut-être ça ? Est-ce facile de créer une nouvelle maison d’édition au Québec et quels sont les aides d’une part, les écueils d’autre part, qui existent d’emblée ? Il est relativement aisé de fonder une maison aujourd’hui au Québec. Toutefois, il faut bien regarder ce qui existe déjà et développer une image à soi. Les bons manuscrits sont rares mais avec un peu de patience et beaucoup de passion, il est possible je crois de dénicher pas ma de talent. Trouver un diffuseur, c’est une autre paire de manches et il faudra peut-être développer ailleurs, sur le Web par exemple, des façons de promouvoir les catalogues des éditeurs de demain. Nous croulons sous les livres, trop de livres inintéressants viennent faire de l’ombre à l’audace et au brio des créateurs qui méritent une place dans les médias. C’est triste, mais c’est un fait. L’avenir du livre passe par la réduction des fournées littéraires à mon avis. Il ne faut pas bloquer l’arrivée de nouveaux éditeurs sous prétexte qu’ils publieraient ce qui a été refusé ailleurs, un argument évoqué à une époque qui me semble désormais lointaine. La littérature est un lieu de possible et il reste encore de la place pour l’innovation.
Le Salon du Livre de Montréal a lieu du 17 au 22 novembre. Est-ce un moment essentiel pour le monde littéraire québécois ? Et pour Alto ? Le Salon du Livre de Montréal est surtout une occasion de célébrer ensemble une année d’édition. Les occasions de trinquer, d’échanger nos joies et nos inquiétudes ne manquent pas. Nous vivons dans une communauté tricotée serré et, plus que jamais, le Salon doit être un lieu d’échange avec les collègues et le public. Pour Alto, c’est surtout l’occasion de voir les auteurs de Montréal ensemble et de s’asseoir pour discuter et manger. Les livres, c’est bien, mais les occasions de fêter notre travail, c’est parfois mieux !
Cette année le thème du Salon est « Livre ouvert sur le XXIe siècle ? » Comment interprétez-vous ce thème et que vous inspire-t-il ? Ah, les thèmes de salon… Au XIXe siècle, au XXVe ou au XXIIe siècle, le livre a été, est et sera toujours une ouverture, une fenêtre sur demain, sur l’ailleurs. Bon, oui, le livre électronique semble créer une vague d’incertitude quant à l’avenir, mais il ne s’agit que d’un nouveau support et il faut entrevoir l’apport des nouvelles technologies à la sphère littéraire comme un outil de création. C’est très stimulant. Les créateurs, eux, restent. En ce sens, le XXIe siècle sera, comme les autres, le siècle du livre.
Le lectorat québécois a-t-il évolué selon vous ? Comment doit-il se développer selon vous et que faudrait-il faire pour cela ? Le lectorat québécois est plus curieux, la plus belle qualité d’un humain selon moi. Plus sensibles au soin apporté aux livres aussi. Il faut valoriser notre littérature et toute notre industrie en multipliant les vitrines, en encourageant nos libraires, en appuyant les initiatives comme les festivals ou les salons du livre. C’est dur, je sais, mais nous somme dans un métier qui demande une bonne dose de foi et de pure folie. Ainsi, nous pourrons montrer qu’il existe de beaux et bons livres publiés au Québec et que la plupart du temps, ils ne viennent pas en palette de 52 exemplaires.
Quels sont vos projets à moyen terme ? Publier autant de romans et de recueil de nouvelles. Renouer avec plusieurs auteurs comme Christine Eddie, Nicolas Dickner ou l’énigmatique Alexandre Bourbaki. En faire découvrir d’autres, comme Catherine Leroux. En 2011, je compte bien m’aventurer dans des territoires inconnus et explorer de nouveaux supports. J’ai aussi l’intention de renouer avec mon amour de l’illustration et de la photographie. Ainsi, j’aborde «l’An 6» [ sixième année d’existence des éditions Alto] avec optimisme. Il faut dire que j’ai plus d’appui qu’à mes débuts et avec un peu d’aide, je compte bien célébrer comme il se doit mon dixième anniversaire. www.editionsalto.com

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